Tu vas pouvoir rattraper le retard, je suis en vacances donc pas de publication cette semaine.
La montagne c'est rigolo [livre]
VI - L’alpiniste et la société - Pas facile, mais ce sont les gens normaux qui sont bizarres !
On attaque là le point crucial. Car l’alpiniste et la société ça fait souvent deux. Malheureusement pour lui, malgré tous ses efforts et ses souhaits, l’alpiniste passe plus de temps en bas qu’en haut. Il se confronte donc inévitablement aux autres, et surtout aux plus nombreux, les gens normaux. En général ce sont les gens normaux qui essayent de caractériser la folie, qui essayent de l’expliquer. Et même si leur plus grande crainte serait de tomber dans cette folie ils sont inévitablement attirés par les marginaux. Du coup ils nous observent toujours étrangement et leur curiosité est rarement satisfaite: qu’un fou essaye d’expliquer aux gens normaux la légitimité de sa folie? Voire de montrer que le normal c’est lui, que ce sont les autres qui sont bizarres? Vous voyez le problème, le combat est perdu d’avance. N’étant pas meilleur que les autres je ne me lancerai donc pas dans cet exercice. Cependant, je vous note quelques anecdotes qui vous feront voir le quotidien et le normal pour un alpiniste.
Quand je travaillais dans un petit magasin de sport, je croisais rarement des vrais de vrais, j’essayais donc de me contenir, mais je n’y arrivais pas toujours. Je me souviens d’une fois où j’ai expliqué à un client que j’avais testé l’imperméabilité des gants qu’il lorgnait, sous la douche. Il n’a pas semblé comprendre que j’étais sérieux, et m’a pris pour un vendeur de base, le bonimenteur. Pour ma part je savais qu’il n’avait sûrement jamais grimpé en cascade . Parce que l’humidité en cascade c’est un incontournable qu’il faut gérer. En général on utilise deux à trois paires de gants en cascade et en mixte. Une première paire pour grimper, fine si possible, car manipuler des mousquetons avec des moufles c’est comme essayer de s’en rouler une avec des gants de boxe. Cette paire doit être la plus imperméable possible dans l’idéal. Car oui, en glace on est vite mouillé, même par grand froid. Les cascades sont souvent des cours d’eau gelés, ça ruisselle donc, et si le soleil arrive, ça peut vite devenir ambiance canyoning . De plus, quand ça devient difficile, on peut stagner un peu au même endroit, avec les doigts coincés entre le piolet et la glace, qui donc va fondre. Aussi nous avons essayé plusieurs types de gants pour cette paire là. À l’époque la mode était aux Charlet-Moser en laine et picots en caoutchouc, les anciens comme moi doivent avoir un petit sourire à se remémorer ces antiquités. Fins, chauds même mouillés (la laine est un des seuls textiles qui restent chauds même pleins d’eau), et les picots dans la paume assuraient un bon grip sur le manche des piolets. Le problème de la laine, c’est que ça mouille vite, ça devient lourd, c’est long à sécher, et ça colle à la glace quand il fait froid. Nous avons donc essayé plusieurs types de gants de skis, mais clairement, ce n’était pas conçu pour, et entre le froid, le mouillé et le manque de dextérité, il fallait vite trouver autre chose. Nous avons alors eu notre période gants « Mappa ». Si, si, ceux pour faire la vaisselle, qui remontent presque jusqu’aux coudes. Au niveau étanchéité c’était le top. Par contre au niveau chaleur, il faut bien reconnaître que, même en gérant bien avec les autres paires de gants, on a souvent eu l’onglée. On est donc passé aux gants de plongée, en néoprène et fourrés. Ça allait déjà beaucoup mieux, mais il y avait deux inconvénients majeurs. Ils étaient imperméables et non imper-respirants comme on dit. Du coup c’est comme le k-way, au début on n’est pas mouillé, mais très vite on est plus mouillé par l’intérieur que par l’extérieur. Et quand il fait froid, ça peut même geler à l’intérieur des gants. J’ai ainsi fait tout " E nvers barbare " comme ça, en pleurant à chaque relais, quand les doigts se réchauffaient en fin de longueur. Mais allez expliquer tout ça à mon client qui ne connaissait rien à la cascade! Si ça avait été un vrai de vrai, il aurait compris le test sous la douche. Décalage.
Pour ceux qui ont bien suivi et qui sont curieux, les deux autres paires de gants se gèrent ainsi: On en met une contre soi dans la veste, et à chaque relais on l’enfile le temps d’assurer son second. Elle est donc relativement sèche, relativement longtemps, et relativement chaude. On la remplace au chaud contre soi par la paire avec laquelle on vient de grimper, pendant que le compagnon monte, ainsi la première paire se réchauffe et sèche un tantinet. Elle sèche plus psychologiquement que réellement, mais le mental c’est le moteur. La troisième paire reste dans le sac, c’est celle de secours, en général des grosses moufles himalayennes, que l’on peut enfiler en fin de course pour se mettre les pognes au chaud, ou pour attendre les secours si il y a eu pépin.
Dans ce même magasin qui comptait deux enseignes, je fus un samedi appelé en renfort dans le " magasin à touristes " car la saison de ski battait son plein et que ce magasin typé ski était largement plus fréquenté que celui dans lequel j’étais affecté, le magasin des alpinistes. Alors qu’à deux vendeurs nous passions une bonne partie de notre temps à attendre le client en vidant le bar dans le bureau des patrons, les copains de l’autre magasin ne savaient plus où donner de la tête. Les samedis de vacances scolaires il fallait alors les renforcer. Je débarquai donc là, au milieu de la foule, et l’un des patrons me collât au rayon " combinaisons de ski ". Difficile pour moi qui était spécialisé dans le très technique de donner des conseils sur des chiffons tout juste bons à aller traîner au bar. Il n’y avait rien là dedans qui aurait tenu au froid des hivernales, à l’humidité des relais dans la neige, à l’abrasion des renfougnes en cheminée . Bref, je tentais quand même, en lisant rapidement les étiquettes, de vanter aux clients les rares matériaux techniques qui parsemaient les modèles de combinaisons. Et alors que je tentais comme un bonimenteur cette fois, de mettre en perspective les différences entre deux combinaisons sur lesquelles la cliente hésitait, elle me lança agacée:
-
" Mais dites moi! c’est la bleue ou la rouge qui me va le mieux? "
-
" Heu, la bleue madame! " (au pif évidemment, dans les deux on aurait dit le bonhomme Michelin). Décalage.
On a souvent du mal à comprendre la logique du commun des mortels, leurs attentes, leurs ambitions qui sont à l’opposé des nôtres. Bon après si elle tombe dans une crevasse ou des lappiaz (ça m’est déjà arrivé à ski), elle ne viendra pas se plaindre si elle a froid et que sa combinaison est toute déchirée.
