C2c

Posté en tant qu’invité par Localcharente:

[quote=« Gepi, id: 909097, post:39, topic:89925 »]On peut aussi envisager la confrontation comme un moyen d’aller au bout de soi même grâce à un/des partenaire(s), comme dans une certaine conception des arts martiaux.
L’adversaire partenaire n’est plus vu ni conçu comme étant à détruire.
C’est une conception qui ne répond pas à toutes les sensibilités, mais elle existe et elle a ma préférence en tant que symbolique d’une éthique de vie, pour revenir aux possibles vertus pacificatrices du sport.[/quote]
Dans tous les cas, il s’agit de canaliser nos énergies « primitives »:
Malgré la distinction courante entre les arts martiaux, fondés sur une recherche de la perfection, et les sports de combat, plus orientés sur la compétition et ayant des contacts directs, ces deux activités humaines ont des liens étroits et découlent historiquement des mêmes préoccupations de défense et de canalisation de la violence. source wikipédia
Après, tout est une question de sensibilité, et la compétition, bien assumée, n’est pas forcément plus malsaine.

Y a aussi le sexe pour ça …

Il me semble que nous sommes d’accord.

C’est peut être là que nos appréciations se distinguent ?
Les valeurs intériorisées ont également une grande force, et en cela sont capables ou d’inhiber (avec des déviances) ou de canaliser les pulsions.
On pourrait trouver aussi de nombreux exemples (pas tous positifs) passés ou présents de cette réalité. Je choisirai l’exemple des samouraï et de leur code de l’honneur qui illustre bien la force des valeurs ou convictions face à celle des pulsions.

Il me semble donc que ce qui est consubstantiel à l’Homme, ou simplement sa nature, ne constitue en rien une fatalité conditionnant à lui seul ni même essentiellement les comportements des individus.
L’exemple du sport comme exutoire tel que tu l’as exprimé, est bien un moyen trouvé par la société humaine pour canaliser l’énergie de pulsions afin qu’elles produisent du positif et non de la destruction. Lorsque la violence dans le foot devient réelle et non plus symbolique, alors ne peut on pas estimer que l’entreprise de civilisation échoue
Alors qu’elle peut réussir, si on considère d’autres activités tout aussi compétitives ?

:smiley:

On se rejoint, mais le dopage ne répond il pas à une volonté de toute puissance sans limite globalement nocive pour l’individu et la collectivité qu’il convient de décourager efficacement ?

J’aime bien ta vision de la compétition pour avancer Gepi.
Je ne suis pas sur que mon post fasse avancer la conversation, mais selon moi, la compétition est utile tan qu’elle apporte au gagnant et au perdant. On peut parler d’émulation ou pas, mais quand on perd il faut essayer de comprendre pourquoi et saluer la performance de l’autre. L’objectif pouvant être de comprend comment s’améliorer. L’autre ne devient alors plus vraiment un ennemi à « écraser » mais un partenaire d’évolution.

J’ai l’impression que Baccus tu ressent moins l’aspect négatif qu’il peut y avoir dans écraser. Je ressent par ce terme une impression d’humiliation. Peut être est ce parce que ta langue natale n’est pas le français que ce genre de détails t’échappe.

Enfin grimpons pour le plaisir :smiley:

Posté en tant qu’invité par Localcharente:

[quote=« Gepi, id: 909128, post:43, topic:89925 »]Les valeurs intériorisées ont également une grande force, et en cela sont capables ou d’inhiber (avec des déviances) ou de canaliser les pulsions.
On pourrait trouver aussi de nombreux exemples (pas tous positifs) passés ou présents de cette réalité. Je choisirai l’exemple des samouraï et de leur code de l’honneur qui illustre bien la force des valeurs ou convictions face à celle des pulsions.[/quote]
On reste un peu dans le cliché, car il existait des Samouraïs injustes et certains d’entre eux, déchu de leur statut, finissaient voleur ou assassin. Les règles, aussi bonnes soit-elles, n’ont jamais garanti la probité des personnes à qui elles s’appliquent.

