Notre propre liberté en montagne n’est jamais celle du copain d’à côté. En parlant de lui on parle du danger qu’il affronte, qu’il trompe la mort, qu’il est habité d’un élan suicidaire, qu’il prend des risques et n’a pas le niveau d’engagement requis etc… enfin, c’est le piège dans lequel il ne faut pas tomber.
Et si on le fait, c’est sans considérer, ou si peu, (par ce que l’on transpose la situation à notre petite personne), sa préparation psychologique, ses resources mentales, son niveau physique et son degré d’aptitude, qui sont autant de variables sans rapport avec les nôtres.
Il y a une règle de sécurité Alpi qui consiste à choisir ses courses, une voir deux cotations en dessous de son niveau de compétence (cotation/engagement). Cela ne retire pas le risque mais recule d’autant la proximité d’avec le danger et la mort.
De cette règle décline une réflexion sur le dépassement de soi, qui dans nos préjugés à tous s’illustrent assez bien par « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… »
Cette réflexion touche à la fois aux valeurs du sport, à celles de l’accomplissement personnel, des besoins de l’homme ou du progrès.
Est ce que cette règle se pose comme une contradiction, est-elle un frein ou au contraire laissera t’elle quand-même la possibilité de se surpasser?
Il appartient à chacun d’y répondre en établissant ses priorités en terme de dépassement, sa propre définition.
Ce besoin profond de dépassement nous fait franchir des caps différents chez les uns et les autres par la manière de les approcher, et par les sensations personnelles qu’on en a eu.
Pour accéder à ce moment d’exception, toujours dramatique qu’est un cap, on fait appel à nos ressources mentales, tous autant qu’on est, à des degrés différents de peurs, phobies, stress, persévérance et confiance de soi ainsi que par le niveau technique de chacun.
Comme l’ont bien dit d’autres intervenants sur la peur et qu’à force de se confronter à ça, il faut en être conscient, certains auront eu le déclic de démystifier la mort, le vide, le froid etc… Disons que ce dont il faut être certain, c’est que ceux-là, ne sont pas suicidaires!
N’ayant pour ma part, ni le temps d’entrainement requis ni l’age avec moi ni l’envie, afin d’obtenir une progression notoire en niveau technique, et n’ayant pas eu ce déclic, je me cantonne à deux niveaux inférieurs comme le suggère la règle de sécurité.
Mais je peux affirmer, que ce n’est pas pour autant que je n’éprouve pas de dépassement de moi-même sur la partie mentale.
Bien que sur-assuré, chacune de mes courses comporte sa petite chaleur. Cette règle sur moi n’est donc pas un empêchement!
Sur C2C, nous nous répondons les uns aux autres alors qu’aucun d’entre nous n’a le même niveau physique ou de réflexion mentale sur la montagne. C’est riche d’instruction mais cela génère aussi les nombreuses discordes et points de vues qui diffèrent que l’on connait.
De mon côté, j’ai décidé de me placer définitivement au niveau zéro de l’Alpinisme et de choisir les conditions et les difficultés de mes courses en conséquences. À cause de cela, il m’est très souvent arrivé (disons presque à chaque fois) de porter un mauvais jugement et d’avoir une mauvaise analyse sur la course d’un autre alpiniste. Quelques-uns projettent chez moi de l’effroi, persuadé de leur inconscience.
Lorsqu’il s’agit d’un touriste en short/basquets qui s’attaque aux échelles de la mer de glace et qui arrivé aux intermédiaires, marche à 4 pattes pour rejoindre la prochaine échelle, je sais que j’ai raison, et que ce type, avant même de chercher ses limites, aurait du d’abord apprendre à marcher en montagne, se prendre un guide ou acheter une longe.
Mais lorsqu’il s’agit d’un sportif entrainé qui mène une course hautement engagée, je me rattrape en me disant que par ce que j’ai fais le choix du niveau zéro, je n’ai aucun moyen et aucun droit d’émettre un jugement. Concernant cet alpiniste la, je ne saurai jamais si je me trompe mais je ne peux que l’espérer.
Et pour faire écho à La Baltringue, moi aussi, je pense à Tom Ballard dans ces termes. Comme une sorte de jeune gars qui, à refaire le parcours de sa mère, trainerait sur ses épaules le fardeau d’une malédiction familiale. Et je ne peux pas m’empêcher d’avoir à l’esprit des pensées sombres.
Je sais que je me trompe, disons que j’espère évidemment que je me trompe. Mais surtout, comme La Baltringue, je considère les libertés d’autrui, et à part formuler mes idées noires dans cette discussion (par ce que de circonstance), c’est à moi-même que je fais les recommandations.
Sur ce, je m’en vais retourner au monde des edelweiss et des petits poneys arc-en-ciel qui habitent mes montagnes…
Ce sujet, comme beaucoup d’autres ici, est très intéressant, voir important car il est toujours bon de se rappeler ces réflexions profondes, mais Heidi, les pâquerettes, toussa toussa me réclament.