Il y a aussi des décalages avec les copains ou copines qu’on emmène en montagne parce qu’ils veulent essayer. Et là, il y a deux choses qui œuvrent contre nous, et surtout contre les pauvres saucissons . La première c’est qu’on ne mesure jamais bien l’écart entre ce que nous nous faisons et ce que eux peuvent faire. C’est quelque chose qu’on apprend au fil des ans, et des amitiés écornées. Et ça n’arrange pas notre intégration, car ceux qui nous ont accompagné dans ce qu’il convient souvent d’appeler des galères (pour eux surtout), les gardent pour longtemps en mémoire, n’hésitant pas à colporter à chaque soirée que nous sommes vraiment des tarés. Cette incompétence à se mettre au niveau des autres est encore amplifiée par une deuxième chose: faire du promène couillon c’est peut-être un facteur d’intégration, mais ça ne nous fait pas forcément rêver. Du coup, si on pouvait mettre un petit passage technique dans la voie, et quelques petites difficultés par ci par là dans la journée, au moins on aurait pas perdu notre temps. Car aller en montagne sans l’objectif de s’entraîner ou de faire une voie difficile, c’est perdre du temps. On dit bien que c’est mieux si il y en a pour tout le monde, si tout le monde se fait plaisir non? Du coup, traîner un saucisson dans du 4, c’est bien pour lui, mais si il y a un petit passage en 6a, c’est bien aussi pour nous. Une descente à pied c’est sympa pour celui qui commence à tirer la langue en fin de journée, mais quelques petits rappels lui permettront de se rapprocher de nous et ça fait plaisir au leader. Par contre, si on n’a pas le choix et que les copains veulent vraiment faire un truc facile, on bourre son sac de bouteilles d’eau pour l’alourdir, en espérant que les autres ne s’en apercevront pas; l’entraînement, toujours l’entraînement je vous ai dit. Quant à ceux qui veulent une vraie petite voie en montagne, pourquoi ne pas viser directement la face sud de la Dibona, l’arête des cosmiques à l’Aiguille du Midi, le couloir Couturier à l’Aiguille Verte (n’est-ce pas Harvey?) ou la voie normale de la Meije, entres autres? Tous ces exemples ont été réellement testés, dans le pire j’ai une connaissance dont la première voie fut « le linceul » aux Grandes Jorasses, les connaisseurs apprécieront. Bref, si possible un truc qu’on n’a jamais fait et qu’on gardait dans un coin de la tête parce que c’est joli, mais qu’on n’a jamais casé dans notre liste de courses car pas assez difficile. On sait d’avance que c’est peut-être un peu juste avec un débutant, que juste est peut-être un euphémisme, mais bon, on verra bien sur place. Et si les conditions de la montagne se mettent en plus contre nous, on en tire des récits mémorables, que les autres vous resserviront longtemps, et qui ajouteront à votre image de taré, et de non fréquentable. Bref, vous vouliez faire du social et vous avez complètement foiré. Je me souviens ainsi de la voie normale de la Meije, avec celle qui deviendra deux ans plus tard mon épouse (comme quoi il y a des exceptions). Partis en mai sur cette jolie voie, mythique mais un peu difficile ( cotée AD+ ), voilà qu’il se met à neiger dans la nuit alors que nous sommes au refuge du Promontoire. Au matin les guides décident de faire demi-tour avec leurs clients, et nous restons deux cordées à vouloir tenter le coup. La montagne est bien plâtrée , c’est superbe. Nous passons tranquillement le crapaud puis descendons dans le couloir Duhamel. Tout est blanc, et le problème de ce couloir c’est qu’il est bien lisse. Même par bonnes conditions on peut vite chauffer un peu sur les dalles souvent mouillées, et surtout, il est très difficile d’y poser des protections. Alors quand les dalles sont enneigées, ça devient du patinage artistique. Je monte donc avec précaution, ma dulcinée étant derrière et les relais médiocres. À un moment je me retrouve coincé entre deux dalles superposées, bien lisses. Je n’ai pas mis de protection depuis vingt mètres et ne suis plus du tout dans l’axe. J’arrive à placer un petit friend et m’y vache dessus. J’ai repéré, une dizaine de mètres à droite et à ma hauteur, un endroit où poser un relais pas mal. Mon idée c’est donc de faire monter ma coéquipière à cet endroit, qu’elle y pose un vrai relais, puis que je la rejoigne pour reprendre dans l’axe de la voie et sortir du couloir. Seulement, si je l’ai déjà emmenée en falaise école, elle n’a jamais utilisé de coinceur , ni jamais posé un relais. Je dois donc vite abandonner l’idée devant ses justes récriminations et je me lance dans une traversée abo pour y aller moi, à ce relais, après avoir, avec un gros nœud à l’estomac, enlevé mon petit friend , le seul de la longueur. Nous finissons par sortir du couloir. L’autre cordée nous rejoint, après avoir contourné le couloir, et sur la plateforme qui marque la fin de ce passage, nous faisons semblant de nous poser la question de continuer ou pas. En bon montagnard je fais mine d’être déçu de ne pas continuer avec un truc du genre: " j’aimerais bien continuer mais c’est enneigé et c’est un peu difficile pour toi ". Puis nous redescendons tous. Heureusement, tout le monde n’est pas refroidi par les fous, et nous retournerons l’année suivante dans quelques galères de ce type avec ma future épouse.
Il y a ainsi des amis que je n’ai jamais revu mais il y en a aussi qui ont l’esprit plus ouvert. Il faut donc que je parle de Herman, qui après une galère bien pire, alors que je faisais amende honorable de l’avoir entraîné dans un piège redoutable, me répondit des années plus tard
- " Non ça ne m’a pas choqué, je pensais que c’était ça la montagne. "
Une tempête de neige à quatre mille mètres, en avril, sur un itinéraire technique, huit heures de combat, puis une descente de la vallée blanche à skis avec des enclumes aux pieds, un sac à dos énorme, pour quelqu’un qui n’avait jamais mis de crampons, jamais fait de montagne et n’avait plus skié depuis l’âge de sept ans, il fallait vraiment qu’il soit ouvert d’esprit! Encore une fois, les deux choses dont j’ai parlé au départ de ce chapitre se sont mises dans l’engrenage, mais cela avait encore été exacerbé par un projet né d’une frustration. Les copains venaient de monter une expédition au Chili, et je n’en étais pas; il n’y avait plus de place. Imaginez ce que les Andes ou l’Himalaya peuvent causer dans l’imaginaire d’un alpiniste. Et moi qui voulais faire l’Everest sans oxygène par la voie la plus dure, en solitaire et pendant la mousson! J’avais enfin l’occasion de me frotter à l’altitude, aux grande ascensions, les copains y allaient, mais pas moi! Mon humeur était sombre. Aussi je mis sur pied un projet de mon côté. Il me fallait pour cela un compagnon de cordée, pour m’assurer. Peu importait, le premier qui disait oui ferait l’affaire. Ce fut Herman. À l’époque il fut effectivement le premier qui passait et qui avait dit oui, mais aujourd’hui c’est devenu un très bon ami, justement par les aventures que nous allions vivre. Comme quoi, des fois, on fait tout de travers mais ça fonctionne la socialisation. Dans son cas, j’étais juste bien tombé. Après notre expérience boliviano-corse, il allait devenir un gros psychopathe lui aussi, et nous allions former avec JoDi et lui, la célèbre équipe des " tontons ", le psykopattour . Ne cherchez toutefois pas sur internet, on était célèbres seulement pour les gens qui nous fréquentaient encore et qui nous ont ainsi baptisés. Herman, alors juste un gars de mon école à Grenoble (j’avais repris des études pour ne pas finir vendeur), sachant que j’allais en montagne m’avait proposé plusieurs fois de l’accompagner en randonnée avec un pote à lui. Autant dire que je refusai poliment à chaque fois, car la montagne pour eux c’était le terrien du début du livre, celui qui va se promener dans les alpages. Et moi je surplombais encore beaucoup à cette époque. Puis une fois, alors qu’ils allaient faire un petit circuit un peu technique j’acceptai, bourrant mon sac à dos d’une dizaine de litres d’eau pour ne pas sortir pour rien. Lorsque je me mis donc à chercher un compagnon de cordée pour aller faire l’Everest, je repensai ainsi à Herman. Il dit oui rapidement, avec un petit deal à la clé:
- " Je t’accompagne mais avant on va faire le GR20 en Corse. " me dit-il.
Il avait tenté ce célèbre chemin de randonnée l’année précédente avec un couple d’amis, mais la copine de son meilleur copain du moment avait fini par abandonner et avait presque monté les deux copains l’un contre l’autre. Du coup ils étaient revenus sans finir le GR, et Herman avait envie de réessayer l’aventure. J’acceptai rapidement, le GR20 était une formalité pour moi, et j’y gagnais la clé pour ma première expédition. Je me mis donc en quête d’un projet d’ascension prestigieuse. Très rapidement j’abandonnai l’Himalaya; payer pour grimper m’a toujours semblé aberrant et à l’opposé de ma conception de la montagne; je choisis les Andes. Ce fut la Bolivie pour la gentillesse supposée de ses habitants, la fréquentation quasi nulle de ses sommets et le faible coût de la vie pour un européen là bas (nous étions encore étudiants). J’y projetais le Huayna Potosi, le Sajama et l’Illimani, il fallait donc que j’aguerrisse rapidement Herman. Le GR20 en avril fut effectivement une formalité pour moi, mais une grande aventure pour nous deux, de laquelle Herman est ressorti comblé. Je dois reconnaître que même si ce n’était pas la montagne que je voulais, ces deux semaines corses me laissent un très bon souvenir. Nous avions des gros sacs à dos car nous voulions du confort et que j’avais présenté cela comme un entraînement pour la Bolivie à Herman. Aussi ne trouvions nous aucun lyophilisé dans nos sacs mais des pots de confiture, de Nutella, du beurre pour le matin, des pâtes et du riz pour le soir, du fromage et du saucisson pour les pauses, rien que du bon pour le moral. Les sacs étaient donc bien pesants, et pour nous aider dans notre entraînement, la nature nous envoya douze jours de mauvais temps sur les quatorze que nous avons mis pour finir ce GR20. De la pluie au début et vers la fin, de la neige dans les passages réputés techniques. Sans équipement adéquat (oui c’est une tradition) j’ai donc taillé des marches dans la neige pour monter en baskets à certains cols, Herman suivant sans jamais se plaindre. Pour ne pas mouiller notre seul pantalon nous montions sous la neige en short, et le soir nous nous réchauffions les mains sur le réchaud à gaz, pendions les chaussettes mouillées au dessus. Les refuges étaient souvent fermés mais nous trouvions à chaque fois un moyen d’y entrer. C’était une question de survie, nous n’avions pas pris de tente. Seuls les deux derniers jours furent ensoleillés, et Herman était fier d’avoir bouclé son projet malgré des conditions épouvantables pour le commun des mortels. Durant ces deux semaines une personne était morte de froid sur l’itinéraire, et un jour nous y avions croisé un type seulement vêtu d’un slip et d’un parapluie, qui redescendait vers nous en criant:
- " Il y a un torrent infranchissable, faites demi-tour! "
Bref, c’était une grosse ambiance. Puis les choses sérieuses commencèrent:
- " Bon, Herman, il faut absolument qu’on aille en montagne avant de partir en Bolivie. Il faut au moins que tu mettes les crampons ".
