1 – La montée au refuge d’Argentière
L’aventure avait été minutieusement préparée, à l’aide du Guide Vallot, de la carte « série violette » au 1/25.000, de notre maigre expérience, et surtout de conseils que l’on nous avait donnés à l’OHM.
En ce matin de juillet 74, c’était le grand jour : on partait pour une semaine d’aventures en altitude !
Nous étions un petit groupe d’irréductibles passionnés venant de la région parisienne, et tous les étés depuis quelques années déjà, nous établissions notre camp de base dans la vallée de Chamonix. Notre camping était alors « sauvage », d’abord du côté du hameau des Bois, puis nous avions trouvé un emplacement vraiment génial un peu au-dessus de téléphérique des Grands Montets.
A cette époque, il y avait encore de la forêt qui descendait assez bas, avec quelques carrés de verdure, c’était joli, calme, confortable, et on apercevait au-travers des branches des sapins le bas du glacier d’Argentière.
Nous entretenions notre forme physique tout au long de l’année, et avions une super pêche pour progresser en montagne, ainsi qu’un moral d’acier et pas mal d’insouciance.
Bernard et moi avions choisi de nous perfectionner en « neige et glace » alors que nos compagnons avaient choisi le rocher.
Tandis que leurs yeux brillaient chez Tairraz en lisant dans « les 100 plus belles » les descriptions d’escalades, nous deux rêvions sur les traversées d’arêtes neigeuses, les grands couloirs, les sommets immaculés…
Notre programme était assez consistant, la première étape était la montée au refuge d’Argentière, et ce n’était pas une mince affaire !
Ne riez pas, car hors le fait que nous étions chargés comme des mules avec tout notre équipement et notre nourriture (avec gamelles et réchaud) pour une semaine, nous partions à pied d’en bas. En effet, cela correspondait à notre approche « écolo » de la montagne, et une chose qui nous ravissait était que le téléphérique était hors service pour une histoire de remplacement de câbles, donc cela limiterait l’accès à « nos » montagnes de ce côté-ci !
Le glacier a bien fondu depuis, mais le sentier à cette époque, après une montée raide en sous-bois puis parmi les myrtilles et rhododendrons, et enfin des rochers, arrivait en douceur sur le glacier, avec juste un petit passage de rien du tout que l’on franchissait grâce à une échelle à 3 barreaux si je me souviens bien !
Ensuite, le cheminement ne prédisposait pas à des débordements de précautions tellement les crevasses semblaient bouchées et le glacier recouvert d’une bonne épaisseur de neige. Mais nous étions pétris de bonnes résolutions acquises au fil des lectures sur la sécurité en montagne, et nous nous sommes encordés, crampons aux pieds, et piolet à la main.
L’air était chaud, étouffant, l’isotherme 0 était montée à une hauteur vertigineuse comme ces derniers jours, et la neige par endroits bottait… Tous les 3 pas, un rapide coup latéral du piolet sur la chaussure pour débotter. Un deux trois tac ! un deux trois tac !
J’étais devenue experte dans le débottage, je ne comprends pas encore comment on arrivait à ne pas se mettre par terre avec cette manip, où tel de Flamant Rose au repos, on n’avait plus qu’un seul appui au sol.
En tous cas, cette progression me demandait beaucoup d’attention car il ne fallait pas abîmer le beau piolet à manche bois « Simon Super D », ni les chaussures « Super Guide » en cuir, ne pas crocheter les pointes avant dans la neige, ne pas se tricoter les guêtres, bien rester corde tendue…
Il faisait vraiment chaud, j’avais soif, mon sac était lourd… je n’ai pas compris tout de suite ce qui se passait :
Bernard s’est mis à courir, en me disant « vite , vite ! »
(à suivre…)
La suite est là : Le sauvetage en crevasse