Yannick

Posté en tant qu’invité par Francois:

Bon,
Qu’est-ce que je fais?
Je mets tout d’un coup?
Mais ce serait un peu long…
Ou alors je débite en tranche? comme le saucisson Justin Bridou?
Mais on va me dire « ouais! tu nous mets l’eau à la bouche et après, tu ne termines même pas etc… »

Allez, comme j’ai pitié de vos petits neurones fragiles,je vais saucissonner en trois:

Cette histoire, particulièrement cruelle, n’est pas à recommander aux adultes.

Il était une fois, en 1970…
Ou 71…
Ou peut-être 72 ?

Bref, dans ces années-là. C’est-à-dire, il y a… euh… voyons voir…
Deux mille six moins mille neuf cent soixante et onze… euh… un ôté de six reste cinq sept ôté de dix reste trois neuf et un dix ôté de dix reste zéro un et un deux ôté de deux zéro. Ce qui nous donne…

Trente cinq ans.

Gasp !

Trente cinq ans ?
C’est pas possible…

Trente - cinq - ans !!!???
C’est pas possible !!!

Mézalor, mézalor…

Ben mon vieux (oui, bon, je t’en prie, n’insiste pas), ben mon vieux (oui, ça va, on a compris), comme ça passe…

Donc on avait tourné le coin de l’éperon au-dessus du patelin, et tout là-haut là-haut, le refuge. On venait pour la première fois dans ce vallon.
Lequel ?
Ben je vous laisse deviner. Avec tous les indices que je vais semer et comme vous êtes des petits malins, vous trouverez facilement.

Faut dire qu’à l’époque, mon copain Bernard et moi, on préparait l’aspi. On voulait être guide, comme tout le monde à cet âge là, quoi. Moi, je voulais être guide à cause du beau pull rouge qu’on voyait de loin,

  • Regarde… un guide… c’est un guide…

[Murmures respectueux et regards admiratifs. Bouche bée, le plouc voûte les épaules, rentre le ventre et s’efforce de disparaître dans le talus pour laisser le chemin libre au demi-dieu.

  • Regarde, fiston, un guide…
    Fiston, 12 ans, n’en a rien à faire et s’adonne à une activité autrement plus intéressante : Fiston balance des cailloux dans la pente. D’ailleurs, Fiston n’a pas demandé à venir ici. Fiston voulait jouer au baby-foot avec ses copains, mais à 12 ans, c’est dur de faire prévaloir ses droits légitimes. Une paire de baffes a réglé la question.
    (Note de l’auteur: le baby-foot était la pléstécheune de l’époque).
    Quant à Madame, après avoir évalué la bête d’un regard de maquignon (dentition saine, belle musculature, ça fera de l’usage…), ce qui lui fait souci, c’est ses cuisses rouges- écrevisse. Elle a pris le soleil.]

Et à cause de la médaille qui en fichait plein la vue, et à cause du sourire dentifrice ravageur qui faisait chavirer les regards et se pâmer les demoiselles. Question filles, ça facilitait pas mal les choses, d’après notre documentation. Pasque on s’était documenté, vous pensez bien…

Rassurez-vous, j’ai raté l’aspi. D’un poil, mais je l’ai raté. Sur le coup, j’en étais vert de rage, surtout que mon copain Bernard, lui, a réussi. Après quatre essais, il est vrai… D’ailleurs, je me suis vite consolé en voyant les autres sauter les piquets assez régulièrement, années après années.
Et hop !
Et encore un !
Combien il en reste ?
Bon, finalement, je ne suis pas guide, mais je suis toujours là.
Donc tout ça pour expliquer le pourquoi du comment qu’on était en train de transpirer à grosses gouttes sur ce foutu chemin de ce foutu refuge.

  • T’as vu ?
  • Quoi ?
  • Ben ça fait au moins une heure qu’on marche, et ce foutu refuge ne s’est même pas rapproché…combien de temps qu’ils disent, dans le topo ?
  • Trois heures…
  • Trois heures…putain, trois heures…
    J’étais plus trop sûr de vouloir faire le guide.

Si c’est ça, le quotidien du guide…se taper des montées à transpirer sous le cagnard, à se peler sous la neige, à se mouiller sous la pluie…avec un gros sac…avec un connard de client qu’avance pas…un bon petit boulot bien peinard, voilà ce qu’il me faut. On rentre du turbin le soir, on s’installe peinard sur la terrasse, un bon jus de pamplemousse bien frais, avec des glaçons qui font bling bling quand tu remues le verre, un bon bouquin…
Peinard, quoi…peinard.
Et la montagne…
Ben la montagne, les vacances…ou le ouiquende.
Si y’a pas de match…
Comme ça, tu n’es pas soumis aux aléas d’un abruti de client qui veut absolument faire l’Index, déjà commis vingt huit fois et demie cette saison, sans compter les fois ousque tu l’as raté à cause de la pluie… mais tu prends quand même une journée de guide, hein, faut pas rigoler.
Les affaires sont les affaires. Faut pas tout mélanger.

