Escalade libre

Je ne pense pas qu’il faille séparer corde et piton dans ta réflexion.
Pour moi c’est clair que c’est « libre de tout artifice » . Mais les artifices, à l’époque, c’était surtout le lancer de corde, le rappel et un peu les crochets, crampons (ancêtre du piton)

Lammer parle (lu dans "il était une fois le 6ieme degré de Livanos) de « la lutte loyale, sans aide et sans crochets »

Les pitons ont vraiment commencé à être utilisé fréquemment qu’à partir du moment où il y avait le mousqueton

J’ai relu le diable des dolomites : il plante peu de pitons dans ces années là, par contre les lancers de corde, les tyroliennes la courte échelle, ca y va gaiement.
Livanos dit (en parlant de Piaz) toujours dans sa bio de Cassin : « en 1906 il atteindra le V dans le Campanile Toro où il planta ses premiers pitons »

Il faudrait continuer à chercher dans les livres allemands d’avant 1911 du coup… Mais y a t-il vraiment des livres des pionniers ? Dulfer, winkler ont il écrit ?

J’ai cité Lammer, mais il ne faisait pas vraiment d’escalade

Dans mes recherches je suis tombé sur un livre délirant de 1905 :

C’est un mélange incroyable de topo, de poésie, de réflexions, de techniques de grimpe sur les buildings et les arbres

Il ne parle pas de « free climbing » mais évoque les pitons (appellé Crampons dans son texte)

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Bof. Toutes proportions gardées quand j’ai commencé on était un peu dans le même état d’esprit, sans rien faire de spécial, c’était comme ça. Point barre. Corde autour du ventre, vibrams, voies en principe non équipées, chute interdite. Ça ne me serait jamais venu à l’idée de m’engager quelque part en songeant aux secours éventuels (et d’ailleurs je n’ai jamais beaucoup évolué sur ce point). La seule grosse différence (mais pas toujours) c’est le fait d’avoir un topo te disant à quoi t’attendre. Mais en ouvrant une voie, tu étais presque dans la même situation.

Exact pour Preuss. Je lis, toujours dans son 1er article de 1911 :

L’assurage au moyen de pitons, et tous les autres systèmes de sécurité, y compris les descentes en rappel […] sont selon moi des « moyens artificiels » critiquables et injustifiables.

On peut donc en déduire, du moins pour Preuss, que le terme « libre » signifie sans assurance.

Piaz lui fait bien la distinction des 2 usages possibles du piton, cf 2ème article de Preuss où il parle de Piaz :

Piaz lui-même condamne le piton utilisé comme marche ou comme prise et l’admet en revanche comme moyen de sécurité

Mais Piaz lui n’utilise pas le vocable « libre ».

En résumé tu as raison : Preuss est peut-être le premier à avoir parlé de « libre », mais dans le sens de sans corde ; et Charlet semble faire de même dans les années 20, dans le sens de sans piton ce qui revient quasiment au même (cf posts de csv et francois).

Pour l’instant les premières apparitions du mot « libre » au sens de sans artifice, et donc sans tire-clou, est à mettre au crédit du GHM en 1936.

Entièrement d’accord aussi pour dire qu’au début du siècle les artifices n’étaient pas tant les pitons que les manœuvres habiles de corde.
Et qu’une fois le piton popularisé, la difficulté d’une voie extrême était inversement proportionnelle à la densité des pitons…
Ce qui n’a pas empêché certains grimpeurs de savoir apprécier dès les années 40/50 des voies peu pitonnées, et donc en d’autres termes une escalade majoritairement libre (j’en reviens à Rébuffat, qui a souvent mis en valeur une telle escalade).

A 100 % !
Mais à quand la première féminine ?

Dans la revue du GHM en 1942, au sujet de l’escalade dans les Calanques :

1939 peut être considérée comme le début de l’ère de l’escalade artificielle proprement dite. On a déjà épuisé tous les procédé extrêmes de l’escalade libre, et maintenant les procédés artificiels n’ont plus de secrets pour les grimpeurs marseillais qui sont passés maitres dans l’art de les employer.
(…)
on perfectionne fébrilement le matériel et les pitons Fiechtl voient naitre une nombreuse famille, du benjamin filiforme de qulques milimètres à la broche géante de 25 cm… et même plus !
En 1941, l’équipe Livanos-Tanner gravit la paroi jaune du rocher de Saint Michel, muraille haute de 75 mètres, lisse et entièrement surplombante (dévers de 5 mètres de la base au sommet). Les grimpeurs utilisent des fissures minuscules et, sans jamais mettre les mains sur le rocher, de clou en clou et d’étrier en étrier, arrivent à forcer la face avec 80 pitons, en deux séances de 15 heures.
(…)
En 1942, (…) on voit apparaitre cette année un nouveau procédé artificiel, éminemment mécanique puisqu’il s’agit de la « chignole » pour percer des trous sur les roches sans fissures. Avec la chignole, nait le piton spécial rond, légèrement conique, qui s’adapte au trou façonné par la mèche.
(…)
Il règne maintenant dans les Calanques une atmosphère étonnante : on n’entend que coups de marteaux qui se répercutent de paroi à paroi et , levant les yeux, on est tout étonné de voir dans les endroits les plus invraisemblables des cordées accrochées au rocher comme des peintres à des gratte-ciels.
(…)
Les procédés artificiels d’escalade ont, chose étonnante, donné le goût de l’escalade à toute une génération : c’est par centaines qu’on compte actuellement les grimpeurs marseilleis qui s’y adonnent.
Peut être faut-il voir dans cet engouement l’attrait du côté spectaculaire de ce sport qui, plus que l’escalade libre, est propre à favoriser la propagande.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, malgré les travaux forts actifs des nombreuses cordées quincaillères, les blancs calcaires de Provence ne restent pas souillés longtemps par les broches de fer de tout diamètres et de toute formes que chaque semaine on y plante à profusion.
Car les grimpeurs des Calanques ont pris l’habitude d’enlever tous les pitons qu’ils placent.

