Bonjour Michel,
Je me permet de copier et coller nos échanges sur Facebook, qui ont une présentation moins sujette à l’incompréhension (j’oserai même parler de malhonnêteté dans la façon dont tu isoles une seule phrase de mon texte !!)
En premier lieu mon post dont est tiré ton court extrait :
Ouverture de « Basile le crocodile » - aiguille de la Gliere
Autant le dire tout de suite, la voie a failli s’appeler « La croizade de Jeannot », tellement il a fallu que Jean se dépasse durant cette journée de découverte du mixte Un traquenard en règle savamment organisé par la météo et les conditions de neige, car j’avais prévu pour lui l’exploration d’un itinéraire très facile, pour une première expérience en douceur. Heureusement que ça a foiré, vu comme il a réussi à progresser et le plaisir qu’on en a tiré tous les deux
Nous étions à peine partis du télésiège de l’index depuis 2 minutes qu’avec le jour Blanc je suis allé mettre le pied en haut d’une congère, déclenchant une belle plaque friable formée le matin sous le vent de foehn ! Première alerte sans conséquence vu le terrain plat, mais très utile pour revoir les plans du jour
Nous avons donc bifurqué sur le secteur de « mixte académie », et sa descente possible sans risques et en rappels.
Deux collègues et leurs clients ayant déjà prévu de s’engager dans cette voie, il a donc bien fallu se tourner vers le dernier projet qui me restait, une voie sur le beau pilier de gauche, plus raide et plus rocheux
La première longueur emprunte un peu de mixte facile, puis il faut franchir un ressaut raide et une étroite « cheminée » (trop étroite pour monter dedans) : une escalade grisante mais assez impressionnante à ouvrir, ne sachant pas s’il serait possible de protéger… Les négociations furent longues : dégager les fissures et prises de pieds sous la neige en grimpant, nettoyer les blocs fragiles, trouver de bons points de protection, poser deux pitons avant le passage le plus dur, puis construire un bon relai. Mais le forcené a obtenu gain de cause
En l’état cette longueur est un régal, et peu exposée !
Pour Jeannot, ce fut une découverte accélérée des techniques mixtes Nous avons pris le temps, la corde était bien tendue, et à part une méchante onglée tout s’est super bien passé !
La seconde longueur reste dans le même thème, mais moins soutenue avec une section centrale plus roulante. On côtoie la voie d’escalade « Mani puliti » sur les derniers mètres.
La dernière longueur est magnifique, sur un rocher taillé pour le mixte !!
La première partie dans la fissure de « mani puliti », qui avale les lames de piolet comme une gloutonne Puis on continue dans l’axe en direction d’un surplomb fissuré, pour une section raide et plus technique, les pieds sur des aplats et des ancrages plus durs à trouver… Deux goujons d’une voie d’été (laquelle??) permettent de grimper serein !
Il faut par contre prévoir éventuellement un peu de patience pour déterrer le relai que j’ai posé sur deux pitons dans la pente de neige
La suite est beaucoup plus facile, par une courte arête de neige puis la sortie rejoint les deux autres voies. Nous nous sommes arrêtés là, l’heure tournant et les deux longueurs du bas étaient déjà un beau challenge pour Jean !
La descente fût encore un moment d’apprentissage, avec son tout premier rappel
Au final, cette voie est la plus difficile de la face (mais pas trop expo, même si elle demande une bonne expérience notamment pour les relais) et la plus belle, à dominante rocher.
Elle s’appelle « Basile le crocodile » en clin d’œil à la petite bouille qui nous a rejoint en Avril dernier. Comme lui elle est très chouette et intense
Si vous la parcourez, merci pour vos retours sur la voie et les cotations, histoire que le partage aille dans les deux sens
Le top étant Camptocamp.org histoire que vos retours soient pérennes et profitent à tous !
Topo de la voie sur mon site
Ensuite ton premier message
Faire du dry dans des voies existantes, que ce soit Mani pulite ou l’arête E de l’Index est un manque de respect total pour l’escalade d’été. Détérioration évidente du rocher, patine accélérée => jamais dans les classiques, plus jamais dans « mes » voies. Merci.
Ma réponse :
> bonjour Michel,
**> **
> Ton message laisse peu de place à la discussion, mais malgré le côté propriétaire terrien qui en ressort, je me permet une réponse
**> **
> Parlons déjà de l’arête SE de l’index pour laquelle ta position est vraiment étonnante venant d’un guide de haute montagne, donc alpiniste. La pratique de l’alpinisme s’est toujours accommodée de parcours en hivernal, les plus techniques étant revendiqués comme des moments marquants, les autres comme la norme Que tu vendes un topo d’escalade contenant une voie d’alpinisme de 1913 n’en fait pas « une voie d’escalade d’été ».