Ce fût l’arête des cosmiques à l’Aiguille du Midi, fin avril. Herman n’était jamais monté à cette altitude, mais les Andes c’était encore autre chose, donc cet objectif me paru le moins qu’on puisse faire. L’itinéraire comportait des passages rocheux, des passages de neige/glace, des descentes en rappel, le condensé idéal de la montagne. Il ne manquait que la tempête pour avoir la totale, heureusement la nature a été généreuse. Lorsque nous attaquâmes l’arête, le ciel blanchissait certes, mais je ne supposais pas que deux heurs plus tard ce serait la cousse, comme l’appellent les chamoniards. On monte donc tranquille, avant de tomber sur une cordée qui semble perdue. Les deux gars ne sont pas convaincus qu’il faille tirer un rappel, à l’endroit ou tout le monde tire le premier de la course. Ils ne doivent pas connaître (moi non plus mais je ne dis rien, d’autant que j’ai toujours eu un sens de l’itinéraire assez bon) et il n’y a personne d’autre sur la montagne. Je prends donc les devants et la neige également. Il commence à neiger doucement, et lorsque nous arrivons sous le passage rocheux technique, celui qui est couronné par une boîte aux lettres , il neige franchement et nous brassons déjà jusqu’à mi-mollet. La cordée que nous avons récupérée ne nous lâche pas d’une vibram , mais ne nous aide en rien. Je me lance donc dans le passage clé de la voie, un bête mur en 4+ qui se termine par la susdite boîte aux lettres . Seulement, avec la neige, je ne vois rien, tout est blanc, le ciel comme le rocher, et je ne trouve aucune prise tant que je n’ai pas nettoyé la roche avec mes gants. Je finis par forcer le passage et installe un bon relais. Lorsque je regarde en bas pour appeler Herman, je ne vois tout d’abord personne. J’appelle et des tas de neige se mettent à bouger: Herman et la cordée suiveuse. Le temps que je passe ce petit mur, Herman avait pris 20 cm de neige sur lui, et comme il était enfermé dans ses pensées, il n’avait pas pensé à bouger pour s’épousseter. On finit la course sous une tempête digne de mes livres d’enfance, et nous redescendons pour rejoindre l’abri Godeffroy Perroux, un cinq étoiles du massif. Pour cela il nous faut retraverser sous l’aiguille du midi, nous brassons jusqu’à mi-cuisse. Huit heures après en être partis, nous sommes donc contents de retrouver cette jolie cabane tout confort (pour les connaisseurs…). Le lendemain j’avais projeté de monter vers le col de Toule en ski de rando, puis de rejoindre des copains à midi pour descendre à ski par la vallée blanche. À sept heures je me réveille et commence à déjeuner, sans faire de bruit, Herman dormant comme un bébé. À huit heures je fais un peu de bruit pour qu’il se réveille; rien. À neuf heures je le secoue dans tous les sens et il finit par ouvrir un œil.
-
" Allez Herman, faut qu’on y aille, c’est tard! "
-
" Vas-y sans moi, je suis cuit, il faut que je dorme. "
Je vais donc faire mon petit sommet à ski tout seul, puis reviens à 11h. Herman dort toujours et cette fois je ne l’écoute plus:
- " Debout, on y va! "
Je l’aide à faire son sac et le pousse sur les skis, mes premiers skis. Des Boivin d’un mètre quatre-vingt-dix, avec des 404 en fixations et des TR9 en chaussures, les connaisseurs s’émerveilleront devant la légèreté du matériel, et son adéquation parfaite au débutant complet qu’était Herman. Si on ajoute à ça que nous n’allions pas descendre une piste verte en station, mais la vallée blanche et ses crevasses, vous aurez le panorama complet. Ah oui, j’oubliais, le sac à dos fait environ vingt kilos. Nous partons donc, et au bout de deux minutes, Herman a déjà cinq minutes de retard. En fait il n’arrive pas à tourner, et tombe à chaque fois qu’il essaye. Je lui prends donc un peu de matériel pour alléger son sac. Une fois, deux fois, trois fois, j’ai quasiment tout le contenu de son sac accroché au mien, mais il ne s’améliore pas dans les virages. Il est midi et je dois aller prévenir les copains qui nous attendent au refuge du Requin, nous n’avons pas encore de portable sur nous. Je laisse donc Herman et lui dis que je le récupère au dessus de la partie raide. Cette partie raide, qui se situe au niveau du Requin, est non seulement raide, mais aussi glacée et très crevassée. J’explique donc bien à Herman qu’il doit m’attendre en haut de ce passage, où je l’encorderai. Je fonce au refuge et préviens les copains. Comme Herman est loin derrière, j’ai le temps de tailler la bavette et de siroter une bière. Lorsque je le verrai arriver au dessus du passage, je foncerai le rejoindre. Le temps passe et je ne vois toujours pas de Herman. J’attends, on attend, et au bout d’une heure je commence à croire qu’il s’est mis dans une crevasse. Je pars donc du refuge et me poste en haut du passage raide pour scruter les skieurs, nombreux. Ne voyant pas Herman, je décide de descendre et de bien regarder si personne n’est en train de crier ou de contempler une crevasse. J’arrive au pied du passage, dans une zone immense et plate, et là je découvre enfin Herman, qui n’avait pas compris mon message et était descendu tout seul dans le passage raide et glacé; Boivin aux pieds! Je me demande toujours comment il a fait au vu de ce qu’il m’avait montré le premier quart d’heure de la journée. J’avoue qu’à ce moment là j’ai quand même soufflé très fort, il était vivant, en un seul morceau. Il était juste cuit, et la remontée au Montenvers fut éprouvante pour lui, mais à aucun moment il ne s’est plaît, ne s’est découragé, n’a même esquissé un air de reproche. Avec lui, la Bolivie promettait d’être agréable, même si il fallait certainement revoir les objectifs.
Boîte aux lettres : un passage type " trou " dans la roche, dans lequel en général il faut passer, mais où il vaut mieux être fin, et où le sac à dos est très embêtant.
Canyoning : C’est un peu le contraire de l’alpinisme: on monte par une voie facile et on redescend par une voie difficile. Se pratique la plupart du temps en combinaison néoprène, puisqu’il s’agit de descendre des torrents de montagne, en sautant, glissant ou en faisant des rappels. Certains guides oublient parfois les combinaisons à la maison et les clients ont alors les lèvres toutes violettes.
Cheminée : Ben oui, tout le monde le sait, les savoyards ça traîne depuis des générations dans les cheminées parisiennes, mais pas que. En montagne aussi on trouve des cheminées dans les parois rocheuses. En général ce sont des cheminées à 3 pans, sinon on ne rentrerait pas dedans. Elles peuvent fumer aussi un peu, mais en général c’est qu’il y a un alpiniste qui en bave dedans. On y grimpe en renfougne .
