« Les instruments de l’alpiniste », de Jean-Baptiste Duez p 25-26 :
Pourtant, le pionnier de l’escalade « libre », c’est-à-dire – quoique les définitions de ce terme diffèrent – sans assurage, Paul Preuss, fait déjà mention des pitons en 1911 dans un article publié dans le Deutsche Alpenzeitung (Preuss 1911, cité in Messner, 2000). La querelle entre celui-ci et Tita Piaz, tout aussi amicale et nuancée qu’elle fut passionnée, a véritablement été à l’origine de la polémique sur l’utilisation des moyens d’assurance.
Paul Preuss a abordé la question des techniques, tout en étant le premier à essayer de la théoriser, parce que celles-ci popularisaient, pour le plus grand nombre, les espaces privilégiés. Mais pour les meilleurs des alpinistes, et parce qu’ils se pensaient invincibles, trop s’entourer de matériel était perçu comme une manière pour les hommes de s’abaisser dans leur virilité (Preuss 1911). Preuss déclarait alors :Loin de moi l’idée de prêcher pour l’abolition des moyens d’assurance dans les passages rocheux ; pas un alpiniste raisonnable ne contestera leur valeur pour la grande majorité du public amoureux des montagnes et de la nature. Mais s’agissant de l’alpiniste ou du grimpeur sportif, c’est l’inverse qui me paraît important, en bref : l’assurance par des pitons qu’on plante, de même que la descente en rappel (qu’elles soient l’unique moyen de réussir une escalade ou accessoirement utilisées au cours de cette escalade) ou toute autre manœuvre de corde, sont pour moi des “moyens artificiels” critiquables et injustifiables, aussi bien au point de vue de l’alpinisme que de celui du sport.
(Piaz 1999).
Il citait également un guide qui se rangeait à son avis :
Voici, tiré du récit d’une escalade moderne, un exemple significatif (c’est le célèbre guide Fiechtl, tombé plus tard dans le Kaisergebirge, qui parle) : “Il est impossible de se tromper, car l’itinéraire est direct et marqué par vingt pitons.” Avec l’aide des pitons et de la corde, on “fait” les passages les plus bizarres, les plusinvraisemblables. Sur les murailles les plus lisses, on imite le balancier de l’horloge et c’est avec de telles acrobaties qu’on conquiert des montagnes.
(Piaz 1999).