TR13, je pense que j’ai partiellement répondu à tes arguments dans mes posts précédants, mais les réponses sont disséminées dans les nombreuses pages du forum.
Par cette phrase « A plus de 3000m, en dehors des stations de ski, il y a en proportion beaucoup plus d’ingénieurs qu’à 200m d’altitude. », par le « en dehors des stations de ski », je ne faisais pas directement référence aux pratiquants de ski alpin, mais plutôt aux nombreux touristes non alpinistes qui empruntent les téléphériques pour monter au-dessus de l’Alpe d’Huez ou des Deux Alpes, que ce soit en été ou en hiver (je dis ça parce qu’une fois, en plein été, entre le Lac Chambon et le Col du Sabot, à 2700m, j’ai croisé de gros téléphériques plein de touristes). Peu importe. Sache que je ne pense pas que le ski alpin soit plus accessible que l’alpinisme. Il est même fortement possible que le ski alpin soit un sport socialement très discriminatoire.
Il est vrai que j’ai écrit:
« -un externe en médecine, qui, en plus de ces cours, bosse 20-25h par semaine à l’hôpital pour 50 euros (en 4ème année) et qui est issu d’une famille « modeste » a rarement le temps et l’argent pour faire de l’alpinisme. Bien souvent, il se contentera de sports moins onéreux comme le footing, le foot ou un tour de vélo le dimanche (voire même pas de sport).
-A plus de 3000m, en dehors des stations de ski, il y a en proportion beaucoup plus d’ingénieurs qu’à 200m d’altitude. »
Peut-être que ces deux phrases sous-entendent, comme tu l’écris, que l’alpinisme est un sport de riche; peut-être; mais ici, je ne fais que donner des faits supposés (et probablement réels); et c’est toi qui interprètes ces faits de la sorte.
Tu écris qu’en randonnée pédestre, la répartition sociale est la même qu’en alpinisme. Je ne crois pas, mais je n’ai pas les chiffres. Mais même si ces chiffres étaient exacts, il n’en demeure pas moins qu’en ayant la chance d’avoir une bonne santé et d’être valide, avec un vélo et une paire de chaussures, on peut partir marcher dans la nature (et encore, selon le lieu de résidence, le vélo peut être en option). Alors que pour l’alpinisme, un vélo et une paire de chaussures ne suffisent pas. Certes, parmi ceux qui n’ont pas de moyen de transport motorisé, tout le monde n’a pas la volonté d’aller marcher en prenant son vélo, mais ça reste possible (OK, il y a des exceptions dans les grosses agglomérations).
Quant à l’escalade, effectivement, je ne pense pas que ce soit un sport fortement discriminatoire, surtout avec une pratique en salle (je n’y connais rien, je donne un avis non éclairé). Et tu as sans doute raison quand tu écris (je te paraphrase) que l’escalade est un sport moins populaire que le foot, mais là, bien que connaissant mal le sujet, je pense que c’est pour des raisons socio-culturelles, plus qu’économiques. Je suis tout à fait d’accord avec toi quand tu écris que certains sports sont trop médiatisés. (J’aimerais beaucoup que les médias s’intéressent à ceux qui font du sport sans faire de compétition. Je crois que la compétition à la télé a une mauvaise influence sur les enfants.)
Pour l’alpinisme, il y a bien sûr un aspect géo-socio-culturel. Quelqu’un qui naît à Saint Christophe en Oisans dans une famille d’alpinistes a plus de chances de devenir alpiniste que quelqu’un qui naît à Dunkerque dans une famille de footballeurs (ou de non sportifs).
Outre cet aspect socio-culturel (qui peut être dépassé), il y a aussi un aspect économique; et cet aspect me semble être plus marqué dans certains sports que dans d’autres sports. Si pour s’initier à certaines activités, enfiler une paire de baskets suffit; pour d’autres activités, l’initiation nécessite de se payer l’inscription au CAF, 150 kms de voiture (voire un billet de TGV), d’acheter des chaussures Vibram, une tente même Quechua, un duvet même Quechua, un sac à dos 50 litres, une veste Gore Tex… Certes, il peut y avoir des combines et le fait de faire certaines rencontres peuvent faciliter les choses, mais je crois honnêtement qu’il y a du vrai dans mon propos. Quelqu’un qui n’a pas de voiture, qui a des revenus modestes et peu de temps libre aura plus de difficultés à accéder à certains sports que quelqu’un qui a un moyen de locomotion, des revenus confortables et plus de temps libre. Je pense donc qu’il y a des sports qui sont plus discriminatoires que d’autres.
Il faut aussi dire qu’en fonction des sports, ces discriminations peuvent s’amplifier lorsque le pratiquant souhaitent évoluer; en passant d’un stade d’initiation au haut niveau. Par exemple, s’il est possible de prendre du plaisir à prendre l’air avec un vieux vélo payé 20 euros sur internet, le cyclosport nécessite d’investir dans du matériel beaucoup plus coûteux (à moins d’accepter d’être considérablement désavantagé). A l’inverse, il me semble qu’en course à pied, aucun investissement important n’est nécessaire pour « évoluer ». Même si je peux me tromper, je crois qu’en alpinisme, il est tout de même difficile d’envisager de grimper à certaines altitudes avec du matériel « bas de gamme », et que pour grimper certains sommets, un gros budget peut être nécessaire (éventuel transport en avion, très bon matériel permettant de faire face à des situations difficiles voire extrêmes) si l’on souhaite éviter de prendre de trop grands risques.
La responsabilité de ces « injustices » n’incombe pas aux pratiquants des différents sports en question. C’est la vie qui est comme ça, c’est la société qui est comme ça. La société peut changer. En tout cas, je pense que le fait de réduire la place de l’Etat dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture, du sport, de la jeunesse… génère des discriminations. Discriminations qui sont, sans doute, nettement plus flagrantes dans les pays moins privilégiés que la France.