Escalade à la vie – à la mort

Posté en tant qu’invité par scalpy:

Bonjour,
Par ce texte, je vais vous faire partager ma relation d’amour, de vie et de mort avec l’escalade.
Tout a commencé quand j’avais huit ans. Un CAF s’est créé dans mon village et j’ai commencé de grimper avec ses membres. Le plus important pour moi n’était pas de grimper, mais de gagner les hauteurs afin de découvrir de nouveaux horizons, des angles de vue que peu de personnes peuvent apercevoir. Ma relation avec le rocher était simple, mais emplie de respect vis-à-vis de ces masses qui nous dépassent et nous rappellent que nous sommes petits. L’escalade a parfois des côtés sensuels et bestiaux : sensuels car vous vous devez de caresser le rocher ; bestiaux car souvent, il vous demande de le maltraiter de vos doigts et de vos pieds.
Mais un jour, tout s’est arrêté.
Vers l’âge de onze ans, un soi-disant moniteur d’escalade a voulu me faire progresser en me faisant voler. Je n’étais tout simplement pas prêt et le traumatisme qu’il en résulta est tel que je le ressens encore aujourd’hui quand je flirte avec mes limites…
C’était sur une falaise école. Un atelier de vol était en place depuis le début de l’après-midi et je reculais comme je pouvais le moment tant redouté. Ce fut mon tour. Je devais descendre en rappel sur une une corde qui s’arrêtait à mi-paroi. Etant assuré par qqn d’autre du bas, je devais lâcher cette corde et me jetais dans le vide. La corde sortit du descendeur, je m’agrippais de toutes mes forces et ne la lâchais pas, malgré les encouragements et la présence de ma mère. Je restai là, tétanisé sur cette corde. Le soi-disant moniteur a grimpé à mon niveau et tenté de m’arracher la corde des mains, j’ai hurlé et des larmes ont jailli. La seule phrase que j’ai entendue avant de toucher le sol (sans voler) a été : « Descends-moi ça ! », provenant de la bouche même d’un soit-disant professionnel de l’escalade.
Le traumatisme a été tel que du jour au lendemain, j’ai arrêté l’escalade et fait don de mon matériel…
Je pensais en avoir fini avec elle, mais elle revint dans ma vie à un moment où je ne l’attendais plus et ce fut comme un signe du destin.
En deuxième année de fac, un mur artificiel a été inauguré. Je me suis inscrit aux cours et j’ai repris contact avec l’escalade sous une nouvelle forme : la grimpe sur prises de résine. C’était un peu déroutant au début, mais plaisant.
Peu après avoir renoué des liens avec cette passion, mon père est parti vers d’autres sommets, tout en nous laissant tous et toutes désemparés. C’est alors que je me suis investi corps et âme – ou plutôt âme et corps, qui est plus juste – dans l’escalade. Je grimpais pour ne pas ne pas sombrer vers l’abîme qui n’attendait que moi. Je survivais pour grimper et je grimpais pour survivre, tel un motard de Harley Davidson (« live to ride and ride to live »). Pendant toute cette période noire de mon existence, je me comparais souvent – et avec humour - à un alpiniste qui gravissait une arête, en s’efforçant de ne pas tomber, ni d’un côté, ni de l’autre. Et je ne suis pas tombé… Ce qui me retenait à la vie était la sensation de me rapprocher du ciel lors d’une ascencion, l’idée de me trouver dans un endroit isolé de tout afin d’être sous ses yeux. Cela peut paraître naïf ou infantile, mais cela m’a permis de tenir le coup et d’être là aujourd’hui à vous écrire…
Et aujourd’hui, qu’en est-il, plus de dix après le départ de mon père ? Je grimpe toujours, j’ai toujours aussi peur dès que je veux dépasser mes limites. Les kilomètres de rocher gris, ocre ou blanc que j’ai gravis, les dalles, surplombs, dévers, fissures, dièdres que j’ai laissés derrière moi n’ont pas comblé le manque que j’éprouve encore aujourd’hui. Mais je peux dire que je ne survis plus, je vis tout simplemet et c’est déjà énorme.
Que ceux ou celles qui ont vécu des histoires similaires n’hésitent pas à me contacter.
Que ceux ou celles qui ont vécu des traumatismes dus à l’escalade m’aident à vaincre le mien, une bonne fois pour toutes.
Merci.

Scalpy

PS : N’oubliez jamais que l’escalade a parfois des côtés sensuels et bestiaux : sensuels car vous vous devez de caresser le rocher, de l’honorer comme il se doit ; bestiaux car souvent, il vous demande de le maltraiter de vos doigts et de vos pieds.

Putain …

merci pour ce texte.

Rien à ajouter .

Posté en tant qu’invité par ZaK:

Joli temoignage. Merci de l avoir partage. Je pense fondamentalement que ressentir de l apprehension ou du stress ou de la peur quand on sent se rapprocher de ses limites est naturel et que la pratique de la montagne ne rime pas forcement avec le fait de depasser ses limites. Je pense meme qu il s agit la d une pratique tres mature parce qu’apaisee. Le sensoriel, le sensuel comme tu dis, n-a rien de quantitatif. Bonne continuation

merci pour ce beau texte.

Posté en tant qu’invité par laulli:

Courageux ce message… Je me suis souvent demandé si les grimpeurs n’avaient pas en commun une absence du père, absence réelle ou symbolique…bref juste en passant pour dire que j’avais constaté cela, rien de plus.