Faire du social : Un passage souvent obligé pour l’alpiniste non célibataire ou dont l’entourage ne comprend pas son attirance pour l’inhospitalier. Quand on fait du social, on ne va pas en montagne, on calme le jeu pour essayer de ne pas se retrouver rapidement célibataire ou mis au ban de sa famille et donc de la société. On achète ainsi quelques points pour ne pas être en négatif, et pouvoir repartir le plus vite possible là-haut. Avec Ben, le social c’était un week-end sur trois. On essayait le plus possible de faire coïncider social et mauvais temps, ou plutôt on évitait de faire du social les week-ends où les conditions étaient au top en montagne. Malgré notre discrétion cela a fini par se voir, et il s’est retrouvé divorcé.
Faire le saucisson : Ne pas conclure trop vite que le saucisson est le couillon qu’on promène. On fait parfois le saucisson quand on est cuit, blessé, ou que la voie est trop difficile et que l’autre est en pleine mutation. En clair, c’est celui qui pendouille en bout de corde, comme un saucisson en cave.
Imper-respirant : Mot valise servant à qualifier les qualités d’un vêtement: imperméable et respirant à la fois, grâce à un diamètre de trous bien calculé. La pluie ne rentre pas, mais la sueur s’évacue. Un k-way n’est pas imper-respirant.
Plâtré : Imaginez un mur qu’on vient de plâtrer, ou la tenue du bricoleur du dimanche après avoir plâtré toute la journée. C’est pareil en montagne lorsqu’il a beaucoup neigé, ou lorsque les conditions font que la neige a collé aux parois. La montagne est alors toute blanche et en général impraticable avant que le soleil fasse disparaître tout ça.
Promène couillon : À ne pas confondre avec faire du social ou faire le saucisson . On fait du promène couillon quand on emmène en montagne quelqu’un qui n’y connaît rien, qui n’avance pas. En général soit le premier est un vrai de vrai et il se fait chier comme un rat mort, soit c’est un altruiste. Il est des cas particuliers ou faire du promène couillon est le passage obligé et très rentable pour aller un peu plus loin avec une personne qu’on voudrait bien mettre dans son lit. Et oui, il faut savoir donner de soi parfois.
Renfougne : En gros, ramper en se traînant lamentablement dans une cheminée ou une fissure assez large pour qu’on y rentre le corps en entier. On y coince notre corps et grâce aux frottements on monte petit à petit, en laissant des morceaux de sac à dos et de veste, mais aussi de peau parfois.
Vibram : Type de gomme qui équipe à peu près toutes les semelles des chaussures de montagne. Mise au point dans les années trente, ce fut une révolution par son adhérence. Elle équipait aussi les premiers chaussons d’escalade. Si aujourd’hui on ne l’utilise plus beaucoup pour les chaussons, elle est quasi incontournable sur les grosses .
Je suis toujours aussi fan, continue !
VII - A la cool - Bières, musiques et charentaises
On imagine souvent les alpinistes comme des gens hyper sportifs, fanatiques de diététique, se préparant avec soin pour toutes leurs ascensions, n’en croyez rien. Certes sur les gros objectifs on peut s’approcher de ce tableau, mais dans la plupart des cas, les montagnards sont surtout des bons vivants qui ne rechignent jamais devant une soirée bières cahuètes. C’est juste que souvent ils ne la font pas au même endroit que les autres, et dans le cas contraire ils ne diront rien de ce qu’ils projettent le lendemain pour ne pas passer, une fois de plus, pour des dingues. C’est un régime qui fonctionne très bien car non seulement les cahuètes sont pleines d’énergie, mais surtout ça vous donne un joyeux moral. Or rien de tel que la joie et l’insouciance pour profiter de la montagne et être performant. Fort de multiples tests concluants j’ai un jour essayé de promouvoir le régime bières et cacahuètes sur un forum de trailer parlant de diététique. Je n’ai convaincu personne alors que dans la pratique cela fonctionne très bien. Mais les trailers sont des gens bizarres, eux ne sont vraiment pas détendus.
L’un de mes meilleurs souvenirs à ce sujet c’est la Barre des Écrins, avec JoDi. La veille nous avions fêté l’anniversaire de Herman (celui de la Bolivie) en ne faisant honneur qu’à la bière et aux cacahuètes. Un régime de base très performant je l’ai dit, car comportant énormément de calories. Nous nous étions éclipsés vers minuit car nous devions partir à deux heures du matin pour faire la Barre des Écrins à ski. Très joli itinéraire à ski, mais un peu raide et exposé par endroits, et relativement long à la journée. Cependant c’était une course phare pour nous, que nous programmions presque chaque année. Nous dormons donc environ une heure et demie d’un sommeil de poivrot et nous réveillons à 1h50. Bien organisés, dix minutes suffisent pour se préparer le matin. On fait chauffer le thé qu’on fourre dans un thermos, on tartine quelques tranches de pain, et on met tout ça sous le bras. Le passager organise alors le petit déjeuner dans la voiture. Nous reprenions souvent à notre compte le slogan de l’époque: « des voitures à vivre ». Effectivement, nous vivions dedans, mangions et dormions dedans, pour ne parler que du publiable. Mon épouse se souviendra par exemple de notre premier nouvel an, passé dans le coffre de ma 306, avec foie gras, s’il vous plaît, offert par son employeur d’alors, merci Paulo. À peine sortis de ma rue, nous croisons une bagnole de flics dans les rues désertes de Grenoble. Comme nous étions encore à un gramme, nous avions oubliés de mettre nos phares et nous apercevant de tout cela dans la même fraction de seconde, il ne nous restait plus qu’à serrer les fesses. Heureusement, grâce peut-être à l’absence de phares, les flics ne nous voient pas. À trois heures et demie nous posons la voiture à La Bérarde. Il fait froid et surtout, on n’a pas faim, brassés par la bière et les cacahuètes; qui fermentent, c’est bien connu. On met les skis sur le dos et on commence l’ascension, il reste 2400 mètres de dénivelé… Au bout d’une heure je dois m’arrêter pour vider mes intestins, et dix minutes plus tard c’est au tour de JoDi de vidanger par le haut cette fois, les restes de l’anniversaire. Arrivés au pied du col des Écrins, un des passages raides de la journée, ça va mieux, on est enfin réveillés. Preuve de la performance du régime bière-cahuètes, je remonte les quatre cents mètres du couloir, ski sur le dos, en faisant la trace avec de la neige à mi-mollet, en à peine plus de vingt-cinq minutes, sortant le haut en pointes avant sur la glace avec mes crampons alu. Je pète la forme et arrive pour une fois (quasi la seule de ma vie) à larguer JoDi. Contrecoup de l’euphorie, c’est le seul problème du régime, j’ai laissé pas mal de plumes dans ce couloir, et je vais ramer sur les huit cents mètres restants, JoDi naviguant loin au dessus de moi. Nous sommes heureux d’arriver en haut de cette barre, et l’euphorie ne m’ayant pas quitté, j’en perds un bâton qui part droit dans la pente. Skier dans du 50 degrés avec un seul bâton, ça réveille. Clin d’œil de mon histoire personnelle, l’année précédente, juste à côté, sur le Dôme des Écrins, c’est un ski que j’avais laissé partir dans la pente; à cause du fameux k-way dans lequel je m’étais tellement caillé pendant les quinze minutes de pause au sommet, que je tremblais de tout mon corps, ce qui n’aide pas à chausser correctement des skis. Mais encore une fois, tout se passe bien, et nous redescendons les 2400 mètres de l’itinéraire le sourire aux lèvres.
Autre croyance: les alpinistes sont des pisse-froids qui ne savent pas s’amuser. On peut le penser quand on ne connaît pas cette autre spécialité montagnarde, les soirées hurlements et grognements. En clair faire une rave-party en montagne. Ce n’est pas forcément sympa pour le voisinage mais justement, nous allions dans des endroits où il n’y a pas de voisinage humain. Ce genre de soirée est tout à fait dans nos cordes, car en plus de la fête il y a tout le défi technique: monter un groupe électrogène et des grosses baffles dans des coins paumés c’est du sport, skier à 3 grammes est très formateur également, tomber par malchance sur une cabane déjà occupée et sortir le caquelon à fondue devant des culs pincés tournant au lyophilisé, ça force à la socialisation. Vous me croyez méchant quand je parle de culs-pincés? Certainement, en surface, mais sur le fond, je n’ai jamais compris cette mode du lyophilisé. Comme si c’était un gage de réussite en montagne. L’essentiel c’est le moral, alors un bon saucisson et du fromage c’est bien mieux que des lyophilisés tous avec le même goût de conservateur, qui en plus sont très peu caloriques. Mais cela ne serait rien si la plupart de leurs utilisateurs ne pensaient pas que c’est la seule alternative en montagne et qu’ils ne nous regardaient pas à chaque fois comme de dangereux allumés, ou pire encore, comme des amateurs.
