Rupture partielle de corde en grande voie

Bonjour à toutes et tous. Pour éclairer le titre du sujet je vous donne ici une copie du récit écrit juste après la virée. Ce petit texte à pour but de partager une expérience et d’éventuelles leçons qui seraient à en tirer. Initialement je l’ai publié sur un groupe FB - La joie de grimper, groupe autour des questions de sécu en grimpe. Bien que tout se soit bien terminé, vous verrez que je termine par une petite question qui reste, après plusieurs jours de réflexion, ouverte. L’usage de cordes à double pour éviter que les deux brins soient sectionnés par une chute de pierre est indispensable et on comprend bien comment s’en tirer si cela se produit pendant l’ascension, mais que faire si un brin pète pendant le rappel? Une vraie question. Si cela vous inspire…
Merci d’avance, je ne peux pas croire qu’aucune manip ne soit possible, en dehors d’un grand, très grand coup de chance

Voici le lien vers le groupe si cela vous dit de vous y exprimer : https://www.facebook.com/groups/lajoiedegrimper/

Et le texte :
Joies d’un bombardement en grande voie.

Comme nous aimons à causer un peu d’escalade et de ses plaisirs qui peuvent se muer en mésaventures, je m’y conforme avec un mini-récit d’une virée chanceuse qui ne date pas plus tard qu’hier.

En pleine forme, parfaitement bien accompagné par un ami expérimenté, nous choisissons de manger à notre rythme une bonne soupe aux cailloux, belle grande voie de 200m en TD+ à Saou. Je vous passe les commentaires sur l’état de la voie et ces multiples occasions de larguer des pavés sur les cordées qui suivent, les passants en pied de voie ou son propre second qui a tout intérêt à jouer les tortues sous son casque.

Tout est donc merveilleux, le sommet est atteint (en explosant le timing tant l’escalade se déroule sur des œufs) et la descente s’annonce belle dans sa suite de longs rappels. Sauf que…

Reste le dernier rappel qui doit conduire de R2 sur la planète. Je m’y engage. L’une de nos cordes (beau brin quasi neuf de 60m) a l’idée de faire une pause dans un petit arbre en s’emmêlant juste ce qu’il faut pour m’obliger à un léger pendule tranquille qui ne pose pas de problèmes.
Hop, brin détaché, pendule peinard et décrochage malencontreux d’un bon bloc (taille d’une collection complète de Tintin, ça change des frigos qui sont réputés pour valser dans ces parois). Boum, crac, patatras et tout ce qui s’en suit jusqu’au retour du calme.

Là, grand malin que je suis, je trouve l’idée bonne de faire un arrêt dans mon beau rappel pour repasser les deux brins qui se trouvent couchés sur une vire en dessous pour m’assurer qu’ils n’aient pas été touchés par le boulet. Grande idée, n’est-ce pas, dont je ne suis pas peu fier et qui m’assura qu’aucun incident contrariant n‘allait se produire dans les derniers mètres (environ 30m).

À 15m de l’arrivée, soudain, un bizarre cloc cloc se produit dans mon machard ! Le temps de me dire que ce n’est pas dans les habitudes d’un machard bien élevé, j’assiste perplexe au déchirement de la corde dans le sens de la longueur au-dessus du reverso… La gaine pète complètement et laisse apparaitre l’âme de la corde qui fait des schtoiing bizarres qui laissent supposer une rupture imminente de la corde. Pour du contrariant, c’est du haut de gamme. Hop j’attrape les deux brins au-dessus de l’immense plaie pour alléger tout le bazar, car comme vous le savez en rappel si l’un des brins se met en rade, c’est l’autre qui descend
.
La réflexion fut assez limitée, en particulier par la force de mon petit bras qui n’allait pas tenir tout le bonhomme comme s’il attendait un bus. Hésitant entre un point d’impact terreux puis rocheux ou d’abord purement végétal en passant par la cime d’un arbre pour rejoindre ensuite le premier scénario, mes yeux se portèrent alors sur cette paroi si accueillante pour lui dire au revoir…

C’est le moment ici de louer les équipeurs de ce bastion rocheux, si enthousiastes qu’ils n’en oublièrent pas un centimètre, car sous mon nez surgit comme de nulle part une belle broche que je trouvai si belle qu’immédiatement je m’y vachai (avec un degré de plaisir rarement atteint dans la communauté des grimpeurs).

