Chers amis montagnards! En tant que président de la section Jaman (Vevey) du Club Alpin Suisse, je vous informe que j’ai adressé une réponse à Mme Straub, suite à ses doléances après son passage à la cabane de la Dent Blanche les 11-12 août. Ma lettre fait la part des choses entre les devoirs des sections propriétaires de cabanes, les devoirs des gardiens et les devoirs des alpinistes. Je la tiens à disposition des intéressés
Cordial salut à tous.Pierre.emmanuelle straub a écrit:
voici le courrier adressé au directeur de la section CAS
Jaman… tout est dit
Monsieur,
Je me permets de vous écrire pour vous faire part de mon
mécontentement concernant le gardiennage d’une de vos cabane,
la cabane de la Dent Blanche (cabane Rossier).
Nous y sommes montés à 4 le 11 Août au soir pour faire
l’arête Sud de la Dent Blanche le 12 Août.
Nous avons pris la ½ pension : pendant le repas, je suis
allée demander s’il était possible d’avoir 4 verres et une
carafe d’eau ; la gardienne me répond sur un ton désagréable
qu’elle prépare le repas et qu’elle n’a pas le temps de me
servir de l’eau. Quelques minutes plus tard, une personne se
présente à elle pour lui demander une bouteille de vin,
qu’elle lui sert aussitôt et prend le temps d’encaisser…
Alors que nous entamons les spaghettis, je retourne à la
cuisine réitérer ma demande ; même réponse ; je hausse le ton
; en effet, j’ai moi même travaillé 5 ans durant dans un
refuge, le refuge de l’Envers des Aiguilles à Chamonix, où
nous avions parfois jusqu’à 100 personnes, jamais nous
n’avons refusé de l’eau aux clients ; cela prend 30 secondes
de remplir une carafe ! je lui fais part de cette remarque,
elle me répond : « écoutez, prenez de l’eau et arrêtez de
m’emmerder ; si vous avez travaillé en refuge, vous n’avez
qu’à vous occuper de l’organisation » !!!
A la fin du repas, nouvelle demande d’eau par l’un de mes
collègues ; elle lui sert 30 ml d’eau (pour 4 !) bouillante
!!! idéal donc pour se désaltérer…
Le lendemain matin, à 4h30, je vais vers l’évier de la
cuisine pour remplir ma gourde d’eau ; elle se précipite vers
moi en vociférant que je suis « culottée » de me servir comme
ça, que c’est interdit de prendre de l’eau « déjà qu’on n’en
a pas beaucoup » me dit elle !!!
J’ai travaillé en refuge ; je parcours la montagne et ses
refuges depuis une bonne dizaine d’années, de France,
d’Italie et de Suisse. Jamais je n’ai vu de refuge interdire
l’accès à de l’eau courante ; qu’elle ne soit pas potable
quand le refuge se situe sur un promontoire rocheux, soit.
Mais en l’occurrence, la cabane de la Dent Blanche se situe
en aval d’un gros glacier et des tuyaux de captage sont
d’ailleurs bien visibles lorsque l’on se dirige vers l’arête
Sud. Une énorme cuve de réserve se situe 20 m au dessus du
refuge.
Cette cabane interdit non seulement l’accès à l’eau dans un
but de consommation mais également dans une optique d’hygiène
simple ; pas de possibilité de se laver les mains ; certes un
bac offre de l’eau devant les toilettes, mais l’eau est
stagnante et tout le monde trempe ses mains là dedans, ce qui
n’est pas des plus ragoûtant…
Je n’imagine pas la galère pour ceux qui ne souhaite pas
prendre la ½ pension : impossible d’avoir de l’eau pour faire
soupe, thé et que sais je…
Ainsi, la gardienne force véritablement à la consommation : ½
pension obligatoire, achat de boissons obligatoires si vous
voulez vous réhydrater et de même si vous voulez boire durant
la course le lendemain. En France, la vente forcée est
interdite, qu’en est il en Suisse, pays de démocratie… ?
L’eau en montagne coule en abondance et ne coûte rien ;
comment laisser dire des ignominies pareilles par vos
représentants ? cette gardienne prend ses clients pour des
imbéciles ; quoiqu’il en soit, cela ne lui a rien rapporté :
devant son attitude abjecte, nous avons mis un point
d’honneur à ne rien consommer, ce que nous n’envisagions pas
initialement ; nous souhaitions prendre un repas au retour de
course à midi, boire une boisson fraîche, nous ne l’avons pas
fait ; son attitude n’incite pas à la consommation.
L’un de mes collègues a pris l’option de se lever dans la
nuit pour accéder à l’évier de la cuisine et remplir ses
gourdes sans avoir un chien de garde à la porte…
Notre étonnement ne s’est pas arrêté là… elle nous a
proposé un réveil à 4h sans autre choix ; soit, cet horaire
nous convenait parfaitement. Mais à 3h15, branle bas de
combat dans le refuge ; tout le monde se lève, les petites
cuillères s’affolent dans les tasses dans la salle…
impossible de dormir ; à 4h, nous nous levons comme prévu ;
surprise ! nous sommes les seuls dans le dortoir ! nous
allons prendre le petit déjeuner ; déception encore et encore
! l’eau chaude est sur la table, mais depuis ¾ d’heure et à
4h elle n’est plus que tiédasse…
Nous avons compris en interrogeant d’autres français que les
suisses avaient droit à un lever spécial, plus tôt que les
autres. Est ce normal ? j’avais entendu que des pratiques
similaires se faisaient pour le Cervin ; ceci ne se voit
qu’en Suisse et c’est tout à fait mesquin. Les guides ne
veulent pas être « suivis » ; c’est mesquin. Je ne regrette
absolument pas l’horaire du lever ; 4h est idéal : l’abord de
l’arête se fait au lever du jour, la recherche d’itinéraire
s’en trouve facilitée et quel spectacle que le lever du jour
sur le Cervin an arrière plan de l’arête de neige précédant
l’arête rocheuse ! de même nous n’avons pas « bouchonné »
dans les passages clés et les chutes de pierre déclenchées
par les alpinistes étaient bien plus rares… Ce qui nous a
agacé dans cette attitude, c’est l’impossibilité de dormir de
3h15 à 4h, du fait du bruit dans la cabane.
Son attitude a été déjà diffusée largement auprès des
alpinistes que nous avons rencontrés sur le chemin du retour
et de même sur internet sur le site alpinisme.camptocamp.com.
Heureusement qu’il n’y a que la Dent Blanche à faire à partir
de ce refuge ; nous n’y retournerons pas ; et les amis qui
souhaiterons s’y rendre seront prévenus…
J’ose espérer que mes remarques auront des conséquences, que
l’accueil dans vos cabanes est votre souci premier ; ces
cabanes sont la plupart du temps magnifiques sur le plan de
l’agencement, les gâcher par un accueil scandaleux est fort
dommage. La montagne est un lieu de liberté et de dépaysement
; il est regrettable d’avoir à s’énerver dans des endroits
pareils.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes
salutations distinguées.