Rappelons le contexte de cette affaire : en vallée d’Aoste où les demandes de secours considérées comme abusives (1) sont pourtant payantes, le directeur du Secours alpin de la Vallée d’Aoste a été amené à pousser une gueulante pour dénoncer le comportement irresponsable d’alpinistes mal préparés, mal équipés, pas au niveau, qui mettent abusivement à contribution les services de secours.
On constate donc que le fait que les secours soient payants n’a pas un impact dissuasif suffisant (2) sur le comportement des alpinistes.
Pourtant immédiatement, le débat a dérivé sur la gratuité ou non des secours … en France, avec même une demande de loi (3) pour faire casquer les inconscients (4) et faire prendre en charge les secours par les assurances et non plus par la collectivité. Si ce raisonnement peut se comprendre de la part de non alpinistes, on a peine à le comprendre de la part des alpinistes, les premiers concernés. Ceux-ci seraient ainsi formidablement altruistes au point de vouloir éviter à la collectivité de payer à travers les impôts, et au point de vouloir couvrir directement eux-mêmes les frais de secours à travers les primes d’assurance auxquelles ils vont devoir faire face. Que les alpinistes, dans un grand élan de générosité, veuillent éviter à la collectivité de payer les coûts des secours en montagne, c’est déjà beau. Mais qu’en plus, dans un grand élan de solidarité vis-à-vis de tous (5), ils veuillent payer pour tout le monde, c’est fantastique !
Bizarrement, après avoir casser du sucre à qui mieux mieux sur les assurances, ils voudraient maintenant leur offrir le marché du secours en montagne ! Laissons ceux qui croient à la philanthropie des compagnies d’assurance à leurs illusions, mais pour elles le poste secours en montagne doit évidemment être bénéficiaire par lui-même ou au moins en équilibre (pour les mutuelles). Évidemment, à 137 € la minute d’hélicoptère, les primes d’assurance risquent fort de s’envoler (660 heures d’hélicoptères en 2010 en Haute-Savoie représentaient déjà 5,4 M€ pour un seul département). Non seulement, les alpinistes couvriraient les coûts des secours, mais en plus participeraient aux profits des compagnies d’assurance (6) …
En résumé, pour s’auto-punir en cas d’imprudence ou d’inconscience, les alpinistes seraient prêts à assumer au prix fort le financement du secours en montagne par le biais de leurs assurances, alors que l’exemple de la non-gratuité des secours et la menace d’amendes en vallée d’Aoste a montré son inefficacité comme moyen de dissuasion (7) ! Il n’échappera probablement à personne que l’étape suivante serait la privatisation complète des secours comme c’est déjà le cas ici ou là, avec évidemment le renchérissement des coûts et donc encore l’augmentation des primes d’assurance de chacun.
(1) Je ne connais pas la loi valdotaine, mais l’article du DL parle d’appel n’ayant aucune motivation ou non approprié. Il serait intéressant de connaître les termes exacts de la loi, car dans le cas d’espèce, l’appel était clairement justifié. C’est la mise en conditions qui était condamnable, mais surtout pas l’appel qui a tout de même permis de sauver les deux alpinistes imprudents.
(2) Le directeur des secours parle de 4 appels par semaine. Je suis régulièrement la rubrique des interventions en montagne sur le massif des Écrins et dans le Grand Briançonnais, et il ne semble pas qu’il y ait tant d’appels abusifs que cela.
(3) Mal bien français, un fait divers une loi, et en plus ici le fait divers est en Italie !
(4) Évidemment, l’inconscient, l’imprudent, c’est l’autre. Mais, désolé, l’inconscient, l’imprudent, c’est nous tous ! Qui peut dire qu’il ne l’a jamais été, y compris parmi les plus avertis aujourd’hui ? Quelqu’un qui affirmerait qu’il n’a jamais commis d’imprudence en montagne, soit entre dans la catégorie encore plus critique des inconscients, soit n’y a jamais mis les pieds.
(5) Alpinistes assurés [inconscients compris !] … et probablement aussi très vite alpinistes non assurés, car les risques d’insolvabilité devront bien aussi être couverts !
(6) Il n’y aurait évidemment pas à s’en indigner si on en arrivait à ce système.
(7) D’autant plus qu’il est douteux qu’une assurance casque si une décision de justice condamne les secourus.