Eh bien, tant mieux pour lui si ça lui fait plaisir ! Du moment que ça n’arrête pas la marche du monde.
Au moins, aujourd’hui, le clampin moyen peut s’exprimer.
Escalade libre
Finalement je suis en train de changer d’opinion. Je pensais initialement qu’il fallait prendre le mot libre comme une abréviation de « libre de tout artifice », donc essentiellement sans piton. mais le texte de Preuss répondant à Piaz a semé le doute. Et là je viens de relire Mummery très attentivement;t je crois que Preuss le rejoint lorsqu’il parle de désescalade libre, c’est-à-dire sans aide de la corde. Comme il (Preuss) l’a montré au campanile Basso puisqu’il a fait le sommet en solo, il pouvait grimper et descendre du 5 , seul, sans corde. Et si on y réfléchit bien ça veut dire que dans le cas d’une cordée le dernier à descendre se retrouve alors bien dans cette situation, la corde ne servant qu’à enrayer un début de chute de celui qui descend en premier et pas celle du dernier. Si je reviens à Mummery il écrit:La corde devrait être regardée par chaque membre de la caravane exclusivement comme une aide et une protection pour son compagnon(…) Etre capable de marcher librement et en sécurité sur une pente de montagne devrait être l’objectif de tout jeune alpiniste"
Mon idée est donc maintenant que dans notre contexte le sens du mot libre a changé: initialement il voulait dire libre par opposition à attaché (Mummery décrit longuement son opinion sur ce qu’est un « véritable » alpiniste et cela va dans ce sens le client attaché est considéré comme une vache en laisse). Lorsque Preuss parle de descente libre c’est encore analogue. Et ce n’est que lorsque les pitons sont apparus, qu’on est passé de cette notion d’attaché à la notion « moderne » évoquée depuis le départ, à savoir libre de tout piton.
Mais là, on change le sujet de la recherche. On passe de: recherche de la première occurrence de l’expression « escalade libre » à : recherche de sa signification.
Pas une critique, hein ! Simple remarque…
Tu n’as pas bien lu ou compris ma question initiale ou je me suis mal exprimé: je cherchais deux choses: quand l’expression est apparue et pour quelles raisons. Et là je viens de parler de la raison initiale
OK, mea-culpa !
Récite trois Notre-Pire et ça ira
Ben la notion de « libre » de Preuss, c’est actuellement le « free solo intégral » ? Descente incluse.
Je ne suis pas convaincu.
D’une part les pitons existaient déjà à l’époque de la polémique Preuss/Piaz.
D’autre part si on en reste à la définition « sans artifice », alors on peut décliner : à la montée c’est sans tire-clou, à la descente c’est sans rappel. Et « descente sans rappel », c’est quand même un peu la même idée que descente sans corde (à l’époque).
Ce qui me fait douter par exemple : ce passage de Preuss dans son 1er article de 1911 :
Venir à bout des difficultés avec ses propres forces, à la montée comme à la descente.
Mais ce n’est pas parce que je ne suis pas convaincu que tu as tort : c’est juste que je trouve qu’on manque de preuves pour affirmer que Preuss utilisait le mot « frei » pour juste dire « sans corde ».
Et il n’en reste pas moins qu’il parait intéressant de continuer à chercher les écrits des années 20 à 50 dans lesquels le mot « escalade libre » est employé, et au sens explicite de sans artifice quel qu’il soit.
Bien entendu je n’ai pas de certitude absolue. Mais je pense que Preuss allait dans le sens de Mummery: les pitons existaient lors de la dispute avec Piaz mais depuis très peu de temps. Et la question du tire-clou ne se posait pas. Preuss à ma connaissance ne s’est pas exprimé spécialement là-dessus, il contestait l’usage des pitons tout court. (d’ailleurs même beaucoup, beaucoup plus tard, quand j’ai commencé on s’en foutait royalement -sauf quelques grimpeurs avant-gardistes isolés- de savoir si on avait utilisé un point d’aide ou pas; ce qu’on voulait savoir c’est s’il y avait des pitons en place et combien on en avait planté)
Bref à ce stade je crois qu’il faut distinguer plusieurs périodes: fin 19°/début 20° libre signifierait sans corde. A partir de 1910/11 cela signifie sans utilisation de pitons, et que la question n’est pas de savoir si on s’y tire ou pas. Jusqu’à quand je ne sais pas. Mais je suis tout de même assez persuadé que les écrits évoqués dans la période d’avant la deuxième guerre mondiale parlant d’escalade libre siginifent qu’il n’y a pas de pitons en place et qu’on n’en plante pas. Ou si peu. En 1925 Solleder à la Civetta plante 15 pitons pour 1000m. En 1935 Detassis ouvre la voie des guides au Crozzon di Brenta avec 4 pitons en tout, pour 800m de dénivellée. Ça fait beaucoup de longueurs en libre au sens où je l’entends. Et enfin la période « moderne » qui dure jusqu’à aujourd’hui où ce qui importe c’est de ne pas toucher à la ferraille comme aide ou repos.
