Posté en tant qu’invité par Yann Vallençant:
Je suis atterré par la teneur de certains propos au sujet de ce fameux Everest 50 et des polémiques stériles qui s’éternisent sur le sujet.
Guide de haute montagne et journaliste/réalisateur TV, j’étais moi-même sur place, j’ai dénoncé l’éthique générale de cette expédition de type commercial à 35 000€/pers (pour les non-invités) dans Montagnes Magazine et j’ai même déposé certaines des plaintes en justice à l’encontre des organisateurs.
J’aurais cru qu’à la lumière des faits dénoncés par Montagnes Magazine, mais aussi ensuite par M6 dans ses infos régionales et nationales – notamment cette dette de quelque 182 000 $ envers l’agence népalaise!!! – les amoureux de la montagne auraient réagi avec vigueur pour défendre les Sherpas spoliés et pour promouvoir une certaine éthique de l’himalayisme. Alors quand je lis des « débats » de la teneur de ceux qui apparaissent actuellement, où l’on tergiverse pour savoir qui de Gabarrou ou de Bérhault est le meilleur, ou si ce sont Troillet et Lorhetan les plus forts, ou sur combien de litres d’oxygène et combien de porteurs les uns ou les autres se sont appuyés, j’en viens à tomber de mon siège… et même pire, à dévaler la pente, quand je remarque qu’en parallèle, seules de très rares voix s’expriment pour s’indigner du mauvais coup porté aux Népalais ou pour engager un débat sur l’éthique de certaines expéditions organisées au détriment des populations locales, pour la carrière médiatique et/ou le compte en banque de certains « héros » occidentaux.
Ni Gabarrou ni Bérhault ne sont responsables de ce qui s’est passé là-haut. Leur seule erreur est peut-être de s’être laisser inviter (et égarer) dans une expédition qui ne ressemble ni à l’un ni à l’autre, alors laissons-les repartir en paix chacun de leur côté vers d’autres horizons où l’air pur ne manque pas encore et où ils pourront donner la pleine mesure de leur talent. Quant aux histoires de « dopage » à l’O2, de porteurs, de moyens plus ou moins « éthiques » utilisés pour gravir telle ou telle montagne dans le monde, ne devraient-elles pas regarder en priorité chaque intéressé et sa conscience, et l’alpinisme « pur » rester un face-à-face avec la nature et avec soi-même plutôt qu’avec les médias et les sponsors? Sur les voies normales de l’Everest, à l’évidence, cela ne se passe malheureusement pas comme cela et nous devrions tous le déplorer.
En tout cas, si même la plus haute montagne du monde ne sert pas à élever un peu le débat et à défendre quelques valeurs essentielles qui devraient présider à l’alpinisme comme au reste du monde, si la majorité des alpinistes préfèrent débattre sans fin sur les « performances » et l’égo de telle ou telle star, c’est vraiment à désespérer de la capacité des neurones à se régénérer après de fréquents séjours en hypoxie…