C’est là que nous ne sommes pas tout à fait d’accord…Je pense que notre nature influe profondément, et de manière le plus souvent inconsciente, sur nos actes. Il n’y a peut-être pas, en théorie, de fatalité, mais la difficulté à analyser nos motivations profondes rend, en pratique, très difficile une perception objective de nos comportements. Quand je regardes autour de moi (et en moi) je vois peu (pas) d’individus capables de s’extraire complètement de leur condition. Peut-être fais-tu partie de cette minorité et dans ce cas tant mieux pour toi, mais il me semble que ta généralisation est quelque peu hâtive. Pour une majorité les règles restent aussi incompréhensibles que la digue pour la mer et la moindre brèche sera, à coup sûr, mise à profit…

[quote=« Nemo38, id: 909167, post:44, topic:89925 »][/quote]

Est-ce que « battre » serait un mot plus approprié?

« L’objectif de la compétition est de battre l’adversaire »
est-ce que ça ferait consensus?

Je sais qu’il peut y avoir d’autres objectifs, comme s’amuser ou améliorer ses performances, mais ceux-ci ne sont pas propres à la compétition. On peut s’amuser et améliorer ses performances sans faire la compétition, surtout dans des sports qui ne sont pas intrinsèquement compétitifs comme l’escalade ou le cyclisme, p.ex, par opposition au football ou d’autres sports d’équipe.

Je suis surpris de cette résistance à admettre que dans la compétition l’objectif est de gagner, et donc battre l’adversaire. C’est justement cet aspect qui différencie la compétition du sport sans compétition.

Je peux admettre qu’il y a des gens qui font la transjurasienne avec le seul objectif de la finir. Et de la finir le plus rapidement possible. Mais ce n’est pas la compétition, même si c’est fait dans le cadre organisé d’une compétition. Ce n’est pas de la compétition parce que l’on peut faire la même chose en courant tout seul. La compétition devient compétition quand il y a un (des) adversaire(s) à battre. Quand l’objectif est gagner, et donc que les autres perdent.

À moins que on appelle compétition à la compétition avec soi-même, mais là on joue avec les mots!

Mon idée de départ était que cette dynamique du gagnant/perdant, cette volonté de battre l’adversaire, qui est l’essence de la compétition, n’est pas très saine, n’est pas la meilleure des attitudes, n’est pas le meilleur modèle (patron?) de comportement…

Pour quoi d’autre ? :smiley: :wink:

J’ai pris l’exemple des samouraï, pour ce qu’il y a d’évident que se faire harakiri pour expier une faute ou un échec démontre la force d’une tradition face aux pulsions.

Pour lever toute ambiguïté, je précise qu’à aucun moment je n’ai dit que les règles des samouraïs étaient bonnes.
Je parlais d’avantage de l’idée d’éthique et donc de sa recherche.

Non, mais je ne crois pas que quiconque soit à la recherche de garanties absolues.
Personne n’a exprimé le rêve d’une société sans tricheur, sans criminel, sans injustice.
Il n’existe aucune société sans délinquance, aucune sans suicide, pour autant ça n’empêche pas de s’interroger sur les facteurs qui conduisent à leur recrudescence ou à leur limitation.
Si on compare les taux de suicide de diverses sociétés, ou catégories socioprofessionnelles, il en ressort des écarts significatifs. C’est ce taux et sa tendance que je trouve intéressants à connaitre.
Idem dans le sport et la société, il y aura toujours des tricheurs.
Ce que je trouve intéressant, ce sont les questions sur l’ampleur et la tendance du phénomène, pour ce qui nous concerne, dans le sport et dans le milieu de de l’escalade en particulier.

Oui, je te rejoins et je suspecte que nombre de positions idéologiques répondent en réalité à des intérêts inconscients, parfois simplement parce que ce qu’elles impliquent nous arrange ou flatte notre égo (grossièrement, si je réussi, c’est grâce à moi, si j’échoue, c’est de la faute des autres).

Je ne le généralise pas comme une réalité au présent pour tous, ni même pour la majorité, je n’en sais rien.
Mais observant la puissance (parfois négative) des valeurs intériorisées, je ne crois pas à une fatalité de la domination des pulsions, même si les orientations doivent se prendre à l’échelle de la génération.

Pour faire une analogie, Voltaire, aussi sympathique et brillant qu’il fut, n’imaginait pas la démocratie comme un régime souhaitable ou possible et lui préférait le despotisme éclairé. On peut le comprendre en essayant de se replacer dans le contexte du 18ème siècle. Confier le destin du pays à ces gueux incultes, n’y songez pas.
Alors que Rousseau qui lui était contemporain y croyait, lui, à la démocratie.
Pourtant, démocratie se conjugue avec citoyens éclairés, alors que l’éducation laïc, gratuite et obligatoire ne verra le jour qu’au siècle suivant, après leur mort à tous deux.

