Hello,
La vidéo de Lionel https://www.youtube.com/watch?v=6nBex5FBJDA montre hélas ce que l’on peut faire peut-être en pire avec le sika… Un tel « travail » annihile toute tentative de réflexion sur la réparation des voies patinées…
Pourtant, dans un contexte où il devient assez complexe de défricher de nouvelles lignes ( grandes voies ou secteur de couennes) en étant sous le feu des pressions naturalistes et/ou des enjeux de responsabilité pour les propriétaires, la question de la réhabilitation de l’existant se pose pleinement à mon sens.
Qu’il est bien triste de voir maints itinéraires historiques - de presque un siècle pour certains comme Super Sirène - ou beaucoup plus récent - Dalles Grises au Verdon par exemple -, subir les conséquences de notre passion…Pour ma part, la patine me détourne de ces itinéraires parfois majeurs, mais trop abîmés car l’escalade y devient parfois vraiment trop pénible voire dangereuse dans la mesure où l’équipement en place n’est plus pensé pour faire face aux « zipettes ».
On peut décider, lors d’un rééquipement, de modifier le tracé pour contourner les passages devenus ingrimpables ; c’est ce qui a été fait avec intelligence au Verdon tout récemment, dans les Dalles Grises. Pour avoir l’avoir parcourue avant et après, c’est une belle réussite! Et par curiosité j’ai essayé de prendre en mains les prises patinées vers le haut en restant dans le passage d’origine sur le côté. Ce fut mission impossible, du marbre glissant, impossible à serrer…en 6a.
Un renouveau qui régale mais qui draine, de nouveau, davantage de cordées, ce qui conduira rapidement à patiner les nouveaux contournements. A court terme, on sera donc coincé.
Sa voisine, Chlorochose, rééquipée il y a une dizaine d’années souffre déjà, dans une moindre mesure, de l’affluence, par endroits. C’est vrai que le calcaire gris du Verdon souffre vite de l’usure. Les roches sont inégales face à cette usure.
C’est le revers de la médaille des belles voies calcaires. La patine est bien moindre en granite ou autre. C’est le lot des voies d’un niveau modeste mais aussi des voies plus dures. Comme à Presles ou à la Tour Termier.
Or il n’est pas toujours possible de créer ces contournements…( changement de la difficulté, perte de l’intérêt du passage, qualité du rocher, voies voisines etc…)
Alors que faire ? On peut décider d’attendre que la chimie propose une solution miracle.
On peut aussi essayer des trucs avec le risque de rater mais aussi progresser dans l’élaboration de solutions « acceptables » à l’œil. Car c’est sans doute un nœud du problème pour certains.
Immobilisme ou aller de l’avant, les chemins de réflexion et d’action sont multiples.
Dans cette dynamique de recherche de solutions, on peut souligner la démarche de la commune d’Orpierre qui a permis une étude approfondie de diverses solutions…et celle reposant sur le sika a été semble-t-il retenue et fait ses preuves -discrètes-, d’après les échos de personnes qui ont constaté le renouveau dans certains secteurs d’Orpierre.
https://www.orpierre-escaladedurable.com/wp-content/uploads/2019/05/Etude-de-faisabilit%C3%A9-r%C3%A9novation.pdf
Si le travail lamentable réalisé dans "Papy on sight " n’est certainement pas à ériger comme modèle à suivre, je ne sais d’ailleurs pas s’il y a un modèle à suivre, mais on peut tout de même avancer la solution efficace et discrète de Michel Piola : sika et quartz.
Avec le risque de générer une déferlante remplie de divers venins en évoquant les Calanques, - il est toujours beaucoup plus facile de critiquer derrière un clavier que de mettre les mains dans la colle -, on peut lister quelques voies du massif qui ont bénéficié de la solution :« sika + quartz ». Vu les années qui se sont écoulées depuis le dépôt de cette couche réparatrice par les petites mains de l’ombre, et les retours positifs ( hormis les venins habituels…), on peut se dire que ce n’est pas trop mal réussi…même si dans certaines voies, il aurait fallu en tartiner davantage en préparant peut-être mieux le support…mais ce n’est sans doute pas toujours aisé de griffer les bords d’une fissure selon la taille de celle-ci.
Voici donc une liste de voies ou passage rénovés par quelques iconoclastes nourris au sika. Peut-être que parmi les lecteurs de C2C, certains ont déjà goûté à ce toucher surnaturel …parfois sans s’en rendre compte :
Super Sirène, En Vau : deux premières longueurs. Un bijou qui redemanderait une retouche (pas assez de sika)
Saphir, En vau : première et les deux dernières longueurs. Très belle dans ce niveau et ce cadre rare, une retouche serait bienvenue dans L1 ( pas assez de sika)
La Calanque, En Vau : première et deux dernières longueurs. Une perle pour monter à Castelvieil
Sans Retour, Castelviel : la fissure anciennement pénible et glissante qui permet de rejoindre les Dents de la Mer. Du sika serait bienvenu au départ dans le premier passage raide (L2 après L1 en traversée)
Sur les traces du passé, Bec de Sormiou: réparation de L2 en 6a dans le bombé lors du dernier rééquipement, passage clef de cette voie superbe, l’une des plus jolies du Bec. Depuis le rééquipement, les cordées sont bien nombreuses à la belle saison…
Secteur du Nid d’Aigle, Calanques : quelques prises très usées dans des 6a/b et « regrippées » permettent de retrouver la cotation originelle
Ouvreur de bouse, Canaille : passage du surplomb en L1 qui était devenu très pénible.
Secteur de la Perle, Sainte Baume : reprise des prises très usées dans le secteur central : deux voies en 5c/6a, un 6c et un 6b en friction ( prises de pied très glissantes). Ces deux dernières voies sont de nouveau parcourues, elles étaient boudées avant… (échos sur place avec les grimpeurs de club habitués des lieux) Ainsi que 3 autres voies partie gauche du secteur: 6c, 6b et 7b+ dont les prises clés en mince pince/plat en zone bombée n’étaient plus tenables (sauf peut-être par température sibérienne). Le grain avait complètement disparu. Pour les avoir toutes parcourues, la cotation n’est pas volée malgré la réparation.
Bien d’autres mériteraient un petit lifting au regard des complaintes des grimpeurs face à la patine…
Même certains as du clavier prompts à la critique facile, auraient, semble-t-il, succombé aux bienfaits de la chimie ( osons même peut-être le mot « chirurgie »?) réparatrice…dans une voie très abîmée de 1941 ouverte par l’Emérite Gaston Rébuffat… Un vrai scoop !
Mais parfois, la promptitude au clavier génère quelques incohérences dans la pensée et l’écriture…Peut-être qu’en s’aérant davantage dans les voies rénovées, les brumes s’estomperont…
Ce n’est qu’en parcourant ces monuments verticaux et en les restaurant au mieux que l’on peut prendre toute la mesure du talent de nos Anciens. Au contraire, en les laissant se dégrader et à l’abandon, ces Anciens finissent par disparaître de nos mémoires. Rénover, au mieux, et faire revivre ces itinéraires, en tenant compte des évolutions des pratiques, c’est à mon sens, rendre hommage à ces Visionnaires et à leur audace. La patine est la blessure du rocher, le sika/quartz en est la cicatrice…
Alors que faire ?! Allez voir, toucher ( pas seulement avec les yeux mais y poser ses doigts), y grimper, se faire une idée du résultat, s’ouvrir l’esprit…ou fuir…A chacun son rapport au rocher.
L’idée fait son chemin, tout doucement, sans tabou. A suivre donc…
Que dire ?!
Peut-être tout simplement: « sikatement vôtre »…