Posté en tant qu’invité par J.Marc:
Je me suis déjà fait allumer pour avoir lancé un sujet connexe (« Panique » et enchaînement, en février) : apparemment il n’est pas du goût de certains qu’on puisse réfléchir en escalade… Mais je n’en ai cure, et je vais te répondre.
Les règles du jeu, à l’heure actuelle, acceptent sans problème qu’on enchaîne dégaines en place, y compris à vue (à condition qu’un autre les ai posées !). La rallonge aussi est acceptée, mais si tu clippe la dégaine inférieure, en principe, tu ne dois pas, une fois monté un peu plus haut, clipper la dégaine supérieure. Sinon, en triplant toutes les dégaines, tu transformerait une escalade en tête, en simple moulinette, toujours assuré du dessus…
Ceci dit, il y a les règles du jeu de la communauté des grimpeurs, qui permettent de parler le même langage : la compétition en falaise existe, il ne faut pas se voiler la face, et il faut bien savoir ce qui se cache sous l’annonce d’une perf. Quand Hirayama à torché Mortal Combat (8b+) à vue, les paires étaient en place ; mais c’est réglo. Et regarde les photos des stars dans les magazines : tu en verras, des dégaines rallongées, voir des sangles.
Et puis il y a tes propres règles que tu vas te fixer pour ton propre jeu : elles vont dépendre de ton rapport à la sécurité (si tu ressents le besoin de clipper la dégaine du haut après avoir clippé celle du bas, fais-le !), et bien sûr de ce qui te procure le plus de satisfactions. Pour ma part, si j’en ai le niveau, je préfère enchaîner en montant les dégaines, surtout à vue. Mais à l’inverse, ça ne me gêne pas de prémousquetonner le premier point en utilisant la voie d’à côté (je tiens à mes chevilles), alors que les règles usuelles n’acceptent que le prémousquetonnage clean (tu enchaîne jusqu’au point, tu clippes, et tu désescalade, tout ça sans repos). Comme quoi c’est très perso et relatif, ces règles (et non une éthique, comme le dis très bien Boris).
Pour les essais : pas très clair, l’usage français. L’idée, en « après travail », c’est qu’une voie est réussie au 3ème essai si tu as effectivement tenté 3 fois de l’enchaîner.
- 1er exemple : tu montes les dégaines, sans tenter d’enchaîner ; puis tu tapes 2 essais infructueux, et enfin tu enchaines : réussite au 3ème essai. La première montée n’a pas été comptée (bien que tu étais a priori « à vue »).
- 2ème exemple : tu moulines 57 fois la voie, tu te lances en tête, tu enchaine : réussite au premier essai…
- 3ème exemple : tu tentes la voie à vue, mais tu échoues ; tu retourne dedans et tu enchaines : si tu es honnête, tu devrais dire réalisation au 2ème essai (2ème tentative d’enchainement) ; l’usage est de parler de réussite au premier essai… certes, il est difficile de juger de l’« intention » d’enchainer à vue, mais je trouve une telle pratique un peu exagérée, et je crois que ce n’est pas le cas dans d’autres pays.
Tout ça pour te dire que le nombre d’essais n’a pas grand sens !
A vue, flash, après-travail, et basta… les récits du style « enchainée dans la journée », ou « réussie après 12 journées de travail » me paraissent relater plus fidèlement l’investissement du grimpeur dans sa voie.
Maintenant, quand je suis sur le caillou, ces réflexions, je les mets au placard, et le « dialogue minéral » peux commencer…