C’est un beau témoignage. Heureux que tu vives enfin! :slight_smile:

Joli texte, merci pour ce partage

xx

Posté en tant qu’invité par Marcoz:

Merci, vraiment touchant.

C’est un beau témoignage, plein d’émotion et de courage

Rien à ajouter… bonne continuation

Bravo pour ce texte.
Je vois que je ne suis pas le seul à souffrir de cette peur atroce :confused:

Slt

Je me retrouve dans ton histoire car j ai vécu avec la peur du vide pendant des années…au point que je n arrivais même pas à traverser un pont…
Mais voilà j adore la montagne et toutes les activités que l on peut y pratiquer…
Et comme toi ma 1ere vraie confrontation au vide en montagne s est faite dans la douleur et la peur…avec l homme que j aimais…drôle de paradoxe…
Bref confiante j ai suivi et après avoir crapahuté sur une pente rocheuse…impossible de faire demi tour car trop abrupte et le seul petit sentier qui s offrait à moi longeait une falaise avec plusieurs 100aine de metre en dessous.
Gros blocage, pleurs, et comme j ai un p*"*+ de caractère, tu te relèves et tu y vas.
J aurais pu ou du être dégoutée mais non, la confiance en prend un coup vis à vis de l autre, mais moi je savais et j ai su que je serais capable de venir à bout de cette trouille maladive.
Et j ai réussi, aujourd hui je suis seraine en haut des voies et des sommets grâce à moi et aussi grâce à une personne formidable qui a su me tendre la main juste comme il faut.
Bref tout ca pour dire que c est en toi que tu trouveras les réponses et le chemin et peut etre aussi un jour qu une personne saura te donner le coup de pouce qu il te manque…
et petit message à toutes les personnes qui pratiquent l escalade et autre et encadrent des débutants ou des personnes qui ont de l appréhension…
L apprentissage ne se fait pas par la douleur, les cris, la peur!!
L amour, la patience, l attention et les encouragements sont bien plus adaptés…non?

C’est beau de partager des expériences aussi personnelles et poignantes… Merci
On devrait tous en tirer du positif, ceux qui l’on vécu comme ceux qui enseignent…
Personnellement, j’ai eu la chance d’encadrer pas mal de monde, des enfants comme des adultes(ma fille également) J’espère avoir toujours eu la patience et l’attention escompté…

Posté en tant qu’invité par grimpissimo:

temoignage poignant pour moi qui connait l’auteur…

Au delà du sport qu’est l’escalade, c’est une discipline personnelle, de relation avec les autres, avec la nature, d’humilité et de respect…
Dans l’enseignement, il faut prendre tous ses facteurs dans leur ensemble et savoir adopter sa vision des choses pour faire progresser une personne en fonction de son caractère, de sa façon d’être…
Dans la situation de l’école de vol (qui n’est jamais évident), il ne faut jamais pousser les gens jusqu’à leur limite…
L’art de 'apprentissage est de pousser les gens à se surpasser sans franchir la ligne de non retour.
Et donc de connaitre humainement les gens pour essayer de savoir ce qui est le plus adapter pour leur progression…et non l’élève qui s’adapte au moniteur.

L’escalade est aussi un exhutoir personnel, se sentir vivant à travers ce que l’on ressent, ce que l’on vit au contact de la roche de la nature.C’est une façon intérieur de se ressourcer, d’être en paix avec soi…quelque soit le niveau on cherche toujours à titiller le stress, cette peur dés que cela devient plus dur…je pense qu’on en à tous besoin, c’est une discipline qui est appaissante intérieurement.

Nous sommes tous différent avec la peur, le stress de chuter, elle ne disparaitra jamais mais le fais de la cotoyer permet de l’apprivoiser un peu et donc petit à petit de se dépasser un peu plus…

Bon je vais essayer de répondre…

C’est génial d’avoir peur. C’est une vraie émotion. Il y en a qui vivent sans. C’est triste de vivre sans émotions…

Ah ?
Il y a bien des émotions agréables. l’amour, la tendresse, l’adrénaline.
La peur non. c’est pas génial. ça fait vraiment chier.
J’ai peur. J’ai un putain de vertige qui m’empèche de monter plus haut ou de progresser.
Une merde qui me tétanise et fait de moi une loque au moindre signe gazeux.
Les copains me trimballe alors comme un sac supplémentaire. Je ne revis que le gaz éloigné.
Oui, c’est une vraie émotion. Mais une sale émotion dont je me passerai bien.

Je suis conscient qu’elle est indispensable à ma survie, mais elle est une chaine à ma liberté.

Alors non. Ce n’est pas génial d’avoir peur.

Scalpy, je te rejoins sur bien des points. Mais je n’étalerai pas ma vie sur C2C, je ne l’ai déjà que trop fait.
Bravo pour ton courage. Je n’ai pas non plus encore réussi à voler.

Merci pour ce beau et riche texte. Il me remue et me fait penser à cette montagne qui nous anime et ne fait que nous tolérer…jusqu’à ton titre.

Merci pour ce beau et riche texte. Il me remue et me fait penser à cette montagne qui nous anime et ne fait que nous tolérer…jusqu’à ton titre.

Je n’avais jusqu’alors pas lu ton texte mais je viens de rattraper cette omission.
La sincérité de ton témoignage me touche beaucoup.