Posté en tant qu’invité par le loup:
Charlotte Durif (CAF Chalon) pour une reconnaissance arc-en-ciel
La montagne, son histoire, sa légende, partenaire d’une talentueuse jeune fille
Ses récentes réussites hors normes, sur falaise, venant en complément de podiums sur les étapes de coupe d’Europe, autorisent la petite minime chalonnaise à revendiquer une place dans le gotha mondial.
Sûr de lui en proposant une voie estampillée 8b, c’est-à-dire touchant aux limites atteintes par les meilleures spécialistes féminines, le hasard lui-même a dû avouer son impuissance. Une petite fille a, d’un coup d’oeil, lu le tracé, appréhendé les difficultés pour clôturer une impressionnante série de résultats désormais gravés sur la roche des falaises de l’Aveyron. Mais derrière ces performances, invitant l’escalade au-delà de l’ordinaire, se confirme l’existence «d’un gros travail entrepris depuis l’automne dernier,» comme l’explique Christian Durif, le papa. L’entraîneur, qui reconnaît être bousculé tout autant en ses certitudes par la progression de Charlotte.
«Moi aussi, je découvre le sujet,» même si un proche passé d’alpiniste aguerri autorise «à sentir les choses;» et donc à trouver les axes de préparation nécessaires pour prévenir tout risque de blessure en une discipline obligeant à une délicate dualité entre explosivité et endurance. D’où, comme cet été, le recours à un véritable périple européen d’entraînement en milieu naturel, menant la jeune Bourguignonne en Slovénie, sur le site mythique de Misja Pec, mais aussi en Italie sur le célèbre mur d’Arco-Massone. Et avant de rejoindre l’équipe de France, Charlotte travaillait sa puissance sur blocs du côté de Targassone ou défiait les colonnettes de Rodelare en Espagne.
Concrètement, la petite minime du CAF enchaînait deux jours de sorties avec vingt-quatre heures de récupération. «Son truc, c’est de travailler dans la continuité, et de plus en plus durement, comme le permettent ses qualités de résistance,» et surtout cette aptitude presque innée «à gérer la récupération en grimpant;» élément déterminant par exemple «pour se ressourcer les bras lors d’une ascencion.» Le constat, comme l’impression visuelle, toute de facilité, rendant compte d’un énorme bagage technique acquis par plus de six cents voies côtées au-delà du sept. Autre façon d’énoncer que Charlotte sacrifie avant tout à une passion; «elle n’a pas d’exercice spécifique à effectuer quand elle grimpe; elle monte simplement très lentement ses voies d’échauffement en soignant ses prises de pieds.» La suite associe plaisir et expérience. Et justifie de légitimes ambitions avant l’échéance mondiale.
Rencontre ou succession ?
Car si l’été rappelle le succès de la jeune fille sur le Contest Bloc de Bethoncourt aux dépens d’Elodie Giroux, de l’équipe de France seniors, ou sa victoire lors de l’open international jeunes de Chamonix, ignore-t-il l’original cadeau d’anniversaire que Charlotte s’est offert le jour de ses quatorze printemps. L’histoire n’avançait, elle, qu’un mois d’âge, avec, début juillet, la finale du Rock-Trip de Millau-Cantobre, authentique rendez-vous des meilleurs spécialistes mondiaux en falaise. Charlotte, la plus jeune des concurrentes, obtenait le droit, en sortant notamment deux voies à 8a, de faire corde commune avec la plus âgée des participantes, certaine Lynn Hill, véritable légende de l’escalade. L’Américaine, lauréate du mondial indoor de Grenoble en 87 par exemple, ayant décroché ses lettres de noblesse en «délivrant» d’une première ascension en libre les mille mètres de granit du Nose dans le Yosémite (Californie), en 93.
D’ailleurs, la vétérane US resterait seule, encore, à maîtriser le 8b+ de Millau. Jusqu’au 17 août dernier, où, après une heure quinze d’efforts, Charlotte qui «n’était partie que pour travailler,» sans ses chaussons de compétition, touchait à son tour au sommet.
A défaut de passation de pouvoirs, cette réussite et plus encore cette rencontre traduisent sans doute l’avénement d’une nouvelle étape. «Le contact d’une championne de son petit gabarit a révélé à Charlotte des accessibilités techniques supplémentaires.» Tenante du titre mondial, la tchèque Sylva Rajfova, devancée par la jeune chalonnaise en finale du masters international de Serre Chevalier, avait, elle aussi auparavant, reçu l’avertissement.
Sous maillot tricolore, Charlotte se mesurera donc aux blocs d’Edimbourg, du 10 au 12 septembre, pour que son empreinte, déjà parfaitement lisible sur les rochers, devienne paraphe au bas des palmarès.
Claude Casseville