Quelques éléments pour faire avancer cette discussion qui est toujours d’actualité (et pour répondre aux auteurs de post plus ou moins méprisants, même si c’est plusieurs années après…)
La problématique du froid aux mains est complètement indépendante de la résistance générale au froid. C’est avant tout une question physiologique individuelle de circulation sanguine. Entre l’alpiniste qui grimpe mains nues par -20°, et celui qui souffre du syndrome de Raynaud, il y a une infinité de situations individuelles.
Il n’y a pas de mécanisme d’habituation. Au contraire: même sans aller jusqu’à la gelure, chaque épisode de refroidissement excessif suivi d’onglée crée de micro traumatismes au niveaux des capillaires sanguins et des terminaisons nerveuses, qui rendent les doigts de plus en plus sensibles au fur et à mesure des années. Cela vaut aussi bien chez les amateurs que chez les guides. L’évolution ultime, c’est le risque de gelure et d’amputation. Si vous trouvez ça drôle…
De nombreux alpinistes n’ont jamais froid au corps ni à la tête, même avec un équipement léger, et de moins en moins froid aux pieds, les fabricants de chaussures ayant fait de gros progrès ces derniers temps, mais continuent à avoir de sérieux problèmes de froid aux doigts. Même en applicant tous les conseils habituels (bien couvrir la tête et le corps tout en évitant la surchauffe et la transpiration, jouer avec les couches pour réguler au mieux, éviter le matériel trop serré et les points de compression, alterner gants et mouffles quand il n’y pas besoin de manip techniques, bouger les bras les mains et les doigts, ne pas rester la main crispée sur le piolet, ne pas rester les bras en élévation, bien s’hydrater…), il y a des jours ou ça ne suffit pas.
Les chaufferette jetables? L’efficacité est très limitée. Comme signalé plus haut, la réaction chimique a besoin d’oxygène: il n’y en a pas beaucoup qui circule à l’intérieur du gant, et il y en a encore moins à 5000-6000m. De plus, le transfert de cette chaleur jusqu’au bout des doigts n’est pas du tout assuré. Il est tout à fait possible d’avoir un arrêt complet de la circulation sanguine suivie d’une onglée au pouce, tout en ayant une chaufferette dans la paume de la main.
Changer de sport ? Parce pour vous, la montagne, c’est un simple sport ? Désolé, mais pour beaucoup d’entre nous, même amateurs, c’est plus que ça. C’est une passion pour laquelle on sacrifie énormément, en temps, en argent, en compromis dans notre vie sociale, affective ou familiale, pour ce besoin vital et ce sentiment de plénitude que l’on retrouve sur les parois et les pentes enneigées, et nulle part ailleurs.
Parmi les gants non chauffants, hors mouffles, les gants les plus « chauds » actuellement sont peut être les gants 2en1 de type BD Guide ou Mammut Meron Thermo, avec un gant interne en primaloft. Malheureusement, ils ne sont pas du tout adapté à l’alpinisme: le sous gant n’a aucune résistance et aucun grip, peut difficilement être utilisé sans le sur gant pour des manip de précision, et l’ensemble est horriblement difficile à ré-enfiler dés qu’on a les mains un peu humides. Ok pour le ski, mais pas pour l’alpinisme avec des passages techniques.
Les gants avec batterie existants actuellement (Thermic au autres) sont plutôt orientés ski : pas de sous gant amovible, coutures simples qui ne tiendraient pas longtemps au contact d’un piolet ou du rocher. Alors oui il est tout à fait légitime de se poser la question d’un matériel orienté alpinisme.
Le cahier des charges ? Idéalement, un gant 2 en 1, avec un surgant étanche et resistant pour la progression générale (coutures doubles, renforts en cuir ou en cordura), et un sous-gant type de type polartec/windstopper avec une bonne dextérité, que l’on pourrait garder permanence lorsqu’il faut des manip de précision par -20°, et qui devrait avoir quand même un minimum de grip et de résistance à l’abrasion. Les résistances chauffantes doivent-elles être dans le sous gant ou dans le gant extérieur? Aux ingénieurs de décider la solution la plus appropriée, l’important, c’est qu’elles aillent bien jusqu’au bout des doigts. L’ensemble devrait être déjà bien isolant en lui même, et ne nécessiter l’usage de la batterie que de manière occasionnelle lorsque les conditions devient vraiment difficiles. Encore un fois, l’idée n’est pas de rechercher du confort comme si on était à la plage sous le soleil, mais d’avoir une sécurité en cas de grand froid, et de continuer à vivre sa passion sans voir finir ses dernières phalanges dans la poubelle du bloc opératoire.