Suicide en montagne et sports à risque

c’est vrai
mais aller chercher un corps dans une crevasse ne prends que quelques heures, alors qu’accompagner un mourant peut durer des mois, voir des années

quitte à maintenir celui que l’on sauve dans un état qu’il juge dégradant et insupportable
les soins palliatifs sont le plus souvent une prison
et le seul qui devrait pouvoir en juger devrait être le mourant

je pense que cela ne ferait le plus souvent qu’empirer les remords des proches, sans parler des désaccords que cela pourrait induire

pour revenir aux questions de papy ours :

je ne pense pas que les montagnards soient plus prompts à passer à l’acte
l’habitude de juger de conditions changeantes, de jongler avec des variables diverses, devrait logiquement permettre de relativiser les difficultés et de moins céder à l’émotion du moment, pour peu que la situation ne soit pas totalement désespérée
par contre, si la situation est jugée désespérée, il est probable que les mêmes éléments qui empêchent de passer à l’acte sous le coup de l’émotion vont entrainer un « meilleur » raisonnement sur l’acte lui même, et donc plus d’« efficacité »

je ne pense pas que les montagnards adultes fassent souvent des TS de type « appel au secours »

aucune idée quand à l’attirance pour les sports à risques que pourraient ressentir ceux qui ont des tendances suicidaires
mais il me semble que ces activités donnent plutôt du goût à la vie, et donc devraient être une bonne prévention

élucubrations d’un vieux bonhomme qui n’a jamais pensé au suicide, sauf pour sa fin de vie

une certaine habitude de la proximité de la mort ?
Cela fait notablement plus de 50 ans (eh oui, mon bon meussieu, déjà !) que je crapahute et j’avoue que je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu « une certaine habitude de la proximité de la mort ». Une certaine habitude de la trouille, oui; mais de la mort…

hier j’ai lu un article sur Tom Ballard, ca m’a fait repenser à ce sujet.
Le mec vient d’enchainer, en solo et en hivernal, les 6 faces nord des alpes cet hiver. Difficile quand même de ne pas penser à une recherche de mort, ou d’un suicide inconscient.
Surtout quand le mec se décrit lui même comme asocial et solitaire. Il habite d’après l’article dans un camion dans les Dolomites. la prochaine étape dit il c’est l’himalaya. Prochaine étape vers quoi ?
Surtout quand on sait qu’il est le fils d’alison Heartgraves, déjà une alpiniste addict qui est morte au K2… dans des circonstances délicates (on avait critiqué leur « summit fever ») alors même qu’elle avait 2 enfants…
je ne critique rien, mais ça fait vraiment echo à ce que je ressentais au début du topic.

vrai
on ne s’y habitue jamais vraiment
et quand on la côtoie, on ne s’en rend souvent compte qu’après, quand on est de retour sain et sauf …

[quote=« La Baltringue, id: 1738911, post:172, topic:152754 »][/quote]
Penses-tu que quand on est solitaire et asocial et qu’on sort en montagne, c’est qu’on cherche forcément à frôler la mort ?
Et quand on est une femme alpiniste avec des enfants, il faut arrêter ses projets de montagne ?
S’il a fait 6 face nord en hivernal et en solo, c’est qu’il a un certain niveau… de sécurité qui le met même un peu plus à l’abri que les autres, non ?

Posté en tant qu’invité par De l’ode, heuuuuu… là !:

[quote=« Francois, id: 1738905, post:171, topic:152754 »]une certaine habitude de la proximité de la mort ?
Cela fait notablement plus de 50 ans (eh oui, mon bon meussieu, déjà !) que je crapahute et j’avoue que je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu « une certaine habitude de la proximité de la mort ». Une certaine habitude de la trouille, oui; mais de la mort…[/quote]
Notablement : "d’une manière notable : considérablement, sensiblement.« Dès le lundi, Salavin débita chez Vedel et Gayet. La vie des deux amis s’en trouva notablement modifiée » (G Duhamel, Salavin)

Bon, je ne suis pas certain qu’au niveau sémantique, ce « notablement » éclaire. A moins d’imaginer, ce qu’aux dieux ne plaise, que Francois se considérât comme « notable ».
Mauvais procès, querelle d’Allemand.