Je crois donc au volontarisme et je préfère la position de Rousseau à celle de Voltaire. :wink:

J’ai ressenti la même chose que toi, mais il se peut aussi que Bacchus soit un brin provocateur. :wink:

Bonne soirée à vous et merci pour ce débat. :smiley:

Posté en tant qu’invité par Berlu:

[quote=« Aurore, id: 909122, post:42, topic:89925 »]

Y a aussi le sexe pour ça …[/quote]
Enfin des paroles sensées :slight_smile:

Tiens… entendu ce matin sur France Info. :slight_smile:

J’ai pensé à écrire pour leur dire que on n’emploie pas le verbe « écraser » quand on parle de compétitions sportives, mais finalement je me suis retenu. Je ne me sentais pas autorisé à donner des leçons de français à France Info… :wink:

Posté en tant qu’invité par MY:

je viens de parcourir ce sujet interessant.

Mon opinion sur la question a déjà été exprimée.
En demi teinte cependant.
Et c’est dommage.

Ehhhhhh … Personne ne s’engueule donc, ici ?
Bon, faudrait voir à ne pas perdre les bonnes habitudes. Alors voici ce qui a déjà été dit par certains, simplement exprimé sous une forme un peu plus vigoureuse.

La compétition représente la faillite la plus complète qui se puisse imaginer de l’esprit de l’homme.
C’est l’abdication complète et sans rémission de ses capacités de réflexion, au bénéfice de son monde pulsionnel. Cette prise de contrôle totale du comportement de l’homme par de monde de « l’affect » a conduit aux pires catastrophes de l’histoire de l’humanité.
Et bien entendu que son expression sur des « stades sportifs », si elle en représente une expression sur un mode relativement « bénin » (et encore … il faudrait développer), n’est pas d’une nature différente de celle-là, qui a conduit aux catastrophes dont on parle.
Oh, les jolis jeux olympiques, à Berlin, en 1938 !

Bon, évidemment que je pourrais argumenter longtemps, soit sur le mode « chiant », soit sur le mode « très chiant », soit sur le mode « extrêmement chiant » … Mais vu que mon but, c’est juste que les gens s’engueulent, je vous laisse le trait (comme on dit dans les compétitions d’échec).

1936, Berlin

Posté en tant qu’invité par MY:

[quote=« stephfb, id: 909694, post:53, topic:89925 »]

1936, Berlin[/quote]
Merci de corriger cette erreur.

A dire vrai, je n’étais pas sûr de la date, et j’ai demandé à Goog’ "jeux olympique, Berlin " … Et les deux dates sont proposées par différents sites …

N’étant pas un spécialiste des JO (ce qui n’aura pas échappé à votre perspicacité …), j’ai pris au hasard …
Ce qui est très mal.

Encore merci de cette précision.

Posté en tant qu’invité par gazou:

[quote=« MY, id: 909692, post:52, topic:89925 »]je viens de parcourir ce sujet interessant.
Mais vu que mon but, c’est juste que les gens s’engueulent.[/quote]
C’est un but, … pour le moment :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par MY:

[quote=« gazou, id: 909785, post:55, topic:89925 »]

[quote=« MY, id: 909692, post:52, topic:89925 »]je viens de parcourir ce sujet interessant.
Mais vu que mon but, c’est juste que les gens s’engueulent.[/quote]
C’est un but, … pour le moment :)[/quote]

Oui, ben : m’en fous, hein !
C’est celui qui a le plus de buts qui gagne la compétition, non ?

Comment ça : non ???

Posté en tant qu’invité par csv:

L’esprit de compétition et l’esprit de dépassement de soi.

1_Une question qu’on peut poser est celle-ci : « La compétition apporte-t-elle bonheur, sérénité, confiance en soi, et ce, de manière durable ? »
Certain-e-s vont répondre oui. On peut penser en revanche que pour un certain nombre d’autres, on pourrait difficilement, à les voir, penser apporter une réponse positive. Cela tient-il à la compétition elle-même, ou à l’esprit dans lequel on y participe ? Pour ne pas faire de procès d’intention aux compétiteurs/trices qui trouvent leur content dans la pratique de la compétition, on peut se concentrer sur les autres, car il est possible de pratiquer la compétition dans un esprit très différent.

