Obligation de prudence d'une association sportive d'escalade

Je n’ai pas l’impression que cette décision du 15 décembre dernier a déjà été débattue sur le forum, alors je la poste là (sinon vous pouvez déplacer le post bien entendu).

La Cour de cassation décide qu’une association sportive est tenue d’une obligation de prudence et de diligence, et donc d’un devoir de surveillance, même lorsque les adhérents pratiquement librement sur les installations.

La logique est bien entendu celle de l’indemnisation la plus large possible des victimes par l’assurance.

"Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… est devenu paraplégique à la suite d’une chute dont il a été victime alors qu’il descendait une voie d’escalade sur un mur artificiel appartenant à l’association Club " La Cordée perrosienne " et qu’il était assuré au sol par M. Y… ; qu’il a fait assigner en réparation de son préjudice corporel l’association Club " La Cordée perrosienne ", les sociétés Zurich insurance public limited (Zurich) et Generali assurances IARD (Generali), assureurs de cette dernière, ainsi que la Mutuelle assurances des instituteurs de France, assureur de l’association sportive universitaire de Lannion dont lui et M. Y… étaient adhérents, et la Mutuelle des étudiants de Bretagne Atlantique ; que la société Generali a fait assigner en garantie M. Y… et la Fédération française de sport universitaire ; que la Caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor (la CPAM des Côtes d’Armor) est intervenue volontairement à l’instance ;

[i]Attendu que pour débouter M. X… de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l’association Club " La Cordée perrosienne ", de la société Zurich et de la société Generali à réparer ses préjudices, l’arrêt, après avoir relevé que M. X…, licencié de la Fédération française de la montagne et de l’escalade, n’avait pas souhaité solliciter une formation et s’était mis à pratiquer l’escalade avec M. Y… de façon libre, en dehors de tout encadrement, énonce que l’obligation de sécurité du moniteur n’existe que pendant une formation, et non lorsque la personne exerce librement l’escalade dans une salle et sur un mur mis à la disposition de tous les sportifs membres du club ou assimilés, et retient que l’association sportive n’a commis aucun manquement à une obligation quelconque de surveillance et d’information susceptible d’engager sa responsabilité ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité, la cour d’appel a violé le texte susvisé."[/i]

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024987669&fastReqId=243166350&fastPos=1

Posté en tant qu’invité par JPB:

Belle dérive de la Cour …
Tu n’as donc une Super Maman en ton Club … ou que tu sois , quoique tu fasses , ton Club est responsable de toi … tes décisions , même idiotes , sont la resposabilité de ton Club .
Ce qui implique donc des cours obligatoires pour faire preuve de ‹ ‹ due diligence › › et , naturellement , des sorties encadrées .

On se demande , à la lecture , à quoi servira l’adhésion à un Club ???
Tout aussi bien aller grimper seul et s’assumer .

Posté en tant qu’invité par jayjayemr:

ce n’est pas totalement vrai.
on peut considérer un affichage visible des consignes de sécurité (pas de grimpe en solo, mettre toutes les dégaines, asssurer convenablement, évaluer les débutants afin de leur délivrer un passeport autonomie) est gage d’une obligation contractuelle de sécurité
mais oui l’association est responsable de ce qui se passe sur son mur, comme les maires de ce qui se passe sur leur commune.
il y une différence entre reponsable et coupable.
et no parle que de droit civil il me semble pas de droit pénal. (en gros c’ets juste des histoires de gros sous entre assureurs)

La dernière remarque de Jayjay me semble très importante : il ne faut pas s’emballer, c’est du droit civil, le seul enjeu est de savoir quelle assurance paiera… Bien sûr, ca ne veut pas dire qu’il faut faire n’importe quoi avec un mur d’escalade associatif. Au contraire, tester les nouveaux membres, accompagner jusqu’à l’autonomie les débutants, s’organiser collectivement pour vérifier le respect des bonnes pratiques en matière de sécurité me semblent des éléments de base d’un projet associatif.

L’arrêt n’est pas très très clair, mais ce qui peut être déduit d’une manière générale est qu’un club ne peut s’exonérer de son devoir d’indemnisation en disant : M. X a refusé de souscrire un stage de formation et a décidé d’utiliser librement les installations.

Maintenant, cette décision ne décrit pas précisément les causes de l’accident. Elle sera sûrement commentée dans le gazettes juridiques et on en saura plus.

L’affichage des consignes de sécurité me semble insuffisant aux termes de cet arrêt pour exonérer un club de sa responsabilité. Il conviendrait de démontrer que l’encadrement a été présent et a satisfait auprès de l’adhérent à l’ensemble des règles de sécurité correspondant aux usages en la matière.

Il ne s’agit bien entendu ici que d’indemnisation du préjudice corporel issu d’une responsabilité civile. Il existe une infraction pénale voisine mais elle n’était pas en cause ici et rien ne dit qu’elle aurait pu être caractérisée en l’espèce puisque, de mémoire, la violation de l’obligation de prudence doit être « délibérée » afin qu’il y ait condamnation au titre de cette infraction.

Ici, il s’agit de faire en sorte que les victimes soient indemnisées de la manière la plus large possible. Pas de condamner le plus largement possible les associations qui doivent être assurées. Cette tendance de la Cour de cassation s’inscrit dans un mouvement initié il y a plus de 30 ans sous l’impulsion notamment d’un professeur de droit, Mademoiselle Viney, et je ne pense pas qu’il puisse être considéré qu’il s’agit d’une « dérive ».

pas trop nouveau cette histoire :
/viewtopic.php?id=118917
/viewtopic.php?id=119105

Et la pluie de procès promise par les Cassandre se fait toujours attendre.

« QUE le soir de l’accident, un seul moniteur, M. B…, était présent au club pour dispenser une formation pour débutants ; que ce défaut d’encadrement »
C’est fort.

C’est intéressant…
Concrètement, ça se décline en quelles actions ?

tu as coupé le texte
si le moniteur se consacre uniquement aux débutants, les autres grimpeurs ne sont pas encadrés
il y a bien absence d’encadrement

de même si le responsable de séance, bénévole ou non, grimpe pendant la séance et qu’il y a quelqu’un qui se crashe avec dommages corporels sévères, il est mal et le club aussi, au plan civil bien sûr mais aussi et surtout au plan pénal
du moins c’est ce qu’on m’a appris

[quote=« Le Rico, id: 1296133, post:6, topic:117989 »]pas trop nouveau cette histoire :
/viewtopic.php?id=118917
/viewtopic.php?id=119105

Et la pluie de procès promise par les Cassandre se fait toujours attendre.[/quote]

Ah oui.

Mais la Cour d’appel avait considéré que le club n’était pas responsable. La question vient seulement d’être tranchée en sens inverse.

Heureusement qu’il n’y a pas eu pluie de procès… cela veut dire qu’il n’y a pas eu pluie d’accidents !

Mouais … il y a, à ne pas négliger, le fait que les propres règles internes de l’association sur l’usage de son installation(un énorme mur de 7 mètres !) imposaient un encadrement, sauf le dimanche. Or l’accident ne s’est pas produit un dimanche mais un jour où, d’après le règlement intérieur d’utilisation de la salle, l’encadrement était obligatoire.

Quid s’il n’y avait pas eu cette disposition, ou si l’accident c’était produit un dimanche, jour de pratique libre ? car l’obligation de sécurité peut avoir un autre contenu qu’un encadrement ponctuel, notamment une formation, éventuellement sanctionnée par un diplôme quelconque. Formation qui n’empêchera pas pas forcément un accident, cf la théorie des pièges heuristiques …

dernière observation : encore un accident d’assurance, auquel on ne peut pas grand chose quand on est encadrant. On ne peut pas mettre un encadrant derrière chaque assureur, seulement les surveiller du coin de l’oeil … Cette décision laisse intacte le contenu de l’encadrement, qui ne peut être que seul l’encadrant assure ! Bon courage à la Cour de Versailles

[quote=« nana75, id: 1296145, post:8, topic:117989 »]

C’est intéressant…
Concrètement, ça se décline en quelles actions ?[/quote]

On commence par dire et redire que la sécurité est l’affaire de tous, pour que les membres prennent l’habitude d’intervenir lorsqu’ils constatent un défaut de sécurité autour d’eux. C’est un travail de longue haleine pour sensibiliser les gens à la sécurité et les pousser à ne pas s’auto-censurer quand ils voient un problème…

En complément, on a mis en place des « référents de séance » : ce sont des membres du club, bénévoles et volontaires, eux-mêmes autonomes en escalade et qu’on forme en une soirée. Ils veillent au bon déroulement des séances (horaires, accès au matos, etc.) et font un petit tour au pied du mur, 2 à 3 fois par séance, pour vérifier l’assurage. Ils ont un t-shirt de couleur facilement reconnaissable, ce qui en fait des points de contact pour tous les membres qui auraient besoin d’un conseil ou qui n’oseraient pas par eux-mêmes faire une remarque de sécurité à un autre membre.

C’est un système qui fonctionne bien (une soixantaine de référents sur 600 membres, et toujours au moins un présent à chaque séance), qui améliore la sécurité de tous et qui présente en plus l’avantage de constituer une 1ère étape assez simple et valorisante en matière d’implication dans la vie de l’association.

Plus d’info sur notre wiki : guide:referent - Roc14

Je pense qu’effectivement la prévention passe surtout par là.

Au plan juridique, je crois malheureusement que peu de clubs ont aujourd’hui les moyens (en terme de bénévolat) de mettre en place des dispositifs suffisants au regard des exigences qui ressortent des jurisprudences récentes.

[quote=« nana75, id: 1296149, post:9, topic:117989 »]si le moniteur se consacre uniquement aux débutants, les autres grimpeurs ne sont pas encadrés
il y a bien absence d’encadrement[/quote]
Du point de vu de la justesse (dont la justice doit assurer) c’est le cas classique quand l’assurance individuelle du grimpeur doit payer. Mais évidement elle ne veut pas (les assurances sont plutôt habituées qu’on paye à eux)
Pourquoi les gens ne disent pas que « nous étions encadrés, le moniteur était sur nos dos tout le temps mais shit happens, l’assureur a fait une erreur ou une malaise parce que il avait la grippe débutante, le certificat médical en attaché) ».
Abus de la justice la détruit.
Mais il faut enterrer cette discussion pour que notre président du club ne la voie pas:-)

Je suis d’accord, je trouve que dans le cas d’espèce, ça va loin et ce n’est pas très juste.
C’est pourquoi je parle des exigences qui resssortent de jurisprudences récentes dont je déduis que si je suis responsable de séance, je dois vérifier que la personne est inscrite dans le créneau et lui interdire de grimper si il y a un manquement aux règles de sécurité élémentaires. Cela oblige à surveiller tous les grimpeurs… Combien de clubs peuvent réellement se le permettre en pratique ?

C’est pourquoi je crois plus dans la prévention qui passe dans la formation initiale, la formation continue et le contrôle mutuel.

Je ne vois rien de profondément injuste : du point de vue du club, il ne s’agit pas d’une condamnation pénale ou même morale. Il s’agit de faire jouer son assurance (certes, il y a la franchise).

En contrepartie, il s’agit de permettre à un tétraplégique d’être indemnisé et de pouvoir vivre dignement jusqu’à la fin de ses jours.

Bien entendu, les obligations mises à la charge des clubs sont importantes, et peut-être souvent impossibles à respecter. Mais il y a d’autres enjeux.

Posté en tant qu’invité par solution:

Pour ne pas avoir de problèmes il suffit de laisser la gestion des salles de grimpe aux privés, qui prendront des assurances et embaucheront des BE pour leur job!
Donc cesser de faire du clientélisme fédérale en utilisant pour les associations des murs municipaux qui sont construits à l’origine pour les scolaires et les activités peri scolaires!
Pour certains clubs qui gèrent un beau mur, (et qui n’existent que pour cette raison), il ne s’agit que de faire de l’adhérent … qui profite ainsi d’un prix avantageux par rapport à un mur privé … normal pas de frais de gestion ni de construction de la structure! Si les clubs qui gèrent des murs mettaient les adhésions en adéquation avec les salles privées … ils pourraient prendre des BE pour encadrer et des assurances pour se couvrir!
Si la justice les rattrape, en les traitant comme des gestionnaires de manèges ou parc de loisirs lorsque ceux ci ont des accidents, c’est tout à fait logique et même normal.

Je comprend ton point de vue.

Néanmoins on peut aussi considérer que ces murs, les adhérents de la région les ont payés aussi ( par leurs impôts ) n’est-il pas normal qu’il puissent en bénéficier aux moments où les scolaires sont absents ?

Ces murs « municipaux » sont des équipements collectifs, normal qu’il y ait un retour d’investissement, non ?

(et pareil pour tous les clubs, rugby, foot …) Tu connais beaucoup de piscines privées, toi ?

Un autre élément que l’on voit bien dans le cas d’espèce, surtout en lisant l’arrêt en entier, c’est que beaucoup de grimpeuses et de grimpeuses n’en ont strictement rien à foutre d’être encadré(e)s.

Ils ne viennent pas dans un club pour ça, ni pour faire de la compèt, mais pour rencontrer des partenaires en vue d’une pratique autonome, et bénéficier des installations lorsqu’il y en a. La personne accidentée n’était pas un débutant et est arrivée avec tout un groupe de copains, si j’ai bien lu l’arrêt en entier. Groupe dont les membres grimpaient entre eux et n’étaient demandeurs de rien.

Autre élément de compréhension de cette décision, il y a coté judiciaire une profonde méfiance, basée sur l’expérience de quelques voyagistes associatifs foireux, envers les associations qui souvent ne sont que le cache sexe de l’activité d’un ou deux pros, et là on est dans la puissante logique de protection du consommateur. Et des gens qui viennent en salle sans jamais avoir fait de formation, qu’est-ce que c’est sinon des consommateurs de structures ?

Enfin bon, en mettant dans son règlement que la pratique non encadrée était interdite sauf le dimanche et en ne se donnant pas les moyens de faire appliquer cette interdiction, l’assoc en question a donnée elle même et de toute façon tous les arguments pour se faire taper sur les doigts.

Car un jugement, qu’il soit civil ou pénal, et pour une assoc ça revient au même car l’affaire aurait aussi bien pu aller au pénal, y compris pour le président et/ou l’encadrant présent, c’est de toute façon se faire taper sur les doigts.

Pour l’encadrant présent, ça pose la question du contenu de l’encadrement exigé, car la présence d’un encadrant apte à surveiller et intervenir en cas de besoin repéré, n’est-ce pas tout ce qu’on demandait à l’assoc, et c’était bien le cas. Je suis un peu surpris que la défense de l’assoc et de son assureur se soit focalisée sur la question du refus de la formation, car même après le refus de la formation, on pouvait parfaitement soutenir que l’encadrement était de fait assuré par la présence d’un responsable. Après cela c’est obligation de moyen, et ne pas intervenir à temps sur un mauvais assurage peut être facilement excusable. C’est tellement facile et ça va tellement vite, personne ne peut se dire à l’abri ! Mais apparemment ça n’a pas été soutenu, ce qui m’étonne, et le juge ne peut statuer, sauf exception, que dans la limite des moyens soulevés par les parties …

[quote=« solution, id: 1296770, post:17, topic:117989 »]Pour ne pas avoir de problèmes il suffit de laisser la gestion des salles de grimpe aux privés, qui prendront des assurances et embaucheront des BE pour leur job!
Donc cesser de faire du clientélisme fédérale en utilisant pour les associations des murs municipaux qui sont construits à l’origine pour les scolaires et les activités peri scolaires!
Pour certains clubs qui gèrent un beau mur, (et qui n’existent que pour cette raison), il ne s’agit que de faire de l’adhérent … qui profite ainsi d’un prix avantageux par rapport à un mur privé … normal pas de frais de gestion ni de construction de la structure! Si les clubs qui gèrent des murs mettaient les adhésions en adéquation avec les salles privées … ils pourraient prendre des BE pour encadrer et des assurances pour se couvrir!
Si la justice les rattrape, en les traitant comme des gestionnaires de manèges ou parc de loisirs lorsque ceux ci ont des accidents, c’est tout à fait logique et même normal.[/quote]

Les bénévoles qui gèrent des clubs concurrencent les salles privées de façon déloyale. Nous voilà tout désolés tout à coup, pauv’ propriétaires. Et le sites naturels, c’est pas scandaleux ça ? Tout est déjà en place, y’a plus qu’a mettre des points c’est beaucoup moins cher bien sur !!

Qu’est ce qui t’arrive mon petit, tu voudrais faire commerce de ta passion et t’y arrive pas. Alors tu trouves des boucs émissaires ?

Détend toi, je t’assure, notre but n’est pas le clientélisme fédéral (c’est quoi ?) mais bien de partager notre passion avec ceux qui veulent la découvrir. Ça peut faire de mal à personne ça ?

A aucun moment dans aucune des salles privées que j’ai fréquentée, personne 'a vérifié mes aptitudes en matière d’assurage . Vu la surpopulation, ça n’aurait pas été facile. Alors présenter ça comme une panacée en matière de sécurité, ça me fait bien rigoler.