Le problème c’est que les voies changent avec le temps, on en a un bon exemple avec la demande. Sur un rocher neuf, aussi engagée fût-elle a l’ouverture, on ne s’exposait pas autant à la chute qu’après 50 ans de ponçage de rocher ou ce-dernier est devenu une patinoire.
Quelque chose qui m’interpelle, c’est qu’à en lire certains, on ne peut pas engager sur des spits. On a pas du vivre le même parcours, quel que soit les niveaux, il y a du suréquipé et du très engagé. Petit exemple avec Babel de Mussatto (8a quand même), Arnaud Petit, a qui on peut faire confiance niveau engagement, lui a dit que s’il voulait que sa voie soit parcourue, il devait y ajouter des spits. Ce qu’il a fait, et ça reste, paraît-il, très engagé. Certaines voies du briançonnais sont pas mal aussi genre Emi-Ali-Laeti-Pauli, ou encore le Père Ubu a la Tête d’Aval.
A l’inverse la plupart des voies de TA que j’ai faite, on montait rarement bien haut au dessus de la dernière protection, surtout, comme par hasard, quand c’est dur. Au final lesquelles peut on qualifier d’engagées ?
Comme Fredoche l’a judicieusement précisé, il faut définir ce qu’on appelle l’engagement :
- Devoir avancer la peur au ventre dans le difficile sans risques corporels ?
- Engager au sens ancien d’engager la viande et risquer l’hosto/hélico/fauteuil/cercueil dans une section expo ?
- Parle t’on de l’engagement sur les pas d’escalade ?
- Parle t’on de l’engagement sur une course entière ?
- Ou parle t’on de sa propre responsabilité dans la pose de l’équipement et ainsi de notre protection.
Je ne dis pas que j’ai la réponse, mais finalement il y a presque autant de définition d’engagement que de pratiquants…
Une chose semble avoir changé néanmoins, la grimpe se veut de plus en plus un jeu, une activité, un loisir, plutôt que des péchés d’orgueil. Comme l’a dit Védrines il y a pas longtemps, aujourd’hui on peut être félicité pour avoir fait une belle chose sans avoir pris des risques impondérés… Mais une belle chose, ça peut demander d’avoir peur, ça peut demander d’aller chercher un point a 6 mètres dans du difficile. Un vol de 15 a 20 mètres, n’est jamais sans risque, et quand même bien il le serait, je connais personne qui a envie de le prendre.
Mon avis a 2 balles pour revenir à la question de base, c’est que la légende d’une voie de construit sur sa personnalité. On rêve de la voie par rapport à ce qu’elle représente, la symbolique qu’elle représente. Rééquiper l’Estamporanée, ce serait la tuer, car c’est anéantir ce qui fait son essence. Rééquiper de façon moderne la fête des nerfs, ce serait la tuer aussi. Mettre des spits et des relais chaînés dans l’Eperon Walker, ce serait détruire ce qu’il incarne. Tant que les voies n’ont pas salement vieillies (patine, casse) il est intéressant de conserver leur caractère pour qu’elles puissent tenir leurs promesses vis à vis de nos rêves.