2_On peut parfois observer chez les compétiteurs et compétitrices des comportements qui ne laissent pas toujours présager d’une sérénité et d’une satisfaction entière et durable. Énervement pour de motifs futiles, oubli de valeurs humaines, volonté d’ annihiler l’adversaire, souci essentiel pour la gloire ou l’argent, utilisation de moyens douteux voire illicites pour parvenir à tout prix à la victoire, perte du sens commun, vanité et immodestie déplacées pour des champions parfois à la maturité toute relative.

3_Certes, il existe des raisons ambiguës de critiquer la compétition :
a_ éviter d’avoir à se confronter aux autres, car en se confrontant à soi-même, on en tire souvent plus d’avantage et moins de remise en cause ; (Cf la fable du Renard et des raisins…)
b_ la crainte d’échouer et de devoir renoncer à l’image narcissique que l’on entretient de soi.

4_Le but d’une confrontation peut être la volonté de dépasser les autres, de les battre. C’est l’esprit de compétition, où « ensemble » (com) on « cherche à atteindre » (petere) un même objectif, la victoire.
Mais si mon seul but n’est que de vaincre autrui, que se passe-t-il quand j’échoue ? Car le plus grand champion finit toujours par être battu. N’en résulte-t-il pas une insatisfaction de ne se définir qu’en fonction des autres, que je peux battre ou non ?

5_La vraie victoire n’est-elle pas d’abord sur soi-même, et l’objectif le plus exigeant n’est-il pas de toujours chercher à se dépasser soi-même, qu’on gagne ou qu’on perde ? Bien sûr, on a besoin de se confronter aux autres, mais c’est dans le but de se découvrir soi-même, de se dépasser, bien plus que de chercher à dépasser les autres. Il est des champions qui n’apprendront jamais rien de leurs victoires, et qui finiront dans la frustration quand il ne seront plus sur la première marche, et il en est d’autres qui tireront profit de leurs défaites, afin de continuer à progresser sur la voie qui leur est propre. La vraie compétition, réalisée dans un esprit de dépassement de soi, n’est-elle pas menée contre soi-même ? Cette dernière est bien plus difficile, car elle ne cesse pas à la fin de la compétition officielle : elle est de chaque instant, et continuera jusqu’à la mort.

6_Mais pour se dépasser, on a quand même besoin des autres pour avancer, se tester, se confronter. Toutefois, l’autre devient ici un partenaire, non plus un obstacle, un moyen précieux à respecter pour progresser, non un ennemi à abattre pour atteindre la victoire.
Le vrai combat est ainsi face à soi-même, quotidiennement dans la volonté de devenir ce que l’on est, de se dépasser et de repousser durablement ses limites. Et dans les confrontations avec l’épreuve de la nature extérieure et des autres. Car seul, on se berce vite d’illusions…

7_ La théorie de l’évolution distingue fortement, cela a été dit, l’homme des autres espèces : la solidarité entre membres de l’espèce humaine est essentielle à la survie de l’ensemble. C’est ce qui fait que l’espèce humaine se singularise en protégeant les plus faibles, les moins « adaptés », et si la sélection naturelle jouait aussi à l’intérieur des humains, nul d’entre nous aujourd’hui ne serait assez fort pour survivre… (cf Darwin : « La descendance de l’Homme »…).

8_ Si l’on veut en revanche parler quand même de survie, ne faut-il pas distinguer les compétitions sportives modernes, où l’on ne risque pas grand chose quand on perd, d’autres confrontations, où la mort se profile toujours à l’horizon d’un éventuel échec ? Le samouraï court-il les mêmes risques que le judoka sportif, et l’alpiniste que le compétiteur de SAE ? Et les confrontations où la mort peut être présente ne nous amènent-elles pas à déplacer l’échelle des valeurs accordées aux victoires animées par l’esprit de compétition ?

9_ Et certaines qualités recherchées chez les compétiteurs ne peuvent-elles pas devenir pour d’autres, confrontés à des enjeux plus sérieux, des défauts redoutables ?
Qu’en est-il de l’obstination, de la volonté de ne pas trop s’écouter, de grimper « propre », de ne pas se poser de questions inutiles sur la sécurité de la voie (« On n’arrête pas un compétiteur qui grimpe dans un plafond avec la corde autour du cou, ça pourrait le déconcentrer » -entendu sur une compétition d’escalade…) ?