Pendu comme un sac sur mon seul point, le premier mot qui me vint à l’esprit fut « téléphone ». Mot que je hurlai à mon compagnon de cordée, histoire de lui passer un coup de fil, ce que je fis. (Le piquant de l’époque des téléphones portables est qu’on ne sait jamais où se situe la prochaine cabine…).
Logé en R2, compétent et rapide, il rejoignit R1 et me lança les cordes comme un cowboy pour me permettre de finir mon bol d’adrénaline au sol.

Alors, y a-t-il un message ? Sans doute plusieurs.
Oui, on peut passer à côté d’un cisaillement de la corde par chute de pierre en la vérifiant à la main, du moins moi j’en suis capable.
Non, la gaine ne pète pas tout de suite, mais attend de passer dans le machard pour foutre le camp.
Oui, le téléphone c’est bien en grandes voies.

Alors ?
Vérifier systématiquement et avec beaucoup d’attention les deux brins qui ont potentiellement ramassé un coup sur la tronche avant de retrouver la vôtre aplatie par terre, et mieux que votre serviteur.

J’entends les optimistes technophiles de la corde dirent qu’il était tout à fait possible de descendre sur une « âme à l’air » tant qu’elle n’est pas réduite à quelques filaments. Peut-être. Je jure que j’y ai pensé, mais pas longtemps. Échaudé par le résultat de ma super vérif, je n’allais pas remettre le couvert en me confiant à un brin dont l’âme à « l’air » en état, non non non, pas à cet instant. Vous me direz, si ce beau point n’était pas pile à cet endroit pour me servir d’asile vertical, j’aurai sans aucun doute eu la réponse à la question de la solidité de ce qu’il restait de la corde.

Mais peut-être aurons-nous cette réponse après un petit test de mise en charge dans des conditions identiques de cette partie de la corde qui devait encore servir 15 mètres. Cela ne nous donnera sans doute pas un enseignement général, mais une idée du fin mot de cette histoire particulière.
Pour le petit jeu, j’ouvre officiellement le concours Lépine de la meilleure réaction à avoir dans ce cas en imaginant bien entendu que cette belle broche n’y soit pas.

À vous de jouer et bonne grimpe.
Marcus

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Bonjour et merci pour ce retour, afin d’en faire profiter le plus grand nombre en lui évitant de finir noyé dans les limbes du forum, tu peux créer un rapport d’incident

Belle frayeur, je pense pour ma part que tu as bien réagi dans ta situation avec la broche à portée.

Bonnes grimpes (safe !)

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Merci pour l’info, je créerai un rapport plus tard (quand je saurais me servir des outils de recherche pour indiquer la bonne sortie : Camptocamp.org )

Mon diag perso : gaine cisaillée, dégainage totale lors du passage ds le descendeur.
Mais la plupart des torons de l’âme semblent intacts, dc la corde reste bien assez solide pour continuer ta descente.

Mon avis perso :
Tu peux continuer ton rappel sans trop de risque tant qu’il n’y pas de frottement de roche sur l’âme à nu.
Par contre, je ne risquerai pas un suivant sur les mêmes brins : risque si frottement, risque de bourrage de la gaine ds le descendeur ou la machard…
Je descendrai sur un brin simple avec noeud de blocage, l’autre ne servant qu’à rappeler une fois en bas

Merci Paul-G, je partage ton avis sur la solidité des torons, mais le risque que cette solidité ne soit qu’apparente fait réfléchir à la prise de décision de continuer ou pas.

ouch…
Plutot le même avis que Paul-G, le risque est surtout un « bourrage de la gaine » ou un « dégainage » complet, a priori, pas de risque de rupture A CET ENDROIT. mais rien ne dit qu’elle n’avait pas été abimée plus gravement plus haut ou plus bas. Pi c’est facile de dire ça au chaud devant son PC. Sur place, j’aurais flippé ma race !!!
Pas bien compris la manip que vous avez fait sinon. Il était pas possible de rabouter les 2 parties saines du brin tonché ?
Sinon, 60 m c’est une iceline toute fine ?

Salut Mollotof,
la manip se résumait à attraper d’une main les deux brins au-dessus de la déchirure, c’est à ce moment que j’ai vu la broche.
Rabouter les deux brins, pourquoi pas effectivement. Pour cela il faut avoir les mains libres, ce qui était mon cas grâce à la broche. Encore que le « dégainage » était continu vers le haut, donc sans doute pas facile à réaliser bloqué sur une vache

L’idée est de savoir quoi faire sans cette broche providentielle, par exemple même situation en fil d’araignée.