Bien sûr que tu as raison : je crois totalement impossible d’avoir « l’habitude de la proximité de la mort ».
Personne ne s’habitue à cette chierie. Ceux qui croient le faire (par exemple : des soldats pendant une guerre, des médecin en temps d’épidémie), en reviennent totalement dingues, gravement malades, socialement inadaptés, marqués jusqu’au plus profond … si les choses n’avaient changés, je pourrais raconter deux, trois trucs, là dessus. Bref.

Mais cette idée « d’habitude de la trouille » est bien intéressante selon moi. Voudrais-tu développer ?
Par exemple en nous expliquant ce qui crée une habitude, et donc : pourquoi chercher à la créer ?

Je m’épuise à trouver des pseudos : que l’on veuille bien me pardonner de ne pas répondre à tout le monde, alors que je vois bien des choses intéressantes ou passionnantes, qui mériteraient chacune un débat spécifique.
Le jeu a des règles strictes, comm’ qui dirait.

[quote=« PaulC, id: 1738937, post:174, topic:152754 »]

[quote=« La Baltringue, id: 1738911, post:172, topic:152754 »][/quote]
Penses-tu que quand on est solitaire et asocial et qu’on sort en montagne, c’est qu’on cherche forcément à frôler la mort ?
Et quand on est une femme alpiniste avec des enfants, il faut arrêter ses projets de montagne ?
S’il a fait 6 face nord en hivernal et en solo, c’est qu’il a un certain niveau… de sécurité qui le met même un peu plus à l’abri que les autres, non ?[/quote]

Je n’ai jamais émis de recommandation, où lis tu ça ? par ailleurs, je n’ai aucune certitude, mais à force de croiser des gens comme ça, je m’interroge. Et après un accident, je me suis posé aussi des questions sur moi même et sur ma pratique … (comme je l’ai déjà ecrit un peu plus haut).

Posté en tant qu’invité par gitaneau:

[quote=« De l’ode, heuuuuu… là !, id: 1738944, post:175, topic:152754 »]Mais cette idée « d’habitude de la trouille » est bien intéressante selon moi. Voudrais-tu développer ?
Par exemple en nous expliquant ce qui crée une habitude, et donc : pourquoi chercher à la créer ?[/quote]

Sans vouloir me substituer à François, on peut avancer quelques idées. L’habitude de la trouille, c’est une autre manière d’exprimer l’instinct de conservation qui est naturel dans le cadre de la pratique de sports tels que l’escalade ou l’alpinisme. Il est naturel pour tout individu normalement constitué psychiquement et qui n’est pas sous l’emprise de substances illicites. Le seuil de manifestation de l’instinct de conservation peut être repoussé avec l’entraînement, l’accoutumance mais il existe à tous les niveaux.Ainsi un débutant trouvera rapidement ses limites physiques et psychologiques qu’avec le temps, il repoussera avec la pratique régulière.
La trouille omniprésente, elle est concevable: se retrouver sur des gratons à 300m du sol, ce n’est pas la même sensation que d’être sur le plancher des vaches à jouer à la pétanque. …

Je pense même que nous n’avons pas le même degré de conservation d’un individu à un autre.Ainsi, je me souviens, adolescent, de ma capacité à plonger depuis la plateforme de 5 m, après maints efforts sur moi-même et sous les encouragements, comme la plupart de mes camarades d’ailleurs. Un seul plongeait du 10m avec une facilité déconcertante. D’autres ne franchissaient pas le tremplin du 3 mètres.

Notre propre liberté en montagne n’est jamais celle du copain d’à côté. En parlant de lui on parle du danger qu’il affronte, qu’il trompe la mort, qu’il est habité d’un élan suicidaire, qu’il prend des risques et n’a pas le niveau d’engagement requis etc… enfin, c’est le piège dans lequel il ne faut pas tomber.
Et si on le fait, c’est sans considérer, ou si peu, (par ce que l’on transpose la situation à notre petite personne), sa préparation psychologique, ses resources mentales, son niveau physique et son degré d’aptitude, qui sont autant de variables sans rapport avec les nôtres.

