Posté en tant qu’invité par alex:
A vous lire, on se rend compte qu’il y a des intégristes
partout…
Excuses moi Jean-François mais ton petit pamphlet est complètement inepte. Tu aurais même dû employer le mot « terroriste », ainsi nous aurions compris que ta perception du monde est bien cohérente avec la pensée unique et le consensus commercant.
Je propose à tous un texte (très long, désolé) que j’ai écrit suite à la répétition de la Leprince-Ringuet à Glandasse (TD mais beaucoup, beaucoup de pitons). J’espère que cela donnera un nouvel éclairage à la question :
AU SECOURS : LE MONDE RETRECIT !
L’escalade, l’alpinisme ça ne sert à rien, tout le monde le sait. Le prestige, la gloire, c’est bon pour les Mehringer à Selmaner (Les « Conquérants de l’inutile » de l’Eiger) et ils sont déjà en enfer. Le développement spirituel et la grandeur d’âme ça se discute aussi ; je crois bien que ni mère Térésa ni le Dalaï Lama n’ont jamais fait d’escalade. Moi ce que je vais chercher dans les voies c’est la mesure de ma liberté. Oui, la mesure de cet espace où je peux encore vivre sans consommer, sans produire, sans être efficace, et où je me sens inutile, si délicieusement inutile et si vivant à la fois ! C’est là ma liberté, et ma liberté est grande et envoûtante, et ma liberté est sauvage et belle.
Mais que se passe-t-il dans ce monde de grandes personnes ? Le monde rétrécit, les murs de ma prison se rapprochent, j’étouffe, au secours ! Je m’explique : Gare de Lyon à Marseille Saint Charles en moins de trois heures, Chamonix à Sommet de l’Aiguille du Midi en quelques minutes, ce sont des temps qui se divisent, et donc des espaces qui se concentrent. Mais là on ne touche pas encore à mon jardin secret. Par contre ces câbles dans le Mont Aiguille ou la barre des Ecrins, ils m’ont volé de précieuses minutes d’éternité. Et que dire du Cervin ce sommet enchaîné ? Il m’a fait le triste effet d’un animal de cirque dépérissant au fond d’une cage. Les Alpes ne sont pas grandes, peu de parois dépassent 1000 mètres et peu de falaises dépassent 400 mètres. Alors construire un téléphérique c’est encore plus réduire la hauteur de la montagne, poser une ligne de rappels c’est encore réduire la hauteur de la falaise. Les aménageurs veulent ainsi formater la montagne à des dimensions commerciales : « 1500 mètres de dénivelée ; 3 heures d’escalade ». Mais là c’est aussi mon espace qui est massacré, c’est ma liberté qui est anéantie.
L’équation est simple : un spit ou un piton de rajouté, ce sont quelques secondes d’incertitude de volées, quelques battements de coeur de perdus, ou quelques minutes de moins pour poser un coinceur, s’assurer qu’il ne s’échappe pas de sa fissure, ou s’échiner à l’en extirper. Un de ces maudits points « de direction » ce sont des dizaines de minutes à explorer des vires caillouteuses (à la recherche de l’itinéraire) qui s’envolent. Un beau relais plaqué dans la voie, et adieu ces délicieux instants à voir filer la fin de la corde et partir malgré tout à corde tendue la gorge nouée et les jambes tremblantes. Tous ces équipements réduisent nos petites falaises, ils décomposent notre espace. En fait le problème ne réside pas dans la nature même de l’équipement. Il est nettement plus aisé de franchir un pas de 6c en tirant sur une série de coins en bois millésime 1972 (équipement A0) qu’en atteignant un spit de 12 mm placé à 6 mètres du relais. Ce qui fait la différence, c’est son esprit. L’équipement « terrain d’aventure » respecte en principe les voies telles qu’elles ont été historiquement ouvertes et découvertes, comme son nom l’indique il n’est pas suffisant en lui-même et ménage le parfum de l’aventure. L’équipement sportif, lui, n’a pour objectif que la performance en toute légèreté et sécurité. Lorsqu’il se substitue à un terrain d’aventure ou à un équipement historique, ce sont des heures de liberté qui nous sont arrachées, des pans de nature sauvage qui s’évaporent. Alors quand je vois des grimpeurs réclamer au sujet du Mercantour : « Il faudrait penser à rajouter quelques points pour le bonheur des grimpeurs, cela permettrait de moins se « charger » pour des escalades plaisir » ou « La Cougourde reste un terrain de jeu fantastique et il serait bon de penser à faire une ligne de rappel correct permettant de redescendre rapidement et en toute sécurité » (http://denali-sud.chez.tiscali.fr/reequip.htm), là j’explose. N’y a-t-il pas assez des dizaines de milliers de mètres de voies modernes pour vous satisfaire ? N’y a-t-il pas suffisamment d’ouvreurs talentueux et dévoués ouvrant chaque années de belles lignes parfaitement sûres, allant même jusqu’à creuser le chemin à la pioche pour vous en faciliter l’accès ? Alors s’il vous plait soyez humbles, faites demi tour et laissez ces terrains d’aventure à ceux qui savent y consacrer le temps nécessaire.
Je terminerai par dire que ce que j’ai retenu du voyage alpin de Patrick Bérault ce ne sont pas uniquement les performances sportives. C’est plutôt que de bout en bout, il aura fallu 167 jours au grimpeur le plus rapide du monde pour traverser les Alpes. Il existe 167 jours de liberté dans les Alpes : une éternité ! Merci Patrick.