Il semblerait que la disparition de Cambon a eu un effet de laisser aller à Ailefroide. Bien sûr, les couennes en 7 et 8 sont toujours choyées, nettoyées, rééquipées et toujours plus nombreuses.
Mais dès lors que nous nous éloignons du terrain de jeu de l’élite grimpeuse, force est de constater que nombre de voies et d’écoles n’ont plus connu élagage des branches gênantes et brossage de la mousse et du lichen depuis des années. Je ne citerai que l’ex-bijou de propreté que fut Chlorophylle, désormais parsemé, dans sa partie gauche, de réglettes ou anfractuosités, bouchées par de la mousse, ce qui a hissé d’un ou deux crans le niveau réel des lignes.
Par ailleurs, la direction du camping est bien loin du style cool et amical qui est de mise (ou était de mise) dans le milieu de la grimpe. Accueil froid (pour rimer avec Ailefroide ?), passage du contrôleur des plaques de tentes à 23h , avec remarques sur le fait que vous avez allumé vos phares le temps de retrouver un objet ou que vous avez laissé le moteur allumé pour vous réchauffer 5 minutes.
Mais tout cela n’est rien à côté de l’insécurité qui y règne.
Vol ? Inutile de cadenasser vos affaires, on ne vole pas (encore) les smartphones en chargement aux sanitaires ou à la salle commune.
Si vous vous voulez garantir votre intégrité physique, prenez des cours de boxe ou de tel ou tel sport de combat.
Je m’explique. Ayant plié ma tente qui fuyait, je m’étais garé non loin du bureau du parking. Pas de panneau ni de marques au sol pour signaler une interdiction. Je m’installe au sol pour faire cuire des œufs durs en vue d’aller grimper du côté de la Fissure.
Arrive le patron du camping, air peu commode. « Vous êtes garé sur un emplacement du Camping, remballez vos affaires, partez immédiatement, ça vaudra mieux pour tout le monde », le tout sur un ton de cow-boy à la Castaner, menaçant et ironique. Nous rangeons notre réchaud et soudain, je suis pris d’un réflexe de justice face à un comportement aussi autoritaire et absurde (le camping était presque vide et je réclamais 10 mn pour faire mes œufs) et je m’élance vers le local d’accueil où je retrouve le patron-vigile. Je me contente de lui dire d’un ton impérieux « Monsieur, non seulement vous n’êtes pas aimable, mais vous êtes impoli. »
La réaction du vigile fut de m’insulter « Je n’en ai rien à foutre, je t’emmerde, barre-toi ». Puis il fonce sur moi pour me donner un coup de poing ! J’esquive de telle façon que le coup porte à peine et je m’apprête à riposter. Mais l’impressionnante efficacité de mon compagnon de cordée crée un mur pour nous séparer. Dehors, le gougnafier cherche de nouveau à en découdre mais cette fois à mon ami, un agent du camping vient renforcer le mur de sécurité entre lui et moi. Le patron-vigile se met alors à se moquer de moi en lâchant : « regarde-toi, petit vieux, tu tiens à peine debout ». Effectivement, je porte les séquelles de graves blessures et la veille, un petit vol m’avait fait heurter deux orteils possiblement fracturés. Je l’invite à le retrouver en un lieu discret sans témoin mais là, il s’en retourne à sa cabane d’accueil, sous, je dois le confesser, une pluie d’insultes. Nous repartons, bien choqués par cette attitude si peu commerciale, jurant que jamais nous ne reviendrons sur Ailefroide.
Et vous, amis grimpeurs, irez-vous, comme certains chaque année, en un lieu naguère si sympathique outre qu’entouré d’un écrin si beau, devenu un vestige de son passé glorieux ?