Je demanderai à mon compagnon de cordée pour la corde.

Si tu veux vivre vieux évite se genre de bouse .Savoir renoncer quand on estime que le terrain s’avère dangereux , est le meilleurs conseil que l’on peut te donner.

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je voulais dire, j’avais pas compris ce que ton compagnon avait fait pour te permettre de rejoindre le sol.
J’ai relu, et j’ai compris.
Il a rejoint R1 en descendant sur les parties saines de la corde (puisque ce n’étaient que les 15 derniers mètres qui étaient abimés. Il a ravalé la corde et a pu rejoindre le sol depuis R1 en descendant sur les parties saines de la corde. Tu en a fait de même…

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il faut pas non plus exagérer ; Certes à Saou le rocher n’est pas celui du verdon mais des dizaines de cordées font chaque année cette voie et on survit sans problème, c’est pas verdun, dans mon souvenir Il fsuffit de faire attention. le vrai souci c’est surtout qu’il y a des couennes en bas…

S’il y avait pas la broche ? si t’es en fil d’araignée ? la question ne se pose pas à mon sens. Si t’es plein gaz, peu de chance que tu fasses tomber des cailloux. et le surplomb en haut te protège… Ce type de rappel est moins dangereux je pense (sauf evidemment d’un éboulement général venant de très haut )

De toute façon, les rappels c’est toujours dangereux.
Une bonne technique dans un terrain un peu péteux est de mouliner le premier; la corde se déroule sans se prendre par terre, le premier peut nettoyer, etc.

comme je suis un grimpeur prudent (ou stressé de la vie), je ne pars jamais en grande voie sans au moins 2 machards… ducoup je suppose que si j’avais eu la presence d’esprit de m’arreter à temps (pas gagné ), j’aurai tenté de me « securiser » en mettant un machard au dessus du descendeur, et en tentant une remontée sur corde…

Bonjour, j’ai l’habitude de toujours installer mon autobloquant, machar français, avant même que mon partenaire n’attaque la descente. Est ce que cela pourrait solidariser suffisament les 2 brins pour assurer une fin de descente safe au 1er ?

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Essaye chez toi : un mousqueton dans une branche, la corde passée dans le mousqueton, tu fais ton mashard que tu accroches avec une dégaine ou un mousqueton sur le premier mousqueton (celui qui tient la corde) et tu te pends brutalement sur 1 seul brin de ta corde (je n’ai pas tout ça a dispo pour le faire moi-même).

Edit : et tu réessayes avec ton mashard bloqué avant de te pendre. J’ai l’intuition que ça fonctionnerait mieux si le mashard est déjà sous tension.

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ça m’est arrivé en canyoning (pendule sur des lames de rasoir aiguisées par l’eau…
j’ai bien flippé mais après avoir vu qu’il s’agit « que » de la gaine, j’ai poursuivi le rappel rassuré mais tout en douceur, afin éviter tout autre frottement…
si la corde est trop abîmée pour continuer le rappel, je penserais ré-monter avec le reverso inversé +machard (que j’ai tjs sur moi), avec bcp de finesse sur la partie abîmée de la corde

Combien de temps pour finir de descendre un rappel ?
Combien de temps (et de secousses) pour organiser une remontée sur la corde ?
A mon avis, si on est en dessous de la zone abîmée, il sera bcp moins risqué de finir la descente que de vouloir la refranchir dans l’autre sens.

Le pb me semble plutôt de prévenir ceux qui sont au dessus pour qu’ils adaptent leur méthode.

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Pour info, il y a moult années, en chantier accro, je remonte sur une state et à 30m du sol, je m’aperçois qu’il ne reste qu’un toron de l’âme, je passe au-dessus et après j’ai essayé de peter le toron qui restait, impossible de la casser 'avec mes mains en bourrinant, donc c’est solide.

C’est solide en traction, mais ca résiste très mal aux frottements !

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Oui, évidement.

oui

Dans les solutions de « secours », il peut y avoir le fait d’emmener un 3ème brin… Je pense que quasiment personne ne le fait mais ça peut vraiment te sortir du pétrin.
En montagne assez souvent je m’encorde avec mon binôme en doublant un brin, et l’autre reste dans le sac du second : si le brin est abimé on en a un de rechange, et pour les rappels on a de la marge s’il en faut…

On change d’univers mais dans ce documentaire sur David Lama au Cerro Torre, à un moment Jim Bridwell dit qu’en montagne il a toujours 70m de 7mm au fond du sac pour parer aux éventualités.

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