Posté en tant qu’invité par El Gringo:
Modération : digression issue du sujet Patagonie, des conseils ?
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Mes histoires n’ont aucune espèce d’utilité, elles ne servent à rien.
Aucune histoire, jamais, ne sert à quoi que ce soit.
Au mieux, elles ne peuvent que m’attirer les foudres de ceux, nombreux par ici, qui vont expliquant que la contemplation de quelques tas de cailloux plus ou moins stabilisés par le gel est la seule motivation possible pour aller se promener par là-bas.
Par exemple, sait-on qui est Fitz Roy, Robert Fitz Roy ?
C’est un capitaine de Vaisseaux, vice Amiral carrément, né en Angleterre en 1805, et mort 60 ans plus tard (je viens d’apprendre sur Wiki ses dates de naissance et de mort).
Il est connu pour avoir accompagné un certain Charles Darwin sur le canal de Beagle, à la découverte de la terre de feu et de ses habitants.
J’ai trouvé dans une boutique assez incroyable, à Ushuaia, un petit opuscule en Français écrit par une certaine Geneviève Frémaux, élève de Claude Lévy Strauss. Elle y rapporte les légendes et mythes des Indiens Yamanas et Selk’Nam (intégralement massacré, tous, par les colons … génocide peu connu, selon moi).
Elle y montre bien comment, tant Fitz Roy que Darwin, quelles qu’aient pu être leurs qualités, sont arrivés là avec tous les préjugés de l’élite anglaise de l’époque, en particulier le racisme qui imprègne profondément les écrits de Darwin (il désigne explicitement les indiens comme des « êtres inférieurs »).
Saura-t-on jamais si ce ne sont pas les écrits de ces savants et lettrés, qui ont peu ou prou donné quitus aux massacreurs ? La responsabilité des clercs est immense, dans ces affaires, selon moi.
Le Cerro Fitz Roy est la plus haute de ces tours de pierre, que l’on peut découvrir en venant de El Chaltèn, non la plus belle selon moi. Sa voisine de gauche est encore plus belle, qui porte le nom d’aiguille Poincenot (je te laisse découvrir qui était le gonze, Jacques Poincenot …), une sorte de flamme de pierre, incurvée sur elle-même comme par le souffle de quelque géant tellurique.
A gauche de Poincenot, tu trouves l’aiguille de St Exupéry, à droite de Fitz Roy, tu as l’aiguille Mermoz, puis l’aiguille Guillaumet (ouais : la toponymie est bien imprégnée par l’épopée de l’aéro postale …).
Il est vrai que l’ensemble forme un groupe saisissant, dont tu peux saisir toute l’ampleur en montant depuis le camp Poincenot au laguno de los tres. C’est là, juste au dessus de ce petit lac, sur le point coté 1169 m que j’ai pu assister à un spectacle incroyable, alors que el senior Condor venait juste d’arrêter de tournoyer dans la brèche entre Poicenot et le Fitz …
C’est cela, croit moi, qui va dicter ton itinéraire, bien plus que tes envies ou je ne sais quelle recommandation glanée sur Internet. Un truc de fou, oui, où tu as l’impression que l’attraction universelle est une force finalement très surestimée …
Bref, il se fait tard. Je t’en dirai deux mots de plus, si cela t’intéresse encore.
A condition, bien sûr, que je ne me fasse pas trop rentrer dedans. C’est que : ça lasse, finalement, ça : se faire renter dedans.
Lorsque l’on devient vieux, on n’est plus qu’une sorte de petite chose fragile, qu’il convient de ménager, de peur qu’elle ne se brise … ou bien que le vent l’emporte.
Bien à toi