Pour Armand Charlet, « escalade libre « signifiait « sans pitons ». Traversée des aiguilles du Diable: 0 piton. Charlet-Devouassoud au Nant Blanc: 0 piton. Il faut dire que les pitons sont apparus dans les Alpes occidentales beaucoup plus tard que dans les Dolomites.
On est d’accord As-tu des récits écrits de Charlet avec l’expression « escalade libre » ?
Mais Charlet a écrit ses mémoires en 1949. Alors est-ce une expression « verbatime » ou une expression de 1949 ?
Il y a une chose que je regrette de cette époque c’est le manque de détails concernant leur mental.
Qu’est-ce qui faisait que dans leur quotidien ils ont pu se forger un mental leur permettant de s’engager en solo (sans piton donc pas d’assurage efficace) dans des courses engagées (à l’époque pas de pghm, ni de collègues pouvant les chercher facilement) ?
Il paraît qu’il y avait même pas de téléphone portable ni de GPS.
C’est peut-être ça le sens de libre.
Mais combien de lunules ?
On peut d’autant plus se poser la question que « aspirant-guide » n’existait pas en 1923. On disait alors « porteur « .
Bien vu, François…
Voici ce que dit A. Charlet, p49 du chp 3 :
« Mon père nous fit inscrire au bureau des guides d’Argentière […] Il n’y avait guère de formalités à cette pour être porteur (on ne disait pas encore aspirant) »
Il parle aussi de porteur p41.(Leguide, le « monchu » et le porteur)
J’ai aussi trouvé ceci p45 du chp2 :
" Je pleurais de rage avant de rentrer à Tréléchamp. J’ai acquis la certitude que ce jour-là, si j’avais eu à ma disposition des espadrilles de corde, j’aurais réussi non seulement l’escalade, mais aussi le retour en descente libre"
Edit : Quant à sa connaissance de l’usage des pitons et des mousquetons, il dit ceci :
1925. Quelques courses en amateur. chp 3, p158 :
"(fin juin) Georges s’ancra, corde sur l’épaule, dans la ,position la plus solide, qu’il adopta après plusieurs essais, l’endroit n’étant pas très propice à l’assurance. Nous ne connaissions pas encore, en ce temps-là, les pitons et autres engins, aussi les passages de cet ordre étaient-ils plus exposés qu’ils ne le sont actuellement. "
Chp3, p181 :
''Il faut dire qu’à cette époque, les pitons n’étaient pas encore utilisés, ni comme moyen d’escalade, ni comme assurance. Les mousquetons étaient absolument inconnus. L’assurance était, dans la plupart des cas, illusoire pour le leader."
La Médiane. 23 JUILLET 1926. chp 4, p202
« A l’extrême bord de la terrasse, je posai un gros piton de fer, acheté la veille au refuge du Requin. »
Ce ne serait donc pas avant 1926 que Charlet aurait planté son premier piton.
Zeitschrift des Deutschen und Oesterreichischen Alpenvereins, revue des Club Alpin Allemands et Autrichiens orientée sur les aspects et évolutions scientifiques de l’alpinisme. Je vous passe les détails de son historique de publication.
pas de corde, pas de chausson, rien, c’est ça l’escalade libre
no rope no chalk… no clothes
https://vimeo.com/168934557
david fusté y arrive
Je ne pense pas qu’il faille séparer corde et piton dans ta réflexion.
Pour moi c’est clair que c’est « libre de tout artifice » . Mais les artifices, à l’époque, c’était surtout le lancer de corde, le rappel et un peu les crochets, crampons (ancêtre du piton)
Lammer parle (lu dans "il était une fois le 6ieme degré de Livanos) de « la lutte loyale, sans aide et sans crochets »
Les pitons ont vraiment commencé à être utilisé fréquemment qu’à partir du moment où il y avait le mousqueton
J’ai relu le diable des dolomites : il plante peu de pitons dans ces années là, par contre les lancers de corde, les tyroliennes la courte échelle, ca y va gaiement.
Livanos dit (en parlant de Piaz) toujours dans sa bio de Cassin : « en 1906 il atteindra le V dans le Campanile Toro où il planta ses premiers pitons »
Il faudrait continuer à chercher dans les livres allemands d’avant 1911 du coup… Mais y a t-il vraiment des livres des pionniers ? Dulfer, winkler ont il écrit ?
J’ai cité Lammer, mais il ne faisait pas vraiment d’escalade