Une dernière pour finir de casser l’image: Phil. Lui n’était pas trop dans le régime bières cahuètes, mais dans le pétard charentaises. Quand nous allions grimper dans le sud, il s’en roulait un régulièrement en m’assurant, ce qui me donnait parfois quelques sueurs froides quand le dernier point était loin et que le passage était difficile. Mais sa spécialité c’était la grimpe en charentaises, oui, oui, les chaussons fourrés. Il a découvert pas mal de sites autour de chez lui et ouvert bon nombre de voies, dans lesquelles il était content de m’envoyer pour s’assurer des cotations mais aussi parce qu’il aimait partager ses créations. Et dans ses créations, pour s’échauffer, il grimpait en charentaises jusqu’au 6c, voies dans lesquelles je galérais déjà en chaussons d’escalade. Lui grimpait en chaussons tout court, et encore, pas des chaussons précis, des charentaises. Certes, il grimpait dans du 8a à l’époque, mais cela m’impressionnait quand même. Quand il était chaud il passait au 7 et j’essayais de suivre, en second souvent. Il aimait bien aussi apporter une petite touche surprise dans ses voies. Je me souviens notamment de " L 'abeille coule " une contrepèterie en 6c que j’ai compris à moitié à la montée puis en entier une fois en bas devant le bonhomme hilare. Il m’a en effet expliqué la contrepèterie à côté de laquelle j’étais passé, et à la montée j’ai compris pourquoi il était question d’abeilles. Sa voie passait juste à côté d’un nid d’abeilles sauvages. Il fallait donc grimper très doucement et délicatement pour ne pas énerver les jolis bébêtes. Évidemment, tout ça il ne le disait pas quand il t’envoyait dans la voie.
Bref, vous l’aurez compris, il y a de la nostalgie et de la provocation dans tout ça, mais l’important était de ne surtout pas se prendre au sérieux et de moquer ceux qui l’étaient trop. De savoir qu’on faisait des choses hors du commun et n’en concevoir aucune estime, au contraire. Vivre ces exceptions comme la normalité et la présenter comme telle. De montrer que c’était possible et que pour y arriver il suffisait d’oser y aller, d’oser simplement le penser. Aucune surprise là dedans, lisez l’histoire de l’escalade moderne et vous verrez que les plus grands activistes dans l’escalade ou la montagne étaient dans un courant punk plutôt que conventionnel. Je l’ai dit précédemment " il y avait du punk dans ces années là " et je pense que l’essence du montagnard est là. Bousculer les conventions et les limites, savoir que tout ce qu’on fait est dérisoire, vivre intensément, refuser l’artifice, ne pas croire que nos rêves sont inaccessibles, au contraire, les tester. Bref, les attributs de la jeunesse, ceux que presque tout le monde perd en passant dans le monde adulte. Et justement, cela nous le refusions. Tout le reste nous ne le voyions que comme conventions et artifices, ce qui nous rendait certes un peu arrogant, pas dans notre accueil, mais dans notre jugement intérieur. Les autres étaient des pisse-froids, fades, sans vie. Il faut pardonner cela, nous étions jeunes, pas tant d’âge que d’expérience.
Réversible : Grimper en réversible cela veut dire que chaque membre de la cordée grimpe alternativement en tête et en second . En clair, c’est chacun son tour, tout le monde bosse. Remarquons que chez les russes, qui ont une autre conception du leadership, c’est le plus expérimenté qui grimpe en tête, tout le temps. Les autres restent en second, tout le temps. Pas de réversible en Russie classique.
Second : Celui qui grimpe détendu en général. Le risque de chute longue pour lui étant souvent négligeable, il profite du paysage et trouve les passages jolis et faciles, ce qui énerve parfois le leader (ou premier), sauf en réversible , car dans ce cas c’est chacun son tour et on évite de faire le cake quand on sait qu’on y va en tête juste après. Il n’est pas deuxième mais second, notez bien, même si on est trois sur la corde. Dans ce cas là il y a deux seconds, car ils arrivent ex-aequo. Si le second ne prend jamais la tête, il fait le saucisson , et le premier peut faire du promène couillon . Dans le cas contraire la cordée est dite réversible .
Encore … on dirait du livanos
Merci de cette tirade dans laquelle on doit être pas mal à se retrouver!
C’est bien sympa à lire, continue !
Bonjour à vous tous qui suivez les heurs qui ont défini mon chemin; Je suis fier de vous qui vous accrochez à mes lignes parfois brutales, sans assurance aucune, mais avec connivence pour certains je le sais, qui revivent leurs heurs à eux, d’autant plus résonnants quand ils ne furent pas raisonnables.
Toute bonne chose ayant une fin, il parait (quel est le con qui nous a fait un projet de société pareil?), je risque plutôt de vous laisser un peu sur votre faim en n’ayant pas encore écrit la fin de ce livre. Est-ce une bonne chose?
C’est donc là que j’en appelle à vous! Eh oui il je ne laisse pas le lecteur s’encroûter au fond de son conapt avec son cocalfol entre les mains (référence pour les aficionados )
Sachant qu’il me faut quelques jours pleins pour finir correctement ce bouquin, qu’il m’en faudra encore d’autres pour relire, mettre en forme et amender (avec des produits bio, clin d’œil sémantique) et que je souhaite mettre des photos et des commentaires en plus; d’une part.
Que d’autre part j’ai encore une dizaine de livres en attente parce que j’aime ça mais que ce n’est pas mon métier et que je n’ai donc pas le temps de faire les choses bien.
Je me pose la question de faire de « la montagne c’est rigolo » un vrai bouquin à poser chez mon libraire, en autonomie complète sans assurance, pour tester l’aventure en grandeur nature. Avec l’espoir secret (ah mince maintenant ce n’est plus secret) que si ça marche un peu ça me motivera à finir les autres.
Et pour cela il faut que je sache la réponse à ces deux points cruxiaux: « ils le vendent ça? » (référence facile; si un mec avec une salopette, qui fait de l’autostop) et, pour inverser une autre de ses tirades (au gars en salopette, suivez): « suffirait-il que les gens l’achètent pour que ça se vende »?
Alors en clair, si vous pensez que ça vaut le coup d’éditer pour de vrai ce bouquin (il reste quatre chapitres), avec des photos, dites le moi. Et si vous pensez le contraire dites le moi aussi, je ne suis pas modérateur je ne vous punirais pas
Renseignements pris ça se vend 14,95€ ce genre de truc (ouais un peu cher aussi je trouve mais les frais d’édition sur micro tirage c’est pas donné, sauf si vous avez une famille très nombreuse, genre 5000 personnes, là les coûts diminuent, pensez-y à la prochaine cousinade).
Et au cas où ça vous intéresse vous mais que vous pensez que ça n’intéressera pas grand monde, est-ce que ça vous intéresse d’avoir la version papier (là ce sera pas 14,95€, ça peut être genre un pdf imprimable, faut que je regarde).
Bon et pour ne pas vous embêter trop, parce que vous n’êtes pas venus là pour résoudre mes problèmes mais pour en rigoler, j’essaye de vous mettre le chapitre suivant très rapidement en ligne (je suis bien occupé cette semaine)
Merci
Bien sûr, ça n’engage que moi (la réponse) :
Est-ce intéressant : Oui
Achéterai-je un PDF : Jamais
Même question avec un vrai livre : ça dépend (cb de pages, quelles photos, quel prix, …) faut en savoir un peu plus mais à priori, ne serait-ce qu’en soutien (et parce qu’on l’a déjà lu … c’est pas bien la vente forcée), j’en prendrais peut-être bien 1 pour moi et 1 pour offrir (mais ça dépend des réponses aux questions ci-dessus)
Les petits bouquins rouges de chez Guerin sont pas très chers et souvent bien. Ils doivent se vendre très bien
YAPUKA faire pareil …
Merci pour le boulot en tous cas
Merci pour ton retour, je suis de toute façon un irrémédiable neuneu du commerce donc tu ne risques pas la vente forcée
Et en plus je suis un feignant donc je ne vais pas me casser pour vendre quoi que ce soit. Comme promis je mets ce que j’ai écrit en l’état sur camptocamp et je m’arrêterai au prochain chapitre (oh non! c’est déjà fini?!). Et quand j’aurai fait le point avec moi même je vois si je passe à l’étape supérieure du vrai bouquin qui demande un vrai travail supplémentaire.
