Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:
L’alpinisme c’est une quête de sensations, l’irrésistible fascination du mouvement, parfois un peu de gloire fragile, du bonheur fugace, mais aussi beaucoup d’efforts et de peines. Probablement que tout n’est pas pur et innocent dans cette activité créatrice d’une gestuelle audacieuse. La chronique nous rappelle furtivement que l’alpinisme n’est pas qu’un simple jeu, et que les simples jeux eux-mêmes incluent, cachés sous les plus innocents ornements, un zeste d’humaine avidité de vaine célébrité. On n’en peindra pas pour autant le diable sur la montagne. Quelques minuscules macules ne suffisent pas à masquer le magnifique tableau de l’alpinisme et de ses pratiquants, le groupe humain des ascensionnistes, à l’évidence international et multiculturel, au sein duquel il est permis de se mesurer sans violence, dans des joutes audacieuses, non réglementées, à soi-même, à ses émules, au milieu naturel. L’alpinisme c’est l’harmonie du corps dans l’espace, la grâce des gestes, l’élégance. Quoi de plus expressif que l’image d’un alpiniste s’élevant, l’effleurant à peine, sur un pilastre cannelé de glace étincelante, sur un banc de roche ocre, grise, ou noire plâtré de neige fraîche d’une blancheur éclatante. L’alpinisme c’est la fragilité émouvante d’un être animé aérien, risqué sur des éclats de lumière, à peine effleurés par quelques pouces d’acier, par un peu de chair. Bien que la prestation de l’alpiniste paraisse totalement dérisoire par rapport aux nécessités du quotidien, comment contenir le véritable étonnement, la joie que l’on éprouve devant son élégance et sa maîtrise qui, au prix de nombreuses années d’entraînement, lui permettent de remplir quelques instants de son existence de la plus grande intensité. Si nous nous interrogeons sur la raison de la profonde impression qu’exerce l’alpinisme sur les hommes, nous découvrirons peut-être que dans cet ensemble d’actes coordonnés se dissimule un moyen suprême d’accomplissement. L’alpinisme n’est-il pas ce qui vient exalter et redire en nous l’impérieuse nécessité de converger vers une vraie grandeur, de s’affranchir du banal qui nous bâillonne pour nous remémorer que nous sommes nés pour davantage ?