Il y a une règle de sécurité Alpi qui consiste à choisir ses courses, une voir deux cotations en dessous de son niveau de compétence (cotation/engagement). Cela ne retire pas le risque mais recule d’autant la proximité d’avec le danger et la mort.

De cette règle décline une réflexion sur le dépassement de soi, qui dans nos préjugés à tous s’illustrent assez bien par « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… »
Cette réflexion touche à la fois aux valeurs du sport, à celles de l’accomplissement personnel, des besoins de l’homme ou du progrès.

Est ce que cette règle se pose comme une contradiction, est-elle un frein ou au contraire laissera t’elle quand-même la possibilité de se surpasser?

Il appartient à chacun d’y répondre en établissant ses priorités en terme de dépassement, sa propre définition.

Ce besoin profond de dépassement nous fait franchir des caps différents chez les uns et les autres par la manière de les approcher, et par les sensations personnelles qu’on en a eu.
Pour accéder à ce moment d’exception, toujours dramatique qu’est un cap, on fait appel à nos ressources mentales, tous autant qu’on est, à des degrés différents de peurs, phobies, stress, persévérance et confiance de soi ainsi que par le niveau technique de chacun.
Comme l’ont bien dit d’autres intervenants sur la peur et qu’à force de se confronter à ça, il faut en être conscient, certains auront eu le déclic de démystifier la mort, le vide, le froid etc… Disons que ce dont il faut être certain, c’est que ceux-là, ne sont pas suicidaires!

N’ayant pour ma part, ni le temps d’entrainement requis ni l’age avec moi ni l’envie, afin d’obtenir une progression notoire en niveau technique, et n’ayant pas eu ce déclic, je me cantonne à deux niveaux inférieurs comme le suggère la règle de sécurité.
Mais je peux affirmer, que ce n’est pas pour autant que je n’éprouve pas de dépassement de moi-même sur la partie mentale.
Bien que sur-assuré, chacune de mes courses comporte sa petite chaleur. Cette règle sur moi n’est donc pas un empêchement!

Sur C2C, nous nous répondons les uns aux autres alors qu’aucun d’entre nous n’a le même niveau physique ou de réflexion mentale sur la montagne. C’est riche d’instruction mais cela génère aussi les nombreuses discordes et points de vues qui diffèrent que l’on connait.

De mon côté, j’ai décidé de me placer définitivement au niveau zéro de l’Alpinisme et de choisir les conditions et les difficultés de mes courses en conséquences. À cause de cela, il m’est très souvent arrivé (disons presque à chaque fois) de porter un mauvais jugement et d’avoir une mauvaise analyse sur la course d’un autre alpiniste. Quelques-uns projettent chez moi de l’effroi, persuadé de leur inconscience.

Lorsqu’il s’agit d’un touriste en short/basquets qui s’attaque aux échelles de la mer de glace et qui arrivé aux intermédiaires, marche à 4 pattes pour rejoindre la prochaine échelle, je sais que j’ai raison, et que ce type, avant même de chercher ses limites, aurait du d’abord apprendre à marcher en montagne, se prendre un guide ou acheter une longe.
Mais lorsqu’il s’agit d’un sportif entrainé qui mène une course hautement engagée, je me rattrape en me disant que par ce que j’ai fais le choix du niveau zéro, je n’ai aucun moyen et aucun droit d’émettre un jugement. Concernant cet alpiniste la, je ne saurai jamais si je me trompe mais je ne peux que l’espérer.

Et pour faire écho à La Baltringue, moi aussi, je pense à Tom Ballard dans ces termes. Comme une sorte de jeune gars qui, à refaire le parcours de sa mère, trainerait sur ses épaules le fardeau d’une malédiction familiale. Et je ne peux pas m’empêcher d’avoir à l’esprit des pensées sombres.
Je sais que je me trompe, disons que j’espère évidemment que je me trompe. Mais surtout, comme La Baltringue, je considère les libertés d’autrui, et à part formuler mes idées noires dans cette discussion (par ce que de circonstance), c’est à moi-même que je fais les recommandations.

