Posté en tant qu’invité par J.Marc:
Il me semble difficile de comparer une pratique courante - tenter d’enchaîner à vue les 10 longueurs d’une grande voie moderne par exemple - et une pratique plutôt incongrue - choisir d’enchaîner à vue 10 couennes (au choix) sur une falaise sportive.
Mais en jouant le jeu, il me semble que deux facteurs (entre autres) font la différence - rendant la seconde version plus facile - :
- le repos pendu dans le baudrier ne peut rivaliser avec un repos confortable au sol, et il est plus facile d’optimiser la durée du repos au sol ;
- la grande voie impose l’ordre des longueurs : il est plus difficile d’enchaîner 6c, 6b, 6a que 6a, 6b, 6c ; pour les couennes, on y va en général crescendo puis decrescendo.
Pour en revenir au niveau du grimpeur, et en se contentant du niveau à vue, il est d’usage de prétendre qu’on a le niveau 6b en couenne si on réussit à vue une voie de ce niveau à peu près 3 fois sur 4 (notion très subjective, je le concède, mais je vais essayer au moins de rester cohérent). Il parait aussi raisonnable de prétendre qu’on a le niveau 6b en grande voie si on réussit à vue toutes les longueurs d’une grande voie homogène dans le 6b, à peu près 3 fois sur 4 (très théorique tout ça, car assez rare finalement). Or il est bien plus dur de sortir à vue 10 longueurs de suite en 6b, qu’une seule. Si les probabilités s’appliquaient à ce cas de figure (en réalité c’est bien plus complexe, les longueurs n’étant pas indépendantes : plus on monte, plus on s’habitue au style de la voie, mais plus on se fatigue), on obtiendrait, pour notre grimpeur de 6b en couenne, seulement 1 chance sur 20 d’enchaîner 10 longueurs de ce niveau. Le même grimpeur réussit vraissemblablement 9 couennes sur 10 en 6a ; ses chances pour 10 longueurs en 6a passent à 1 chance sur 3. On peut penser qu’il réussira les 10 longueurs en 5c avec plus de 3 chances sur 4 de réussite. Ce qui abaisse son niveau grande voie à 5c ou 5c+. J’arrête là les chiffres, et en viens à ma conclusion.
Oui, il y a deux niveaux (à vue), celui en couenne étant supérieur d’une à deux lettres à celui en grande voie.
Ceci dans une optique purement sportive.
Dans une optique montagnarde, la seule bonne question, en terme de cotations, est le niveau obligatoire, qui doit être parfaitement maîtrisé en couenne pour espérer sortir la voie, quels que soient les moyens employés. Je ne comprends dailleurs pas qu’encore beaucoup de topos ignorent cet indicateur.