**> **
> On retrouve cette pratique sur de nombreuses arêtes de ce niveau en moyenne montagne, je n’ai pas inventé l’eau chaude : Perrons de vallorcine, arêtes du Gerbier, pour ne citer que deux classiques ultra fréquentées…
**> **
> La « détérioration évidente du rocher » dont tu parles, sur ce gneiss, c’est quoi ? Quelques rayures de crampons ? La belle affaire, on en trouve partout en montagne…
**> **
> Quand à la patine de l’arête SE de l’index, elle est depuis longtemps présente et provient des parcours estivaux.
**> **
> On peut également s’intéresser un minimum à ce que font nos voisins, dont les anglo-saxons sur un terrain qui ressemble beaucoup : les voies du Ben Nevis, entre autres, se parcourent été comme hiver sans que ça ne gêne personne. Beaucoup de voies possèdent même pour ce que j’en sais deux noms, deux cotations, selon qu’on les parcourt en été ou en hiver.
**> **
> Pour finir sur le cas de Mani pulite (et ses voisines), j’espère que tu as pris le temps de lire les topo : les voies que j’ai ouvertes ne sont pas des parcours hivernaux des itinéraires d’escalade. Ce sont des voies à part entière, qui utilisent les relais lorsque c’est possible. Seule la dernière, « Basile le crocodile » utilise deux portions de 5-10m chacune des voies d’été, pour proposer un parcours de mixte merveilleux. Le reste du temps j’ai tout fait pour rester à l’écart, par exemple dans L2 en plaçant un piton dans du beau mixte pour diriger les grimpeurs à gauche de tes goujons. De quel droit serais tu propriétaire de ces bouts de parois fissurées ?
**> **
> Le passage en mixte n’abimera pas les fissures, il laissera sûrement quelques rayures de crampons, sans aucune incidence sur l’escalade. Je n’ai pas ajouté de matériel qui engendrerait de la confusion.
Second message de ta part :
Même 10 m dans une classique rocheuse en crampons n’est pas admissible. Je te propose au moins 1500 lignes à ouvrir dans les Aig Rouges sans passer par une portion de voie rocheuse équipée. Le rocher n’est pas à moi, pas à toi, mais à nous tous, et c’est montrer bien peu de respect (et de culture alpine) que de « rayer » comme tu le dis des bouts de voies de rocher en les grimpant en crampons. Marche 1 heure et va te faire plaisir dans des mottes gelées hors voies existantes. Surtout, ne fais pas la promotion d’une pratique de ce genre, extrêmement agressive de fait pour le caillou, anti-éthique, dans des voies d’été de qualité (pour combien de temps…): l’Index va donc devenir une école de dry: quelle cata ! Le fait que tu sois guide est encore plus impardonnable dans ce non-respect.
Et ma réponse de nouveau :
> Michel, si tu souhaites avoir une conversation respectueuse, il va falloir que tu acceptes qu’elle aille dans les deux sens. Sinon c’est une position de maître de conférence pédant sans intérêt !
**> **
> Tu parles de culture alpine, c’est très bien, c’est un terrain que j’adore !
**> **
> - peux tu répondre sur les us et coutumes en matière d’alpinisme, et le fait que depuis belles lurettes les itinéraires d’alpinisme, y compris rocheux, se parcourent en hivernal ?
**> **
> C’est le cas pour citer deux itinéraires emblématiques du massif des voies Lesueur et Alain en face N des drus, aujourd’hui devenus des standards d’escalade mixte. On parle d’un tout autre niveau en terme de patrimoine alpin que les voies de l’index, et ça ne pose aucun soucis à personne que la fissure Alain soit rayée par les crampons
**> **
> - ne connais tu les pratiques dans d’autres massifs ou pays ? Où est ce que tu considères les anglais et les écossais comme des barbares lorsqu’ils font co-exister le mixte et l’escalade dans les mêmes itinéraires ? (On ne parle pas de portions de 10m ici !!)
**> **
> Pour ma part cette notion de co-existence me parle beaucoup, j’aime grimper sur le rocher, j’aime l’alpinisme hivernal. Ça me gène profondément lorsqu’on modifie un terrain de jeu au détriment d’une pratique, par exemple équipement sauvage d’une voie, taille de prise,… Mais qu’en montagne le rocher soit rayé (impact visuel) par l’alpinisme hivernal ne me fait ni chaud ni froid ! On ne parle pas ici de casser à coup de piolets les prises d’un rocher fragile
**> **
> Les deux pratiques ont droit d’exister et font sens, et je ne vois pas bien dans ce contexte qui aurait le droit d’imposer la sienne ?
Comme d’habitude, tu t’ériges en grand maitre et propriétaire des lieux, avec l’argumentation d’un buldozer.
Consternant.
Avec ceux qui savent le faire, je serai heureux de discuter !