Et donc comme promis, juste dans les temps!
VIII - La mort comme métier? - Devenir guide.
Quand on a lu tout ça, on se dit que des gars comme ça, heureusement qu’ils font ça entre eux. Et bien figurez vous que c’est loin d’être le cas! Une bonne partie d’entre eux veut un jour emmener de parfaits débutants dans ces galères. Pas toujours parce qu’ils sont devenus sociables et qu’ils veulent partager leur passion comme on a la facilité de le dire, mais souvent parce que cela fait une bonne excuse pour être tout le temps en montagne, et en gagnant de l’argent en plus. Que demander de mieux? Être payé pour vivre sa folie, cela semble le pied. Évidemment, ceux qui pensent cela déchantent vite, le métier de guide, ce n’est pas vraiment ça, mais c’est assez souvent ainsi qu’on franchit le pas. Pour ma part j’ai voulu devenir guide pour l’aura. Et j’ai appris plus tard que je n’étais pas le seul à avoir cette motivation. Comme quoi, on imagine toujours des motivations aux gens, qui ne sont pas les bonnes. Un ami, ancien guide, tout cassé, m’avait ainsi raconté son entrée dans le métier. Pas très bon à l’école, en opposition constante avec un père autoritaire, devenir guide fut pour lui une revanche et l’achat de sa respectabilité devant son père. Comme il le disait lui-même, en devenant guide, je devenais un " monsieur ". Cette idée m’a poursuivi pendant vingt-cinq ans. D’innombrables années à viser cet objectif, à le toucher du doigt parfois, puis tout s’est évanoui d’un coup. Finalement, ce qui me plaisait en montagne, c’était d’ouvrir des itinéraires avec les copains, de rêver les ascensions avant de les réaliser, de les savourer une fois rentré à la maison. Pas besoin de devenir guide pour ça, au contraire. L’âge fut un facteur important du renoncement au rêve; à chaque sortie en altitude dans les Andes j’avais de plus en plus souvent mal à la tête et surtout, je n’arrivais plus à dormir sous une tente. Comment se faire plaisir en amenant des gens sur des itinéraires éculés dans ces conditions? Un autre élément important de cette prise de conscience que ce métier n’était pas pour moi: la responsabilité vis à vis du client. Cette brique là fut posée dans mon esprit suite à une sortie de routine au Mururata, en Bolivie. À cette époque j’emmenais souvent des copains, faisant office de guide gratuit, et chaque sortie me confortait dans l’idée que ce métier était jouable pour moi. Même certaines galères, une fois passées, m’enfonçaient chaque fois un peu plus dans cette conviction tenace. Par exemple cette ascension de l’Illampu avec un collègue de travail qui n’avait jamais fait du raide, ni de rappel, ni de glace. L’Illampu fait partie de ce type d’ascensions qui expriment à mon sens l’essence du métier de guide, et mener ce genre d’expédition de bout en bout, de manière éthique et satisfaisante, me remplissait de certitudes quant à mes compétences de guide. Pourquoi? Parce que dans ces conditions on se trouve aux origines du métier. Une approche assez longue par des pistes médiocres, puis l’utilisation de mules et de porteurs pour faire les approches. D’abord au camp de base, puis au camp d’altitude, une ascension qui se fait en trois à six jours suivant les groupes, un itinéraire très peu parcouru et inconnu du guide. Cela signifie gérer l’intendance, cuisiner pour ses clients, installer les camps, sentir l’itinéraire. Une autre caractéristique forte, l’isolement. Pas de secours héliporté en Bolivie, pas de réseau pour appeler en cas de pépin, pas de remontée mécanique pour alléger l’approche, une altitude qui peut compliquer beaucoup de choses. Bref, une charge énorme pour le meneur et la nécessité d’avoir des compétences. Être responsable de tout ça et mener à bien ce type d’ascension, certifie à mon sens que le gars a les qualités requises. Et là, le gars, c’était moi. J’avais déjà fait ça à l’Illimani, à l’Ancohuma, au Huayna Potosi, au Sajama, au Parinacota, au Pequeño Alpamayo, à l’Acotango, des ascensions moins techniques et plus courtes, mais à chaque fois avec des débutants ou des gens seulement un peu " débrouillés ". Presque à chaque fois j’avais amené les gens au sommet, en sécurité, et dans les mauvais cas j’avais imposé la redescente, à cause de la tempête ou de la fatigue par exemple. À l’Illampu on avait tout ça et une ascension technique à la clé, de celle où le client ne peut pas se passer de guide. Si le guide défaille, le client ne rentre pas vivant à la maison. J’avais tiré mon " client " deux-cents mètres sous le sommet, après avoir surmonté presque toutes les difficultés. Ne restait plus que la rimaye sommitale. Mais mon gars était cuit. Plus de mille mètres de dénivelé au dessus de 5200 mètres le deuxième jour, quatre-cents mètres de couloir raide pour lui en piolet traction, une longueur de glace en traversée ascendante de soixante-dix mètres, inclinée à soixante-quinze degrés, l’avaient achevé. Il était tard, mon " client " était terrassé par la peur et la redescente se faisait par le même itinéraire. Il n’avait jamais fait de rappel et je ne lui faisais aucune confiance pour redescendre les quatre-cent mètres de couloir en désescaladant. J’allais devoir le mouliner à chaque longueur, avec le problème de faire des relais pour cela, dans une neige des Andes pleine de pénitents, dure en surface, gros sel en profondeur. J’avais tout ça en tête et il fallait donc faire accepter la redescente à mon client, qui savait qu’il ne reviendrait plus jamais sur ce sommet, qu’il aurait été fier d’accrocher à son palmarès, son ascension la plus difficile, trop difficile. Mais deux-cent mètres de dénivelé pour le sommet, à 6200 mètres d’altitude, avec vingt mètres de rimaye verticale à la clé, cela signifiait deux heures de montée. Puis une heure de descente supplémentaire. À ce tarif là, la nuit nous prenait dans le couloir de quatre-cents mètres. Mais je n’eus pas besoin de convaincre, il était soulagé que ça se termine. J’installai le premier rappel pour passer une rimaye de cinq mètres, verticale, qui nous permettait de rejoindre l’arête et d’éviter de repasser à la descente cette longueur de soixante-dix mètres en traversée, très raide, en glace dure, celle qui avait achevé le moral de mon second. Je lui expliquai la manœuvre, l’assurai sur un machard , et passai le premier. Tout se passât bien et en une heure nous rejoignîmes le haut du couloir de quatre-cents mètres. Les choses sérieuses pour moi commençaient. J’essayai de trouver de quoi faire des relais dans les contreforts rocheux mais rien, tout était pourri et nous ne voyions jamais plus de soixante mètres plus bas. Tenter des rappels dans ces conditions était suicidaire. En Europe on trouve souvent des cordelettes, des points déjà installés, qui même si ils sont parfois pourris, indiquent que ça passe par là. Ici rien de rien. Après une demi-heure de repérage j’optai donc pour la désescalade du couloir de neige, malgré la galère que je savais venir. J’installai le premier rappel, sur broches, tout en expliquant à mon second comment faire, car ensuite ce serait à lui de les installer. En effet, je ne faisais que peu confiance à ces broches car je ne trouvais que quelques centimètres de glace au dessus d’une neige gros sel. Et encore, il fallait trouver des plaques de glace. Je n’avais donc pas d’autre choix que de faire passer mon second en premier, ce qui me permettait de contre assurer sur mes piolets. Une fois en bout de corde, à lui de trouver de la glace, de mettre deux broches pour s’assurer, et moi je désescaladai en marche arrière et pour ainsi dire sans assurance, je savais qu’il n’arrêterait jamais une chute. Quatre-cents mètres ainsi, avec des rappels de soixante mètres, ça fait sept occasions de se casser la gueule. D’autant que c’était casse-gueule; les petits pénitents, un coup ça tient, un coup ça casse. Il fallait donc être au top de la vigilance pendant les deux heures que je prévoyais pour franchir cette dernière difficulté de la journée. Et il restait deux heures de jour. Mentalement c’est assez dur, car on sait qu’on ne peut pas compter sur l’autre, et qu’en plus il faut s’en occuper, seul. Il faut donc tout gérer, les manips de cordes, la sécurité autant que faire se peut (ici on est loin des cas d’écoles et le risque est important), la motivation du client, sa fatigue, ses erreurs. Et ça dure: moulinage du second, attente de la mise en place du relais, désescalade merdique, se rattraper sur ses piolets à chaque