« Encore deux longueurs difficiles. Dans la seconde, je perds plusieurs minutes pour forcer un surplomb. En escalade libre. J’aurais mieux fait d’employer les étriers. Rechercher la pureté du style, c’est bon en école ; en course, l’efficacité prime, et si un étrier fait gagner du temps, c’est lui la formule rationnelle. »
Georges Livanos, « Au delà de la verticale », p170 (Artaud)

Et que vaut la sérénité dans la victoire si elle n’est pas identique dans l’échec ?
Csv, qui s’est pourtant frotté à la compétition dans différentes activités sportives et ailleurs…

« Bien sûr, évaluer sa force par comparaison, c’est à dire être plus fort qu’un tel ou que tous, est un test de puissance qui n’est pas négligeable, mais qui peut nous induire en erreur sur notre puissance véritable. En effet, une puissance qui est éphémère ne peut pas être une vraie puissance. Tôt ou tard, le champion sera battu. Que restera-t-il de lui, s’il n’est que cela ? Dans notre recherche innée de la puissance, il nous faut donc rechercher une puissance qui ne soit pas évanescente, une puissance qui dure. […] Répétons-le : la recherche de puissance et de liberté de l’homme, hors de lui et en lui-même, est normale et légitime, inhérente à sa nature. Mais ! mais la voie sportive de sélection comparative et publique, le culte du Champion, conduisent inéluctablement à l’oubli du but fondamental, à la passion vulgaire et ç la déchéance de l’idéal original »
Chp VII La force et l’énergie intelligente. p 62-63 ibid.

"Le randori-compétition que nous pratiquons en Occident est bien davantage compétition que randori. Le travail est raide, heurté, défensif et par conséquent lent. Les Japonais font au contraire un randori souple, rapide, offensif. Le rythme des attaques est beaucoup plus intense et les attaques se succèdent sans interruption. Celui qui subit l’attaque ne résiste pas « à mort ». Si le mouvement est bon, il chute. […] Voilà qui change des randoris où les bras sont des brancards tendus, et le ventre un mur de béton. […] On voit comment il est faux de tenter des combats destinés à sélectionner des valeurs alors que ces valeurs n’existent pas encore. Certes, il y a en nous tous le besoin de nous confronter, de nous mesurer, de prouver aux autres et surtout à nous-mêmes, que nous sommes « le plus fort ». En sens contraire chez certains, la crainte d’être « le plus faible », d’être battu, paralyse et fait éviter le combat, fuir la confrontation. […] Il conviendrait peut-être que dans les Dojos, l’accent soit mis sur la recherche, avec peut-être en vue un espoir lointain de réussite. […] Nous n’ignorons pas tout ce qu’il y a à vaincre en nous pour se conduire ainsi. Les parents, les amis, les amies excitent en nous le désir d’être le premier, le plus fort, le champion. Abandonner ce désir du triomphe rapide pour se livrer à cette longue et patiente recherche, accepter cette dure et sévère discipline n’est pas à la portée de tout le monde. […]
Mais attention, cela dit, le sport, s’il n’est pas rigoureusement circonscrit, limité, encadré et contrôlé, peut constituer un danger mortel pour le véritable Judo. […] Le véritable Judo […] est une étude patient, un travail opiniâtre, dans lesquels le partenaire nous aide et doit être aidé sans cesse. Il est l’ami sans lequel nous ne pouvons pas progresser. A aucun moment il n’est vraiment l’adversaire, encore moins l’ennemi. Il nous résiste juste ce qu’il faut pour nous obliger à dépasser notre niveau actuel. […] il n’est jamais pour nous l’homme à abattre, à vaincre à tout prix et n’importe comment. Notre but est de progresser, et la victoire n’est qu’un signe-relatif d’ailleurs- de notre progrès ou de la défaillance du partenaire. […] l’esprit partisan, la passion du jeu, l’orgueil collectif […] submerge, même chez les meilleurs, l’esprit de justice, de vérité, le sentiment chevaleresque.
Le partenaire devient l’adversaire, puis l’ennemi, l’homme à abattre par tous les moyens. La ruse, le truc, tout devient permis. Gagner est devenu l’objectif, gagner à tout prix, n’importe comment, et, avant tout, ne pas perdre. Bloquer si on n’est pas le plus fort, empêcher l’autre de travailler, tout cela construit un faux judo, qui n’est plus du judo. Si, comme nous l’avons vu, certains aspects de la confrontation sportive ne sont pas négatifs, […] il faut le faire avec une prudence, extrême modération, et une attention méfiante, toujours en éveil.
Si nous faisons le compte de la plupart des anciens champions de Judo, nous pouvons constater avec tristesse que la plupart d’entre eux , lorsqu’ils ont cessé d’être des champions, lorsque la gloire ne leur a pas prodigué ses sourires, ont abandonné le Judo. En réalité, c’était déjà le vrai Judo qui les avait abandonnés, lorsqu’ils s’étaient seulement consacrés à une carrière de champion. »
Chp XIV : le véritable randori. Utilité et dangers du sport. p 131-139, ibid.

