Posté en tant qu’invité par Stéphane:
Lorsque j’ai commencé la « varappe », à l’âge de 14 ans ( en 1978), j’ai commencé par des rappels; ensuite l’escalade libre, mais avec les moyens de cette époque, soit les gros souliers en cuir et semelles « Vibram » ( semelle rigide ou semi-rigide); on pratiquait beaucoup le grattonage, puis sont apparues les P.A ( Pierre-Alain), les premiers chaussons d’escalade en souple, avec toute la révolution du « libre ». À cette époque où j’ai débuté, on pratiquait également l’escalade artificielle et avons participé, mes amis et moi, à des cours J&S d’alpinisme en Valais (Suisse). on y a appris les différentes techniques de la montagne et de la grimpe, notamment de l’artif; par la suite nous allions nous lancer dans de beaux itinéraires d’artif dans de grandes dalles de calcaire compactes, des voies de 100-110m, avec dévers et surplombs; c’était une aventure super à vivre; mais peu à peu, le libre allait prendre de plus en plus de place, puis toute la place dans nos programmes.
Aujourd’hui, cela fait une vingtaine d’années que je n’ai plus pratiqué l’artif, parce que c’était plus à la mode; on l’a même regardée avec dédain, du style " qu’est-ce que tu veux t’emmerder à partir dans ds parois avec tout ce matos, tout ce poids, ces étriers etc…Le libre, c’est cent fois mieux!". Il est vrai que le libre, comme le dit son nom, nous donne une plus grande sensation de liberté et surtout de l’expression corporelle, voire la performance…ou le simple plaisir de grimper « en libre », à notre niveau.
Ces choses étant dites, j’ai repéré, l’an dernier dans ma région, ces belles dalles dans les Gorges, des parois de 90-110m, des parois très raides et déversantes dans lesquelles il y a une sacrée ambiance; je m’imaginais des grimpeurs dans ces dalles et me disais que ce serait beau, alors ça a éveillé en moi le désir d’équiper ces « dalles » en artif, sur spits, et je m’y suis attaqué; tout un programme et…du travail, si l’on veut offrir à la fois le plaisir et la sécurité; ces parois ne pourront jamais être franchies en libre en raison de la qualité de second choix du rocher, mais elles peuvent sans problème passer en artif tout en restant de belles voies.
C’est donc ainsi que j’ai comme re-découvert l’artif; au début, c’était pas facile car j’avais perdu la technique propre à l’escalade artificielle ( comment placer les mousquetons et les étriers juste, la corde dans quel mousqueton?, s’auto assurer, économiser ses forces, le style et l’esthétique ( en artif ça existe aussi); j’ai repris conscience combien l’artif demande au grimpeur d’être très organisé et structuré dans le rangement du matériel sur son baudar pour progresser sans encombres; combien la préparation est importante; j’ai également repris conscience à quel point l’artif, c’est pas si simple et c’est une escalade qui peut être très physique suivant l’inclinaisson de la paroi …et dans les « toits », bonjour le jeu d’équilibres pour passer d’un étrier à l’autre, suspendu dans le vide. J’ai redécouvert aussi à quel point, l’escalade artificielle, bien maîtrisée, c’est beau à voir, sur le plan esthétique;
Enfin, elle peut constituer une fort sympathique manière de « changer, varier » notre escalade…parce que…tout le temps du libre et rien que du libre,( je dis pas, le libre c’est super et je l’aime beaucoup), mais je pense que si l’arc en ciel n’avait qu’une couleur, il n’atirerait pas nos regards comme il l’attire par la multitude de ses couleurs extraordinaires; de même, pratiquer aussi l’artif donne de la saveur et de la couleur à notre escalade; elle apporte autre chose, une autre aventure qui peut être exhaltante…Attention danger, on pourrait vite y prendre goût en la pratiquant.
Il y aura toujours les inconditionnels du libre, et c’est bien…parce que finalement chacun(e) a le droit de choisir ce qui lui plaît, selon ses aspirations; en lançant ce débat, je fais aussi allusion, quelque part, aux pionniers de la grimpe, qui sont nos prédécesseurs et qui ont tout de même relevé de sacrés défis à leur époque, et avec leurs moyens du moment, des défis que bien peu d’entre nous serions peut-être capables de relever comme ils l’ont fait. Il y a, p.ex, près de chez moi certaines voies d’artif ouvertes par des grimpeurs en âge de retraite ( mais toujours pratiquants), qui posent aujourd’hui encore de sérieux défis à ceux qui tentent de les franchir.
Il y a aussi le fait que l’homme se lasse vite de pas mal de choses ( il y a les effets « modes »), et revient souvent aux pratiques d’autrefois, mais avec la technologie propre à son temps. On aura toujours besoin d’expérimenter du « nouveau » mais souvent par le biais de ce qui a déjà éxisté.
Se trouver à la fin d’une journée après avoir gravi une belle et longue voie d’artif procure souvent un grand sentiment de satisfaction, d’accomplissement, tout comme le « libre », mais avec toutefois une différence…je pense celle d’avoir vécu une autre histoire, une autre aventure…et l’artif a tendance à ré-apparaître progressivement.
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