Oui la notion de liberté est mieux définie si l’on considère l’ouverture. Ouvrir en libre : voilà le bon point.

Parce que passer « en libre » dans une voie déjà spitée ou pitonnée, ce n’est qu’une liberté sous condition.

Et donc en 1942 on peut dire qu’au moins en France le terme « escalade libre » est déjà bien établi.

Tout dépend alors encore de ce que l’on entend par

J’entends usité par une bonne partie de la communauté des alpinistes français de pointe.
Or par opposition à des auteurs isolés qui peuvent utiliser une expression qui leur est propre, on peut estimer que le GHM se fait le porte-parole du discours communautaire proféré par le haut niveau.
Mais je me trompe peut-être sur l’importance du GHM dans les années 40.

La question se pose encore de nos jours : Elisabeth Revol à l'Everest

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J’ai enfin Neige et roc de 1959 sous la main.
L’appellation « escalade libre » y est remplacée par « escalade naturelle » :

l’escalade naturelle, où l’alpiniste s’élève le long du rocher tel qu’il se présente sous ses différents aspects : plaques, dalles, murs, fissures, cheminées ;
l’escalade artificielle, où, faute de prises, le grimpeur doit recourir à divers procédés : courte échelle, pitonnage, tyrolienne, lancer de corde.

Même définition donc, mais à cette époque Rébuffat n’avait pas encore adopté le terme « libre ».

J’ai parcouru la discussion, j’ai l’impression d’une confusion entre d’une part la terminologie « escalade libre » dans sa signification actuelle et d’autre part les performances d’escalade libre.
Par exemple j’ai parcouru récemment « Chlorochose » au Verdon. Escalade libre ou pas ? Qu’en aurait-on dit il y a seulement 40 ans?

Un peu flou ton message,. Quelles différences fais-tu entre « escalade libre » autrefois et « escalade libre’ maintenant »?

Tu dis avoir parcouru une voie mais tu ne dis pas comment veux-tu qu’on sache si tu l’as passé en libre ou pas ? « Libre » ça défini la façon de passer la voie mais pas la voie elle-même. Ta voie tu peux l’avoir passée en libre, en artif, tu peux avoir été repris dans une longueur…

j’ai fait que les 2 dernières longueurs de chlorochose mais je vois pas bien ou il peut y avoir une confusion, même il y a 40 ans !

Ben j’ai tout fait en « libre », définition moderne. Mais dans tous les pas durs de cette voie y’a un point tous les 1,5 mètres, du coup tu les fais en moulinette ou presque!
Autrefois j’ai fait des voies où il y avait des sections obligatoires de 6/8 mètres en très beau libre, mais quand je pouvais m’arrêter pour poser un piton, une fois planté je te garantis que j’allais pas m’emm… à rester sur des prises douteuses pour ranger mon petit attirail et regarder la suite.
Ce que je veux dire c’est que la définition précise du mot « libre » a évolué, que la notion de « voie sportive équipée » n’est plus la même, que les anciens pouvaient faire des performances de libre ahurissantes même en se vachant sur un piton ou deux dans une longueur. Dans certaines voies modernes on peut grimper sous les points est-ce vraiment de l’escalade « libre »?

Ce qu’on entend par libre, c’est indépendant du fait qu’il y ait un point tous les mètres ou un mauvais coinceur sur 30 mètres ; c’est simplement le fait de n’utiliser que les prises naturelles

Je connais la définition actuelle, certes! Et quand tu grimpes sous les points tu penses que tu n’utilises que les prises naturelles? Tu aurais eu du mal à m’expliquer ça il y a 40 ans :slight_smile:

Le libre n’implique pas de s’exposer et finalement la principale raison pour laquelle la moulinette n’est pas considéré comme du libre c’est que la gestuelle est simplifiée (et aussi que les cordes ne montent pas toutes seules dans les voies)

Oui, sinon le libre n’a pas de sens puisqu’il y a toujours des moments, que les points soient espacés ou pas, où tu grimpes sous les points.

Ouais, mea culpa: tout ça c’est du hors sujet: si on s’embarque dans l’évolution du concept on est pas rentré!

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