Puisque « une réflexion est en cours »….
Ce qu’il y a de dommage à propos du « camp de base » de Tête Rousse (pour lui garder ce nom un peu ridicule et qui nourrit une confusion quant au fait qu’il puisse exister plus haut un « camp avancé »), s’il devait être supprimé ou ses modalités d’accès trop fortement contraintes, c’est qu’il permettait de venir à l’improviste pour profiter d’un créneau météo favorable. Donc c’était assurément un bon point pour la sécurité et de quoi monter l’esprit paisible et ouvert à la montagne, en comparaison de la servitude des réservations à faire des mois à l’avance, sans évidemment rien savoir des conditions le jour J et conduisant davantage au stress et à vouloir forcer le destin.
Pour ma part, c’est cela qui me détournerait définitivement (et quand même à regret) de revenir faire cette course encombrée de gens qui ont fait du Mont Blanc un endroit aussi surfait que n’importe quel lieu à la mode, mais une course qui, si peu difficile et sélective soit-elle (et n’en déplaise aux blasés) reste sans doute guère moins belle que quand elle fut faite pour la première fois.
Le paradoxe des « tentes pré installées » (au passage, bonjour le cloaque après quelques jours ou semaines), c’est qu’elles introduisent de manière forcée le camping (interdit dans les sites classés sauf dérogation, cf. article R 111-33 du code de l’urbanisme) là où il n’y avait que du bivouac pour qui démontait sa tente (c’était d’ailleurs censé être obligatoire d’après ce que disait l’an dernier encore le site du refuge de Tête Rousse, mais il semble qu’on n’ait rien fait pour le faire respecter, je ne me souviens même pas d’un quelconque affichage).
Pour mémoire, la distinction entre le camping (tente restant montée la journée voire plusieurs jours, avec à la clé les problèmes d’ « accaparement » d’un site) et le bivouac (pas de tente ou tente montée le temps d’une nuit) est communément admise jusque dans des espaces protégés réglementaires de type réserve ou cœur de parc national. Et paradoxalement, l’enjeu principal pour le vaste site classé du Mont Blanc n’est sans doute pas d’y interdire le « vrai » camping au-dessus de 2000 m du col du Bonhomme jusqu’au col de Balme, ni de parler d’une « dérogation » (et mieux menacer ensuite de la supprimer) pour le site de Tête Rousse (aménagé avec des toilettes, ce qui est un point essentiel), mais surtout d’empêcher le bivouac massif et dans des conditions sanitaires déplorables au Goûter ou au col du Midi (enjeu principal, et pourtant, même pas sûr que le statut de site classé y suffise vraiment sans un arrêté complémentaire spécifique).
Je doute par ailleurs que ce soit aux bivouaqueurs ou campeurs de Tête Rousse qu’on doive les abus constatés au refuge du Goûter, ou alors il faudrait vraiment documenter cette affirmation. Ce ne sont sans doute pas souvent eux qui, ayant une tente qui les attend, vont aller faire le forcing au refuge après (ou avant) une tentative de sommet. Quant aux gens qui bivouaquaient encore à l’été 2018, forcément en connaissance de cause (quel que puisse être leur pays d’origine) et apparemment en large impunité au-dessus du Goûter voire à la cabane Vallot, il devrait être possible de le réprimer sur la base de la réglementation existante ou d’un arrêté complémentaire, sans pour autant avoir besoin d’une surenchère (phénomène classique) en sur-réglementant Tête Rousse. Mais voilà, il est plus facile de faire la police ou rouler des mécaniques à Tête Rousse que 1000 m plus haut.
Enfin, le principe du maintien d’une zone de bivouac à Tête Rousse ne me semblerait pas incompatible avec une limitation du nombre de tentes (c’était déjà ce qui était censé exister) et donc avec une inscription avant d’essayer de monter (s’il reste de la place, tant mieux, sinon tant pis). Mais de grâce, pas d’obligation de réservation des mois à l’avance et seulement le temps d’une courte période de « mise sur le marché » comme pour les places en refuge.
Alors c’est sûr, même avec internet, ce serait une charge de travail de gestion en plus pour le refuge de Tête Rousse (de fait, un peu comme un « vrai » camping dans la vallée) et donc il ne serait pas illégitime que ce soit payant. Pour ma part, déjà, je jouais le jeu d’aller dîner au refuge plutôt que de rester sous ma tente comme je le fais tout le temps en randonnée, en « échange » du service rendu par cette providentielle zone autorisée.