Tu as raison, c’est en effet un mythe né au XIXème siècle sur lequel l’Evopsy et les préjugés populaires continuent de surfer.
Avant les années 2000, la femme du Paléolithique n’avait pas forcément un traitement spécifique dans les livres de préhistoire. Tout au plus, reflet de la société, les femmes étaient cantonnées dans un rôle unique de procréation. Les clichés ayant la vie dure, la femme préhistorique allait de maternité en maternité, attendant tranquillement son compagnon qui était parti à la chasse… Sans vouloir tomber dans une vision trop Rousseauiste de la vie à la Préhistoire, il apparaît que, pour subsister, il devait y avoir une certaine harmonie dans les clans préhistoriques et que chacun devait apporter sa contribution sans qu’une hiérarchie des tâches soit faite.
Dès les prémices de la science préhistorique, on a vu dans nos ancêtres des hommes violents, hirsutes, qui revenaient ou partaient à la chasse. A l’opposé, la femme de la Préhistoire apparaissait faible, presque craintive et semblait n’avoir que deux occupations : faire et élever des enfants. Toutes les illustrations du 19ème siècle mettent en image un homme viril, musclé et dominateur, chasseur de bêtes féroces avec, à ses côtés, une femme soumise souvent accompagnée d’enfants.
Au début du 20ème siècle, c’est toujours le même type de rapport qui est présenté, avec une nouveauté : l’homme préhistorique maltraite sa femme et la tire désormais par les cheveux… Hormis ce trait qui se voulait à priori drôle, le statut de la femme préhistorique n’évolue pas énormément jusque dans les années 60.
Femme - Préhistoire - Préhistorique - Claudine Cohen - Hominidés
Pour une majorité de chercheurs il existait au Paléolithique une division du travail basée sur le sexe et l’âge des individus : les hommes chassaient le gros gibier, les femmes et les plus vieux attrapaient les petits animaux, entretenaient le feu, cueillaient des baies…
Mais :
Pour Claudine Cohen : « …à l’homme chasseur s’ajoute donc la femme collectrice… » Rien ne peut étayer cette vision des sociétés préhistoriques qui est surtout une vision basée sur l’étude ethnologique des populations actuelles de chasseurs-cueilleurs.
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Sophie Archambault de Beaune indique que ces reconstitutions ne sont pas évidentes car elles présupposent que tous les chasseurs-cueilleurs ont le même comportement où qu’ils soient sur la planète, ce qui n’est pas le cas… et également qu’il existe des activités prédestinées aux femmes ou aux hommes, ce qui n’est pas démontré non plus !
L’étude des « sites de chasse » montre qu’il s’agissait le plus souvent de site de charognage. La chasse au gros gibier n’est apparue qu’au Paléolithique supérieur : la majorité des apports alimentaires était issue de la cueillette et des collectes diverses. Les baies, les fruits, les tubercules, les insectes, les larves, les petits gibiers étaient probablement plus souvent au menu que le mammouth. Ces activités pouvaient aussi bien être réalisées par des femmes que par des hommes.
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Quel fut le rôle des femmes dans ces pratiques culinaires? On peut se méfier des poncifs qui relèguent la femme aux fourneaux. Cependant, si elles furent expertes dans l’art de sélectionner les graines, les baies, les plantes et les herbes, elles purent certainement participer à la préparation des repas. La cuisine ne commence-t-elle pas avec la cueillette et la sélection des plantes les plus savoureuses et avec l’art d’accommoder les aliments à l’aide d’épices appropriées? La part des plantes, des tubercules, des légumes, fruits, noix et herbes, dans les repas devait varier en fonction des saisons et du climat. Nous savons peu de choses des ustensiles, des menus, de la préparation des mets et des recettes, des épices. Mais nous pouvons soupçonner que ceux qui ont peint les flamboyantes fresques de Lascaux et de la grotte Chauvet , étaient loin d’être ces «sauvages» faméliques et misérables, errant sur la terre à la recherche d’une maigre pitance que l’on se plaît parfois à représenter. Leurs squelettes et leurs dentitions ne montrent pas de graves carences; ils avaient une alimentation riche et équilibrée, et les femmes durent apporter une part essentielle à la subsistance et à la préparation des repas, au développement du goût, des assaisonnements, des préparations, contribuant ainsi, des millénaires durant, non seulement à la survie du groupe mais aussi au développement de la civilisation.
Cependant, dans les sociétés actuelles de chasseurs cueilleurs, comme c’était sans doute le cas dans les groupes préhistoriques, les activités productrices des femmes sont loin de se limiter à l’espace du «foyer». Elles se déplacent sur de longues distances, tout en portant leurs enfants. Les activités de cueillette - souvent négligées ou sous-estimées par les ethnologues ou les archéologues mâles - les obligent à parcourir de vastes territoires. En outre, l’espacement voulu des naissances n’oblige pas à une immobilisation constante auprès de nourrissons. La division sexuelle du travail dans ces sociétés ne peut être justifiée par une sédentarité nécessaire des femmes.
Qui plus est, les femmes ne sont pas toujours exclues de la chasse, elles y participent de maintes façons : chasse au petit gibier en Australie (elles déterrent le bandicoot à l’aide d’un bâton à fouir, ou l’opossum en l’enfumant), mais aussi au gros gibier, souvent pour le rabattre, tandis que l’homme reste immobile, à l’affût. « Partout dans le· monde, chez les Indiens d’Amérique du Nord comme chez les Aborigènes d’Australie ou chez les Pygmées, les femmes participent aux chasses collectives qu’au titre de rabatteur, s’intégrant donc au groupe le plus mobile»: intéressante inversion des rôles classiquement attribués aux femmes, celles-ci étant alors plus mobiles que les hommes. Si elles ne mettent pas à mort, les femmes peuvent jouer un rôle à toutes les étapes de la chasse - déchiffrer des traces du gibier, le poursuivre, le rabattre. Elles se chargent aussi de ramasser des animaux tués au piège. Un autre type d’activité de subsistance souvent dévolu aux femmes est la récolte d’insectes, de larves, d’escargots ou de coquillages sur les bords de rivières ou au bord de la mer. Ce ramassage constitue un apport important en protéines animales. …
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