glissade, rejoindre le client, vérifier les broches, contre assurer; une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, et paf, c’est là qu’arrive l’incident qui aurait pu mener à l’accident. Une des broches du relais saute, mon second part en arrière, heureusement je suis bien calé sur mes jambes et mon assurage à l’épaule est bon. Je ne sais pas vraiment comment, mais avec mon gabarit de sauterelle je le retiens d’un seul bras. La broche pendouille, lui est pendu dans son baudrier. De l’autre main je revisse la broche et le mouline à nouveau. Les trois derniers rappels se passent bien et nous sommes soulagés malgré l’arrivée du noir de prendre pied sur le glacier. Lui assure qu’il ne recommencera plus, qu’il a visé trop haut, trop de peur, moi je suis fier d’avoir géré la situation, et nous nous écroulons dans la tente, cela fait dix-sept heures que nous en sommes partis. Cette année là, une seule cordée est arrivée au sommet à notre connaissance, les guides redoutaient tous la rimaye sommitale avec leurs clients. Pour ma part, j’étais fier d’avoir mené correctement cette expédition. Même si certains peuvent critiquer à la lecture, ils n’y étaient pas pour pouvoir juger, et tous ceux qui ont mené des ascensions dans ces conditions de solitude, d’engagement et d’altitude, savent que nous ne sommes jamais dans les cas d’école, et que le risque y est plus grand que dans les sorties grand public. Avoir conduit ce genre d’aventures me réconfortait donc dans mes compétences, et j’attendais la formation de guide à laquelle j’avais été accepté avec enthousiasme et de plus en plus d’impatience. Psychologiquement c’était aussi gratifiant, puisque mon compagnon, qui était mon supérieur hiérarchique et qui jusque là me considérait comme un collègue de travail, avait depuis dans les yeux un respect, de celui qu’on lit dans un fils pour son père protecteur. Puis il y eût donc le Mururata. Avec deux compagnons nous arrivâmes à nous trouver une journée libre pour aller grimper ce sommet débonnaire mais attirant. Attirant mais d’une longueur monotone infinie. On le voit des alentours de La Paz, belvédère imprenable sur l’Illimani. Mais ce qui frappe en premier tout montagnard, c’est la longueur de son glacier sommital, plusieurs kilomètres presque plats, à parcourir à l’aller et au retour. La promesse d’heures de lassitude. Nous partîmes sous le ciel bleu, nous revînmes sous un orage diluvien. Je vous passe le retour en voiture, une aventure en lui même, entre rios grossis, éboulements et pistes effacées, de nuit. Merci Lada au passage (j’avais une Niva). Mais ce que je retiens surtout c’est la descente, dans la tempête, la tormenta electrica comme ils disent en Bolivie, un terme beaucoup plus parlant. L’un de mes compagnons, celui de l’Illampu, avait déjà été frappé par la foudre l’année précédente en randonnant avec des amis. Aucun signe annonciateur, le ciel s’était chargé, le premier coup de tonnerre fut pour eux. Ils se sont tous retrouvés à terre, sonnés, sans avoir rien compris ni entendu. En altitude, tous les montagnards le savent, la foudre est un danger important, mais je ne l’ai jamais autant vécu que sur ces sommets de 6000 mètres. Ici c’est un problème courant, sans jeu de mots. Au début on est étonné par la peur exagérée de l’orage des locaux. Après quelques expériences on est encore plus froussards qu’eux. Encore une fois j’étais fier d’avoir mené mes compagnons au sommet (enfin on suppose d’après l’altimètre) malgré le brouillard et la neige. On n’y voyait pas à dix mètres, et sur un glacier plat qui fait deux kilomètres de large et quatre de long, qu’on n’a jamais parcouru, c’est une performance. Par précaution, j’avais mis sur mon téléphone quelques points de passage, anticipant un retour encore plus difficile, avec le vent et la neige dans la figure. Arrivés au sommet nous faisons une photo sans aucune visibilité et aussitôt je sens des picotements dans tout le dos. Je sais que les cristaux de neige de tempête peuvent couper et piquer, mais je me demande comment ils peuvent passer au travers de mon coupe-vent, de ma doudoune et de mes sous-vêtements. Cet étonnement est tellement grand que je m’en ouvre auprès de mon " client " de l’Illampu.
- " Toi aussi me répond-il? "
Et dans cette fraction de seconde on comprend. Ce qui pique ce n’est pas la neige, c’est l’électricité statique! L’odeur de métal qui me dérange depuis quelques minutes s’éclaire d’un coup. Tout concorde. On n’a pas entendu un seul coup de tonnerre, ni vu un seul éclair, mais ça pourrait ne pas tarder! Dans ma tête il n’y a plus de " clients " qui tienne, je veux me barrer d’ici en courant et sauve-qui-peut. On encape la descente à toute berzingue, j’enrage intérieurement de la lenteur du deuxième compagnon, très fatigué. On n’y voit rien, nos traces ont complètement disparu, en moins de dix minutes. Je vise mes points GPS mais la fiabilité du téléphone me semble faible. On tourne parfois dix minutes autour d’un point, il passe à droite, à gauche, devant, derrière. Au final je décide de les viser sans chercher à les atteindre, cela nous donne la direction principale, à nous de rester vigilants pour ne pas se mettre dans une crevasse. Lorsqu’on sort du nuage, à cent mètres de dénivelé au dessus du départ du glacier, on est franchement trop à gauche, mais on peut finir à vue. Tout se terminera bien, mais à l’intérieur, quelque chose s’est joué en moi. Être guide est-il compatible avec cette envie d’abandonner des clients dans les moments critiques? Suis-je sûr de préférer la mort déontologique plutôt que sauver ma peau? Cette idée me travaillera en profondeur. En lui ajoutant mes problèmes d’altitude de plus en plus difficiles à supporter, mes nuits insomniaques sous tente, et la responsabilité grandissante envers ma dernière née, j’obtenais un cocktail indigeste. Finalement, être guide c’était mon rêve d’enfant, et toute ma vie j’ai sacrifié le confort à mes rêves, mais ce rêve là n’était-il pas déformé? Au vu de ce qu’il me coûtait depuis des années, de ce qu’il me coûterait assurément, ne devais-je pas pour une fois écouter la raison?
Quand mon épouse fut rappelée en France pour une année et que je me retrouvai seul avec trois enfant à gérer un mois avant de rentrer en formation de guide, la force des choses a décidé pour moi, mais au final, à l’intérieur c’était déjà presque plié. Je regardais ma dernière et je me disais:
- " Est-ce que tu peux lui faire ça? Être absent, mourir peut-être? "
Je l’imaginais sans son papa et c’était très dur à voir. J’étais sa référence, son idole, d’autant que nous vivions sans sa maman. J’étais son parent unique. Tout cela s’est cristallisé en moi, et j’ai su que j’étais arrivé au bout d’un chemin. Peut-être me mettrais-je à boire ou à fumer maintenant que ce rêve ne m’animait plus, mais je choisis malgré tout ce chemin. Et j’en fus apaisé.
Comme je le disais la semaine dernière, voici le dernier chapitre mis en forme et donc mis en ligne ici (faudra que je bosse les autres). Il est super court mais c’est pour annoncer la fin qui est moins axée sur la rigolade.
Bonne lecture et merci à tous ceux qui m’ont fait part de leurs retours.
IX – Interlude
Vous n’avez pas lu le livre d’un héros, ni d’un alpiniste reconnu par le milieu, c’est peut-être son intérêt. La littérature alpine semble en effet souvent le pré carré des stars d’une époque, le nom fait vendre. On veut toujours l’alpiniste du siècle, toujours plus fort, toujours plus fou. Mais encore plus le drame et l’exploit du héros. Pour ma part je préfère reconnaître l’homme dans une histoire plutôt que le héros. Parce que je suis un humain comme les autres, pas un héros. Et puis, on trouvera autant de célébrités que la montagne n’a pas élevées et qui sont restées des imbéciles, que d’amateurs inconnus qui ont vécu des merveilles en montagne, que cette dernière a élevés et forgés, et qui sont devenus des piliers de sagesse et des trésors d’humanité. Entre ces deux extrêmes il y a nous, ceux de ce livre, vous peut-être, qui resterons des inconnus, des gens qui ne laisseront aucun nom dans les voies, mais que la montagne a élevés, a forgés. C’est aussi pour cela que ce livre ne comporte aucune signature et que les noms ont été changés. Et c’est aussi pour cela qu’il figure dans le patrimoine " bien commun ". Alors oui, j’ai un peu menti dans mon prologue, ceux d’entre vous qui ne voulaient que rigoler de bons coups peuvent maintenant fermer ce livre.
