Posté en tant qu’invité par BP13:
Dès qu’il est question d’équipement plus ou moins partiel d’une voie en TA, on voit fleurir les posts sur ce qui est vraiment du TA ou pas, sur une prétendue demande de sécurité, sur le déplaisir de grimper avec une jupe de matériel dans des voies ouvertes avec dix pitons… Que sais-je… Bref, beaucoup de choses sur le « comment », mais jamais sur le « pourquoi », sur ce qui fait le plaisir spécifique de grimper en terrain non équipé par rapport à l’escalade sportive. Alors, on applique à une activité un critère pertinent pour l’autre, et la discussion tourne vite à l’engueulade de sourds…
Bien sûr, le plaisir qu’on prend est personnel et ce que je dis ne vaut que pour moi, mais je suis prêt à parier qu’il est des constantes, et que les dire peut aider à se placer sur le même terrain. Grimper en TA, c’est avant tout un jeu d’anticipation. Anticipation du matériel à prendre (le minimum pour assurer sans être transformé pour cela en Père Noël), du prochain repos, de la prochaine protection, du matériel encore disponible (le relais maintenant, pendu mais safe, ou sur la vire au-dessus avec le risque d’y arriver à poil ?). Rarement l’anticipation du prochain mouvement (sauf exception, l’escalade y est rarement difficile). On comprendra qu’un équipement, quel qu’il soit - visant à permettre un parcours plus léger ou à supprimer le souci d’installer le relais – rate son but parce qu’il diminue cette nécessité d’anticipation et par là même ce qu’on est venu chercher (de surcroît, il peut favoriser une certaine pratique de la fuite en avant qui ne fait certes pas bon ménage avec le TA pour qui vise à une longue carrière).
Grimper en TA, c’est tout sauf du bricolage, il est des longueurs dont on sait qu’on les a bien faites et des dont on sort mécontent, et il est aussi désagréable de bricoler dans une longueur non équipée que de bourriner dans une couenne trop dure pour soi. L’activité est certes moins codifiée que l’escalade sportive, mais on croule sous les normes, les règles et interdictions de toutes sortes. Qu’on laisse les grimpeurs respirer, ils sauront décider tout seuls s’ils ont eu le souffle court.
Donc laisser les voies non équipées à demeure libres de tout point bien sûr, cela semble évident. Sauf que… poser son matériel, c’est aussi en abandonner de temps en temps (moins depuis qu’on utilise majoritairement des coinceurs, c’est vrai) et, si les voies sportives se patinent, les voies TA s’équipent peu à peu, pas toujours très à propos, et vient un jour où, le matériel en place étant devenu dangereux, il est bon d’envisager un rééquipement.
Pour les musées des dix dernières générations de matériel, des pitons qui se cassent à la main et des cordelettes qui s’effilochent quand on souffle dessus, il y a généralement consensus. Mais il est préférable de ne pas en arriver là. Alors qui décide ? Généralement la réponse est « Qu’on demande à l’ouvreur ? ». On peut le faire par courtoisie mais, à mon avis, l’ouvreur n’a rien avoir là-dedans. S’il est des ayant droit sur les voies, ce sont ceux qui projettent d’aller les faire, qui y investissent un peu de leur ambition et de leurs rêves. L’ouvreur a eu la meilleure part : il a conçu son itinéraire et choisi son caractère, équipé ou pas, engagé ou pas… Mais à partir du moment où un topo est publié, sa création ne lui appartient plus, elle est entrée dans un patrimoine commun. Elle vit sa vie, se patine ou s’équipe au gré des passages, et qui tarde trop à y aller risque d’y trouver autre chose que ce qu’il est allé y chercher.
Oui mais, ces « ceux qui projettent d’aller les faire », ne sont pas un groupe identifié à qui on pourrait demander son avis. Et puis on ne vit plus dans un espace ouvert. Quelle que soit la falaise ou la montagne, il y a un propriétaire, un gestionnaire peu ou prou responsable et désireux de contrôler les activités dont ces parois sont le support. Alors les fédérations, les clubs sont un moindre mal, qui sont pourtant souvent plus soucieux du nombre de leurs adhérents que de favoriser une pratique un peu marginale. Faute d’offre ou de demande ? Les amateurs de TA sont souvent peu représentés dans ces organismes, mais ils peuvent trouver leur place dans les comités qui décident in fine, et s’exprimer sur les forums… Nous sommes trop nombreux à nous partager un territoire trop petit pour y laisser s’exprimer les initiatives individuelles de ceux qui veulent faire le bien des gens malgré eux. C’est dommage, mais c’est comme ça.