Si vous avez raté le début :
1 – La montée au refuge d’Argentière
2 – Le sauvetage en crevasse
[u]3 – La rimaye du Glacier du Milieu[/u]
La première ascension de notre périple était l’Aiguille d’Argentière par le Glacier du Milieu.
C’était pour nous une mise en jambe avant des itinéraires plus techniques et prestigieux, et nous étions très fiers de doubler à un bon rythme des cordées, en soignant au maximum notre cramponnage que nous voulions impeccable.
Mes crampons Laprade 12 pointes se comportaient à merveille, je les avais ajustés au plus juste sur les chaussures et ils tenaient même sans les sangles (que je mettais aussi par sécurité). Pour arriver à ce résultat j’avais fait percer un trou supplémentaire dans les barrettes qui relient l’avant et l’arrière de chaque crampon, pour un réglage plus court. Lorsque j’avais été les rechercher au magasin, le vendeur était très mécontent : le métal était tellement solide qu’il avait cassé 2 mèches au carbure de tungstène (j’avais cru comprendre que ça valait une fortune à l’époque), et il avait finalement dû détremper l’acier pour arriver à le percer !
Puis ce fut le passage de la rimaye. Elle n’était pas large au niveau de la trace, mais la lèvre supérieure était bien haute et présentait un véritable petit mur de glace à franchir… hum !
Notre honneur était en jeu, mais Bernard est passé tel un chat avant que j’ai pu comprendre la manip. Lorsque ce fut mon tour, je n’ai pas eu le temps de me poser plus de questions, mon coéquipier était passé maître dans l’art du hissage de corde, et j’ai eu l’impression d’effleurer la glace tel un papillon…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je n’étais pas passive dans cette technique qui demandait une étroite collaboration entre nous deux, et surtout des gestes et des efforts d’une coordination millimétrique. Nous l’avions bien mise au point en rocher, et c’est la première fois que nous la testions sur glacier, cela fonctionnait à merveille !
La suite m’inquiétait un peu car la pente devenait plus raide, ainsi que je l’avais lu dans les topos, mais en fait la trace à cet endroit était faite de grosses marches bien profondes et bien commodes.
Nous étions partis très tôt, bien avant le lever du jour car la météo avait encore prévu une grosse chaleur sur le massif, et ce n’est qu’en arrivant avec le soleil sur le sommet que nous avons réalisé dans quel paysage extraordinaire nous étions.
La veille nous étions trop occupés pour regarder vraiment le cirque d’Argentière et là, époustouflée, je découvrais la Verte, les Droites, les Courtes et le Triolet…
L’ensemble constituait une sacré muraille que nous allions franchir dans deux jours pour rejoindre le refuge du Couvercle.
J’étais assez impressionnée par la tâche qui nous attendait…
Pour la descente, la neige commençait à ramollir, nous avons pris beaucoup de précautions pour assurer nos pas, et afin de ne pas détruire les belles marches pour les suivants qui viendraient le lendemain, nous avons tracé à côté, en enfonçant bien les talons, en cadence, et en débottant : un, deux, trois, tac ! un, deux, trois, tac !
C’est ainsi que nous sommes parvenus à la rimaye. La hauteur à sauter était non négligeable, il fallait bien soigner et amortir la réception.
Je m’élançai dans le vide, et au moment où je touchai la neige, il m’a semblé entendre comme un craquement, j’ai senti l’appui de mon pied droit se dérober…
(à suivre…)
La suite est là : 4 – SOS crampons