Un collectif d’ouvreurs internationaux souhaite ouvrir le débat sur les différents styles d’ouverture depuis le bas, avec cette prise de position forte: ne jamais imposer aux répétiteurs des passages d’escalade libre qu’ils n’ont pas eux même gravi à l’ouverture, dans les exactes mêmes conditions.
La tribune est signée notamment par Fabi Buhl, Nasim Eshqi, Nico Favresse, Hans-Peter Eisendle, Helmut Gargitter, Luca Giuponni, Beat Kamerlander, Jacopo Larcher, Rolando Larcher, Heinz Mariacher, Federica Mingola, Adam Ondra, Maurizio Oviglia, Michel Piola, Benjamin Ribeyre, Roger Schäli, Martin Scheel, Stephan Siegrist, Erik Svab, etc… etc… (liste complète sur Ouvrir une voie depuis le bas : un art, une valeur sportive aujourd’hui en risque de banalisation – Alpine Mag et sur www.montagnes-magazine.com/actus-ouvrir-voie-depuis-bas-art-valeur-sportive-aujourd-hui-risque-banalisation).
Ouvrir une voie depuis le bas : un art, une valeur sportive
aujourd’hui en risque de banalisation
L’escalade est notre passion, que nous soyons répétiteurs ou ouvreurs de voies.
Ces itinéraires que nous adorons grimper ont été ouverts par des équipeurs passionnés, depuis le haut (rappels, cordes fixes), ou depuis le bas.
En grandes voies, et même parfois en moulinettes, l’ouverture depuis le bas « stricte » est considérée comme la manière la plus sportive de créer, car l’ouvreur se trouve dans la même configuration que le répétiteur, en y ajoutant incertitude, engagement et matériel d’ouverture (pour placer les points – si la voie est à terme équipée tout ou partie - il doit s’arrêter de façon précaire sur ses crochets du ciel, ou se tenir d’une seule main).
Nous estimons qu’il s’agit de la méthode la plus juste, car elle nous permet de ne grimper (“ouvrir”) que si nous donnons la preuve d’être à la hauteur des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous laissons ainsi la place aux générations futures lorsque nous n’avons pas le niveau physique ou mental requis.
Nous pensons qu’il s’agit d’un aspect d’ouverture important, le plus loyal possible: il nous interdit de nous approprier le maximum d’espace, mais uniquement celui qui est réellement à notre portée.
Cependant, avec l’apparition de divers moyens de progression amovibles (trous forés intermédiaires, « Removable bolts » auparavant, « Pulses » récemment), les façons d’ouvrir depuis le bas prennent les formes les plus diverses, de la version la plus rigoureuse et éthique (escalade libre intégrale entre chaque point placé) à l’escalade entièrement en artificielle (sur trous percés entre les points, A0, etc…).
« L’ouverture depuis le bas » avec des aides artificielles est à la portée de chacun, quel que soit son niveau, et se rapproche de l’équipement depuis le haut. Il suffit ensuite de supprimer les points temporaires et d’équiper définitivement la voie, en second ou sur corde fixe. Ainsi, sans trop d’efforts, rapidement, toutes les parois du monde peuvent potentiellement être « équipées ».
Ces différences d’ouverture sont en général invisibles pour les répétiteurs, mais elles revêtent une importance fondamentale. Pour un ouvreur “du bas”, il est non seulement important de réaliser le parcours librement, comme tout grimpeur sportif, mais aussi d’aborder une paroi ou une ligne vierge avec respect.
Nous craignons que cette méthode ne se généralise, conduisant à une consommation effrénée de toutes les belles parois vierges dans le monde, au détriment des prochaines générations d’ouvreurs et d’alpinistes sportifs.
Chacun est libre de grimper ou d’équiper comme il l’entend, mais nous suggérons aux chroniqueurs et aux journalistes spécialisés des magazines web et papier, lorsque la méthode est connue, de toujours la préciser.
De même, les auteurs de topos-guides peuvent utiliser les symboles usuels suivants (logos en forme de flèches) :
flèche descendante Equipement depuis le haut
flèche montante Ouverture (stricte) depuis le bas
flèche horizontale Equipement-ouverture mixte (utilisation d’escalade artificielle, même partielle)
En conclusion, pour toutes leurs nouvelles ouvertures depuis le bas, les signataires de cette lettre s’engagent à :
• Préférer l’ouverture du bas à l’équipement du haut en grande voie.
• Ne jamais grimper en escalade artificielle (trous forés intermédiaires ou autres) entre les points définitifs.
• S’interdire toute sorte de « triche », comme faire un détour puis corriger ultérieurement la ligne, effectuer un repérage préalable du haut, etc…
• En résumé : ne jamais imposer aux répétiteurs des passages d’escalade libre qu’ils n’ont pas eux même gravi à l’ouverture, dans les exactes mêmes conditions.
Nous vous souhaitons à tous de merveilleux moments d’escalade et d’aventure !