Car je n’ai finalement pas voulu arrêter ce récit sur ces anecdotes, la montagne est quand même beaucoup plus qu’un divertissement, elle est toute une partie de ma vie. C’est ma maîtresse à penser, la forge qui m’a sculpté, mon lieu de méditation et l’accoucheuse de ce que je suis aujourd’hui. Et j’ai la certitude que c’est la même chose pour tous les montagnards qui ont donné beaucoup de leur temps et de leur vie à ce monde.
Peut-être qu’après cette lecture, lorsque vous partirez en montagne avec un psychopathe ou même un professionnel — juste un psychopathe légitimé — vous aurez un peu plus peur qu’avant, mais vous saurez que vous partez avec un être bien vivant, et partager de la vie, c’est plus enrichissant que de partager de l’image.
Merci! Je crois qu’on s’est tous régalé avec tes récits.
Je te donne mon avis, car j’ai moi-même fais cette démarche d’auto-édition. C’est vraiment un beau projet et un bel accomplissement, mais cela reste forcement limité en volume (lorsqu’on arrive à quelques centaines d’exemplaires vendus, c’est déjà un beau succés).
Quelle que soit la qualité/l’intêret du bouquin, le vrai facteur limitant les ventes, c’est la quantité de pub que l’on arrive à générer autour du bouquin. Il faut donc user de toutes les possibilités pour faire connaître son ouvrage, aussi modestes soient-elles (radios / journeaux locaux, entourage élargie, sites internet spécialisés, presse spécialisée, festivals, conférences/diaporamas). Si on n’a pas envie de faire ce travail de promotion, le bouquin va rester ultra-confidentiel.
Enfin il faut démarcher le plus possible de librairies, d’abort par mail (taux de retour assez faible mais ne demande pas un gros investissement) et puis ensuite physiquement. Là les libraires sont franchement sympas d’après mon expérience. Je dirais que 80% te prenne quelques bouquins, mais bon c’est très chronophage. Pas testé par téléphone, mais je pense qu’au final, ca embête tout le monde et n’apporte pas grand chose.
Il faut ensuite gérer toutes ces commandes, dépots-ventes, facturations etc… Une belle aventure en soit, mais qu’il faut mener au bout pour que cela vaille la peine.
Evidemment, au vu du temp passé, y’en pas grand chose à gagner (y’a même à perdre si on n’écoule pas assez de bouquins).
Dernière solution (que j’ai également expérimenté): proposer son ouvrage à des éditeurs. C’est difficle de trouver un éditeur, mais qui ne tente rien n’a rien et là par contre, l’investissement personnel de cette démarche est faible. Il n’y a évidemment ici pratiquement rien à gagner non plus, mais cela permet de bénéficier du réseau de distribution de l’éditeur et eventuellement de son réseau de relations pour faire la promotion du bouquin.
Voilà j’espère que cela t’aide dans ta réflexion et merci encore pour tes histoires!
y compris le boulot qui arrive après coup, quand on a envie de passer a autre chose (gestions des retours, paperasse qui arrive toujours trop tard etc…)
c’est comme en montagne, ce qui reste a faire une fois le but atteint est pas forcément le plus agréable
sinon, on peut essayer l’impression a la demande, qui permet de ne pas prendre trop de risques, en commandant par petites ou moyennes quantités:
Merci Elie et François pour votre retour. Je suis en train de défricher tout ça et j’ai quelques pistes d’éditeurs qui proposent des prestations utiles comme l’impression à la demande ou la gestion de l’expédition. Ce qui est déroutant c’est que la majorité me propose un coût d’impression entre 13 et 15€ pour une version livre papier, ce qui fait un prix de vente élevé.
Je creuse encore mais les seules pistes pour le moment pour faire baisser ce prix de revient c’est d’enlever des pages et de passer les photos en noir et blanc ou carrément de les enlever.
Salut Juanito,
Moi, j’ai pris plaisir à lire ton bouquin et je l’achèterai volontiers si tu le publies. Ceci étant, en bon vieux bourgeois (à moins que j’achète tellement peu de bouquins que c’est un poste négligeable… choisis), la qualité de l’impression et des photos, si possible en couleur, m’importe plus que ce que j’aurai à payer. Donc, ce serait je trouve dommage que tu te limites à une impression au rabais.
Maintenant, j’ai un copain qui publie pas mal par le biais d’Amazon (c’est pas bien mais… efficace semble-t-il). Si tu me passes ton numéro en mp, je le lui transmettrai en lui demandant de te contacter pour t’expliquer comment il procède, et combien ça lui coûte, car il me semble que c’est moins cher que ce dont tu parles.
Ça fait chaud au coeur, merci.
Chez tous les éditeurs, Amazon est dans la distribution, c’est devenu la norme. Je suis assez avancé avec Atramentra pour le moment, qui propose des impressions de qualité, mais le prix coûtant tourne à plus de 16€. C’est devenu fou en ce moment, les devis ne sont valables que 15 jours car le prix du papier flambe. Ceci dit j’ai rencontré un imprimeur indépendant qui m’a dit que lui, n’arriverait pas à me faire le boulot à moins de 30€ par livre.
Je découvre ainsi un nouveau monde.
Chez Atramenta ils me disent que ça se distribue mieux en noir et blanc et que de les canaux de distribution sur Amazon sont différents pour les livres couleurs et les N&B. Un nouveau monde vous dis-je.
Moi aussi je trouve dommage de ne pas garder la couleur, donc j’essaye de trouver une solution correcte.
@BP13 je t’envoie un MP.
@Gros Ibex n’est plus malheureusement.
Le lien donné ci-dessus par François donne moins de 7 euros par exemplaire, pour 50+ exemplaires, avec de la couleur dedans, et moins pour des volumes plus importants.
Ils proposent aussi des services optionnels en plus (PAO / Aide à la mise en page, Création artistique), qui ne sont pas nécessairement inutiles : la valeur ajoutée par un éditeur ce n’est pas rien (et même avec un éditeur, l’édition demande beaucoup de travail à un auteur) : l’option minimaliste c’est une édition pour la famille et les amis (niveau d’exigence sur la forme = ce qu’on veut), mais si c’est pour vendre le boulot à prévoir est nettement supérieur.
EDIT : failli oublier !!! Super tes récits ! Déjà prenants sans illustrations, mais comme tu en as et que c’est du vécu, ce serait dommage de ne pas en mettre.
Sur ma simulation chez eux, je suis à 11€. Il y a un peu plus de 200 pages (ouais ça va vite en A5). Et ils ne font que l’impression. Les autres éditeurs se chargent de la mise en vente sur les sites classiques, de la mise sur catalogue chez les libraires, de la mise en ligne sur leur plateforme et éventuellement du format ebook (moi j’aime pas mais je connais des lecteurs qui ne font pus que ça). Même si je n’imagine pas en vendre des tonnes, ça m’arrange que les lecteurs puissent commander en ligne plutôt que de gérer ça moi même.
Je verrai l’autonomie totale sur les prochains livres je vais déjà commencer en falaise équipée plutôt que le terrain d’av direct ici.
Bonjour,
je reviens dans ce topic pour vous tenir au courant des avancées éditoriales de « La montagne c’est rigolo » puisque certains me demandent par MP.
Eh bien, on dirait que ça va se faire! Ca avance petit à petit. Déjà parce que j’ai finalisé le texte (gros boulot quand même), ensuite parce qu’on a trouvé un compromis sympa pour la qualité avec l’éditeur (photos oui, mais N&B avec haute qualité, bien moins couteux que la couleur qui aurait donné un prix de livre de l’ordre de 30€, la faute à l’inflation il paraît…), aussi parce que j’ai le feu vert des copains qui sont mentionnés ou en photo (pas facile non plus de retrouver des copains qui sont éloignés) et enfin parce que j’évite en partie Amazon ou les circuits classiques ou on frise le travail bénévole. Bon faudra quand même que je vende environ 500 bouquin pour que ma femme arrête de me pourrir sur la non rentabilité du bouzin et que je fasse une « opération blanche », à savoir que les ventes couvriront dans ce cas mes dépenses.
Une belle aventure qui pourra servir à d’autres j’espère.
Dès que c’est chaud je vous avertis!