Sur ce, je m’en vais retourner au monde des edelweiss et des petits poneys arc-en-ciel qui habitent mes montagnes…
Ce sujet, comme beaucoup d’autres ici, est très intéressant, voir important car il est toujours bon de se rappeler ces réflexions profondes, mais Heidi, les pâquerettes, toussa toussa me réclament.

[quote=« Francois, id: 1738905, post:171, topic:152754 »]une certaine habitude de la proximité de la mort ?
Cela fait notablement plus de 50 ans (eh oui, mon bon meussieu, déjà !) que je crapahute et j’avoue que je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu « une certaine habitude de la proximité de la mort ». Une certaine habitude de la trouille, oui; mais de la mort…[/quote]
Intéressant.
Question (aussi pour Gitaneau):
As-tu fait du solo ?

Posté en tant qu’invité par gitaneau:

[quote=« John D l’aventurier, id: 1739073, post:179, topic:152754 »]

[quote=« Francois, id: 1738905, post:171, topic:152754 »]une certaine habitude de la proximité de la mort ?
Cela fait notablement plus de 50 ans (eh oui, mon bon meussieu, déjà !) que je crapahute et j’avoue que je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu « une certaine habitude de la proximité de la mort ». Une certaine habitude de la trouille, oui; mais de la mort…[/quote]
Intéressant.
Question (aussi pour Gitaneau):
As-tu fait du solo ?[/quote]

Oui j’ai eu ma période solo. J’ai apprécié pour le gain de temps, un peu moins pour le manque de partage et de sécurité (notamment sur glacier).Je pense simplement que j’ai été influencé par cette mode du solo (ou par cette conception de la montagne).J’ai laissé tomber.

c’est vrai que l’on croise parfois des cas qui sortent de l’habitude
je me souviens d’un camarade qui était toujours à la limite; que ce soit en escalade, sur la route ou ailleurs
il me semblait toujours à la prise de risque maximum, comme si la trouille n’existait pas pour lui
par deux fois, je l’ai vu de mes yeux à deux doigts de l’accident grave, par simple entêtement
il a fini par dépasser la limite une fois de trop et cette fois là, la chance ne l’a pas rattrapé

était il suicidaire ?
d’après ce que je sais (je le connaissais bien, sans être intime) et d’après ce qu’en disais d’autres, cela semble totalement exclu
pas d’idées noires, pas de TS, …
simplement une inconscience totale du fait qu’un imprévu est toujours possible, que son corps pouvait ne pas lui obéir parfaitement …
sa devise était: "quand on veut, on peut "

Posté en tant qu’invité par gitaneau:

[quote=« John D l’aventurier, id: 1739073, post:179, topic:152754 »]

[quote=« Francois, id: 1738905, post:171, topic:152754 »]une certaine habitude de la proximité de la mort ?
Cela fait notablement plus de 50 ans (eh oui, mon bon meussieu, déjà !) que je crapahute et j’avoue que je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu « une certaine habitude de la proximité de la mort ». Une certaine habitude de la trouille, oui; mais de la mort…[/quote]
Intéressant.
Question (aussi pour Gitaneau):
As-tu fait du solo ?[/quote]

Et ?!

Posté en tant qu’invité par Maigret:

Juste pour préciser un point évoqué : je ne pense pas que la notion de peur disparaisse sous l’influence de drogues illicites « communes » type cannabis, mais plus sous l’influence du tres licite alcool ethanoique. Après, des excitants type coke ou amphetes ça doit pas etre commun en montagne…

57 messages ont été déplacés vers un nouveau sujet : Innfluence de l’inconscient dans les prises de décision en montagne

Des rêves prévisibles…-Mais quelle tristesse!

3 messages ont été intégrés dans un sujet existant : Ça fait un peu « marronnier », mais bon :

Euh… je n’y connais rien, mais alors ce qui s’appelle rien, en psychanalyse, chiatrie ou logie. Ma question pourra donc paraître (ou être) naïve, mais… comment le sait-on ? Je ne demande qu’à apprendre.

J’en sais rien non plus !
mais je trouve que c’est plus facile de croire à ce concept , qu’à le réfuter. Et que ça peut expliquer des comportements mortifères . Donc j’y crois … jusqu’à preuve du contraire :slight_smile: