La différence c’est comment le deuil se fait. Le mort il est passé à autre chose.
Lettre aux alpinistes
Oui tu as raison, on peut toujours trouver des cas particuliers dans les grandes classifications d’ailleurs on a pas évoqué les nombreux accidents de voiture ou de moto pour rejoindre son spot préféré ou la salle d’escalade, probablement plus nombreux que les accidents d’escalade pur ( entre 6 et 20 par an )
Oui enfin c’est quand même vachement plus risqué de tenter un 8000 en hiver que de faire du bloc en sae…
La charge mentale liée à l’engagement et la prise de risque me semble tellement lourde à porter qu’elle finit invariablement par lasser.
De plus, quand on a passé des années à aller chercher et à trouver quelque chose en montagne, cette ambition de la découverte, de la performance, du toujours plus dur perd un peu de son intérêt. Parce que justement on a déjà trouvé. Et on peut en partie se contenter de vivre de ses souvenirs ou d’activités plus douces moins demandeuses en énergie et en fougue…
Vivre dans la peur et dans le passé c’est une vie ?
On a plus de peurs aussi. Non ?
Je n’explique rien mais c’est un constat.
Tu verras quand tu seras vieux.
Certes, mais ça peut être difficile à endurer. Vraiment, je n’aurais pas aimé être la femme d’Ueli Steck, je n’aimerais pas être la femme de Paul Bonhomme, la femme d’Alex Honnold pour citer des exemples extrêmes. Bien que ces messieurs sont (était pour Ueli) plus que compétents et qu’on peut leur faire confiance, en tout cas essayer. Même si évidemment, c’est aussi parce qu’ils sont ce qu’ils sont que leurs femmes sont leurs femme. Et ça marche aussi quand c’est la femme qui engage, Elisabeth Revol par exemple.
Parmi tous ceux dans la discussion qui défendent le fait de pouvoir prendre des risques indépendamment du contexte familial, est-ce que vous êtes parfois de l’« autre côté de la barrière », dans la position de celui qui attend confirmation que l’autre est bien rentré ?
Je fais parti de ceux qui n’étaient pas contre un peu d’engagement mais pour qui le jeu en vaut moins la chandelle depuis que j’ai des enfants. Donc je prends une marge bien supérieure à avant… J’ai attendu que le glacier des Nantillons soit tip top avant d’aller au Grépon…
Si je devais avoir un enfant, il est évident que tant qu’il n’est pas autonome socialement, éducativement (et légalement), je dois faire en sorte qu’il ne devienne pas orphelin, et également faire en sorte que si ça devait arriver il soit matériellement à l’abri jusqu’à son autonomie (pour la psychologie je crois qu’il devra se débrouiller comme il pourra, n’étant plus là pour « l’aider, à ma façon »).
(C’est une des raisons pour laquelle je ne veux pas d’enfant.)
Je n’ai pas parlé de peur, mais de charge mentale liée à l’engagement. Et je parle de se nourrir de ses souvenirs. C’est une chose extrêmement douce et je pense même que c’est bon signe. C’est le signe d’une vie accomplie, pleine de moments forts, qu’on a plaisir à se remémorer…
Et ça n’empêche pas de s’amuser par ailleurs avec des trucs ludiques sans être engagés, l’escalade sportive est un bon exemple.
Je dirai au contraire que triste est la vie de celui qui doit toujours courir vers un horizon inatteignable.
Si tout se passe bien, normalement l’horizon est atteint à chaque rentrée de sortie.
C’est vrai. D’ailleurs quand je me rappelle « mes » morts, les bons souvenirs reviennent, et ça me fait sourire dans ma tristesse.
Oui, même sans être vieux. Sortie balade avec des potes, raclette au retour et jeux de société à la lueur des bougies, au chaud avec du chocolat chaud, entre potes, tranquillement. Simple mais efficace.
Ça marche aussi avec un barbecue.
Est-ce que tu étais clair sur ce point avec tes coéquipiers avant que tu aies des enfants ?
Parce que ce que je comprends, c’est qu’avant, tu acceptais de prendre des risques, pas très grave si tu y restais (et éventuellement ton coéquipier avec), mais que maintenant, tu fais tout pour rentrer entier. Si tes coéquipiers n’étaient pas au courant d’où tu mettais le curseur auparavant, ce n’est pas sympa pour eux.
En gros, je ne vois pas en quoi avoir des enfants ou non devrait changer grand chose, si on n’a pas de tendance suicidaire. Dans les 2 cas, on souhaite rentrer entier, et on fait tout pour.
La baisse éventuelle du niveau d’engagement des courses quand on a des enfants provient surtout que souvent on a moins de temps pour la montagne, on est moins entrainé (pas que physiquement), et pour que la prise de risque soit identique, il faut baisser le niveau de la course.
Avant, on partageait le même niveau d’engagement acceptable et c’était clair. Maintenant, soit je m’abstiens s’ils font un truc qui n’en vaut plus la chandelle, soit je vais quand même avec eux. Mais je suis très clair sur mon état d’esprit. Et par exemple je ne fais pas certaines longueurs en tête, là où on protégeait peu je leur demande de mettre plus de protections, etc. Et ils l’acceptent parfaitement.
Il y a sûrement de ça aussi. Mais je n’ai jamais été aussi fort techniquement que maintenant, je n’ai jamais grimpé aussi fort. C’est juste que j’ai moins envie de trucs engagés et plus envie de trucs durs et ludiques. De trucs plus « légers » finalement même si c’est dur.
Oui, mais on connait tous des exemples de gens pour qui un objectif atteint génère systématiquement un nouvel objectif à atteindre. Et cela ad nauseam… C’est plus ça que je trouve dommage…
Oui, ça pourrait se défendre pour un compagnon ou une compagne. Mais pour des enfants qui n’ont rien choisi du tout eux ?
Pas du tout. J’ai rêvé de faire des 8000 et je fais de la rando. J’en suis pas frustré pour autant.
Bein soit tu n’as pas des enfants, soit tu es très différents de la majorité de la population.
Et ce n’est pas une question de tendances suicidaires, parce que ce n’est pas un curseur on-off, mais bien un continuum dans l’engagement. On peut très bien accepter un risque faible d’accidents tout en n’espérant pas y passer. Et le % de risque qu’on accepte peut très bien évoluer au cours de la vie.
Bien sûr, on peut mal évaluer ce risque (à la hausse comme à la baisse).
Oui bien sûr.
Mais perso, le % de risque acceptable est quasi 0, mon but est de prendre le même risque en montagne qu’au quotidien en vallée (à voir si ce but est atteint).
Et pourtant, je crois me souvenir que tu avais dit toi-même il y a longtemps avoir déjà brûlé des cartouches (terrain à chamois/escalade facile, mais en terrain moyen non-protégé).
Je suis de loin pas un grand alpiniste et j’aime bien la vie, mais clairement si j’ai des enfants je sortirai peut-être plus rapidement la corde et ferait moins de terrain à chamoix.
Ben oui, mais ce n’était pas mon but. C’était une erreur.
Tu fais de la moto ?