« Le Judo, école de vie » par J.-L. Jazarin, Président du conseil des ceintures noires de France, 5ème Dan. (Le Pavillon, Roger Maria Editeur)

Posté en tant qu’invité par csv:

oubli d’une fin de phrase, fin du §2 :
"pour des champions parfois à la maturité toute relative. "
csv

Gepi[mod] : Fin de phrase insérée.

Pas mal comme description je trouve csv.

Par cette philosophie, on peut alors considérer que le dopage est une erreur qui finalement nuit surtout à soi-même.

Maintenant je pense que cette notion de compétition est déformée dans notre société qui valorise l’éphémère, et le « brillant ».

Enfin tout ça pour dire que c’est triste de voir que le dopage touche vraiment tous les sports et que cette conversation est réellement intéressante.

Posté en tant qu’invité par MY:

Argumentation intéressante, comme d’hab.
Quelques fragments de réponse, comme ils me viennent

Excellente idée, que de poser cette question là !
Et poser la question revient à y répondre.
Y répondre non, bien entendu ! Non, mille fois !!

Ni de manière durable, ni de manière transitoire, la compétition n’apporte « bonheur, sérénité, confiance en soi ».

Lorsque l’on pense « compétition », on pense habituellement au vainqueur … mais ce que fabrique la compétition, ce sont surtout des vaincus. Leur nombre est incomparable, vis à vis de celui qui gagne.
Soit une compét. de 200 bonshommes. Il y a un vainqueur. Le plus amert, le plus meurtri, le plus blessé dans son amour-propre est le deuxième. Le troisième rage de n’avoir pas disputé la finale, le quatrième de n’être pas sur le podium … etc. La compétition fabrique des frustrés, des aigris, des envieux … des malheureux, finalement. Même le premier n’y échappe pas : il ne restera pas toujours sur la plus haute marche …

La preuve la plus éclatante de ce que je dis, c’est les trajectoires humaines pitoyables et pathétiques des anciens compétiteurs de premier plan. Pour une réussite, combien de vies brisées à jamais ?

Et même le premier, note bien, est-il si content que ça ? J’avais naguère tenté une description sur la mode humoristique. Je suis désolé de me citer, mais elle n’est peut-être pas si fausse :
« Et l’euphorie qui suit cette phase de tension extrême dépasse la description … Comme ils disent dans le poste, lorsque l’on montre ces visages déformés par un rictus inhumain, les yeux exorbités, les lèvres retroussées sur un maxillaire à la limite de la désarticulation, tous les muscles cervicaux tendus dans un cri de bête fauve, comme ils disent : cet instant là n’appartient qu’au sportif de haut niveau.
Et on peut le comprendre qu’il ait l’air content, le gars dans le poste : il vient de franchir une ligne blanche dessinée sur le sol quelques centièmes de seconde avant le minable qui l’a franchit quelques centièmes de seconde plus tard.

Oui … En fait, on n’est pas tout à fait sûr, qu’il le soit, content, quand on le regarde … On lui fracasserait les burnes entre deux caillasses qu’il ferait sans doute à peu près la même tronche.
Mais bien sûr, on ne le montrerait pas dans le poste … »

Bon, j’ai plein d’autres trucs à te répondre, sur « se dépasser », par exemple. Mais là, je n’ai pas trop le temps.
Plus tard, sans doute.
Tchô