Posté en tant qu’invité par Rémi Thivel:
L’Association Passe Murailles tient son assemblée générale ce samedi 31 mai à 17 h au Casino d’Ax les Termes (en même temps que le Festival de l’Image de Montagne).
Un débat autour du plan de rééquipement du Caroux est prévu. Nous espérons vous y voir nombreux.
Je n’ai pas eu le temps de m’intéresser aux tenants et aboutissants de ce dossier et je connais assez peu le Caroux, pour l’avoir fréquenté seulement à quelques reprises il y a environ 20 ans, à l’époque où je voulais devenir René Desmaison et me jetais frénétiquement sur ses voies en espérant toutes les gravir un jour.
J’ai souvenir d’une escalade aux approches aventureuses, aux retours humides et aux parcours dénués de tout artifice. En tout cas de belles journées dans une nature brute. Je commençais à peine l’escalade et réussissais les V/6a en falaise avec vent favorable seulement. Muni d’une poignée de coinceurs et de friends, je me souviens avoir transpiré dans pas mal de fissures mais nous étions surement poursuivis par une chance inouie puisque nous nous en sommes systématiquement sorties vivants, fiers et heureux)
Une suite logique de ces rares séjours au Caroux a été la Muraille de Pombie à l’Ossau, que les gouttes de sueur laissées au Caroux nous ont permis d’aborder avec plus de sérénité.
Je vous raconte ma vie, ça n’a pas d’intérêt, mais c’est pour dire que le maintien de ces terrains « passerelles » laissés vierges permettent aux grimpeurs de s’exercer au TA (comme on dit maintenant) sans se retrouver directement confrontés aux aléas de la haute montagne. Pratiquer ces terrains « écoles » non aseptisés permettra à celui qui rêve de futures murailles pyrénéennes ou de faces nord alpines d’investir sur son avenir et sa sécurité une fois plongé dans le grand bain.
L’argument sécuritaire des plans de réquipements ne tient pas toujours pour deux raisons :
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si ne laisse pas une place aux écoles d’aventures de « plaine », le pratiquant n’a pas de possibilité de faire une transition sereine entre l’école et la haute montagne.
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les rééquipements dans des secteurs qui requièrent d’autres qualités qu’un niveau technique pur (c’est le cas du Caroux avec des approches et retours parfois compliqués, un rocher fracturé peu adapté aux descentes en rappel) attirent souvent un public qui n’aborde pas toujours le terrain avec la bonne perception de son environnement. Un exemple : lorsque certains ont installé des ancrages de rappel dans les cheminées de l’Ossau, tout un public s’est dit que le voie normale était désormais plus facile à descendre. Sauf que personne ne prend un rappel de 100 m pour faire l’Ossau et que la plupart des gens qui utilisent les points en haut de la troisième cheminée avec leur bout de corde de 40 se retrouvent en fin de rappel dans du terrain peu sûr excentré de la VN, sans possibilité de faire une autre rappel. Avant que ces points soient installés, tout le monde désescaladait en réfléchissant un peu les escaliers obliques en II et tout allait bien.
Je finis, car ça y est je commence à m’emporter et je ferais mieux d’aller me coucher, je pense qu’il faut des terrains pour toutes les formes de pratiques. Les calcaires ou conglomérats compacts d’Orlu, du Quié, du pic du Gard, des Terradets, de Villanova, de Riglos, j’en passe et des meilleures sont équipées « clef en main » et permettent à celui qui aime ce type d’escalade (dont je fais partie) d’occuper déjà un certain nombre d’années de grimpe. Les fissures épurées du Caroux, de l’Ossau, d’Ordesa, de Montrebey, du Luchonnais, permettent aux mêmes de gouter à d’autres formes d’escalade s’ils le souhaitent et aux aficionados (dont je fais partie) d’occuper quelques années également.
Les Espagnols veillent à mon avis beaucoup mieux que nous au respect des différentes formes de grimpe, voir des falaises comme Vilanova où se cotoient des longueurs d’A5, IV+ tout inox et des 6B « buscandose la vida ». Je me méfie toujours comme pas mal d’entre-vous ici d’après ce que j’ai lu des grands plans quinquénaux de rééquipement à la française pour le bonheur et la sécurité des pratiquants, car là ne sont pas toujours les vrais enjeux…
Désolé d’avoir été long !
Rémi Thivel
Guide de haute Montagne