[Par exemple, aujourd’hui, le client, qui est une cliente, me dit :

  • Monsieur le guide, je voudrais faire l’Index.
    (J’en étais sûr… Mais qu’est-ce qu’ils on tous avec leur Index)
    Mais, Madame la cliente -pour simplifier, appelons la… je ne sais pas, moi…au hasard…tiens, appelons la Martine- mais, Madame Martine, c’est très joli, l’Index. Je vous propose cependant quelque chose d’encore plus joli : l’arête des Papillons, au Peigne.
    Non, non, c’est l’Index, absolument, Madame Martine veut absolument faire l’Index. Les Papillons, je ne dis pas, mais on verra plus tard.
    Mais qu’est-ce qu’il a cet Index ?
    M’a tout l’air d’être une emmerdeuse, celle-là… Les clients qui n’avancent pas, les emmerdeurs, les emmerdeuses et les emmerderesses… parlait pas de ça dans ses bouquins, le Gaston…]

Bien sûr, tu n’as ni pull rouge, ni médaille, ni regards énamourés des belles de passage, mais si tu ne veux pas y aller, tu n’y va pas. Alors que, quand tu es guide, si tu ne veux pas y aller, ben tu y vas quand même…

J’en étais là de mes réflexions.

Le Bernard, qui transpirait devant, s’arrêta net et dit :

  • Finalement, chais pas si c’est une bonne idée…
  • Une bonne idée quoi ?
  • Ben de faire l’aspi…
  • Qu’est-ce que tu racontes ? tu te dégonfles ? tu veux plus faire le guide ? je ne te comprends pas…c’est pourtant super, faire le guide ; tu grimpes tout le temps !
    Le Bernard me rétorquit que tout le temps, tout le temps, c’est vite dit, j’en suis pas si sûr, et t’as pensé aux jours de mauvais temps, aux clients qu’avancent pas ettsétéra ? et si tu te casses la jambe ? ta saison est foutue…
  • Tout ça, c’est des histoires de bonnes femmes, que je l’ai remballé, qui est-ce qui t’a fourré des idées pareilles dans la cervelle ? Si tu te mets à penser à ces trucs là, faut plus faire de montagne, mon pauvre ami, faut regarder les matches à la télé. Et puis, les guides ne se cassent pas la jambe. Je n’ai jamais vu de guide avec une jambe cassée. Les guides, c’est des demi-dieux, que je lui ai dit, histoire de lui recaler le moral sous la casquette.

Finalement, je vais saucissonner en plus que trois. Il y a quand même treize pages Word. C’est long et comme maintenant on n’a plus l’habitude de lire…

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par CVU 47:

La suite ! la suite ! Monsieur François Yannick !
Siou plé … Meussieu …

( Je crains le pire )

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Ben alors, serait-ce le début d’ une saga ?
En tout cas, chapeau !!!

A quand la suite ???

Posté en tant qu’invité par p’tetbenquoui:

ah, le retour tant attendu de la prose à François !

bravo, tjrs aussi prenant, et ce qui est encore plus rassurant, c’est de savoir que la fin est déjà écrite, ça nous laisse espérer d’avoir un jour la fin, même saucissonnée !

    ;o)))

Posté en tant qu’invité par catherine:

p’tetbenquoui a écrit:

bravo, tjrs aussi prenant, et ce qui est encore plus rassurant,
c’est de savoir que la fin est déjà écrite, ça nous laisse
espérer d’avoir un jour la fin, même saucissonnée !

tout a une fin, sauf le saucisson qui en a deux !!!

Posté en tant qu’invité par catherine:

Francois a écrit:

Non, non, c’est l’Index, absolument, Madame Martine veut
absolument faire l’Index. Les Papillons, je ne dis pas, mais on
verra plus tard.
Mais qu’est-ce qu’il a cet Index ?
M’a tout l’air d’être une emmerdeuse, celle-là… Les clients qui
n’avancent pas, les emmerdeurs, les emmerdeuses et les
emmerderesses… parlait pas de ça dans ses bouquins, le Gaston…]

euh… c’est quoi cette histoire d’index ?
je précise que ce Francois-Yannick n’a rien à voir avec mon JC à moi !!!
… des fois que certains y songeraient…

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par jc:

Alors bon, voilà: une remarque, une rectif, un compliment et une question:

  1. Compliment: super prose, j’adore, surtout les mots style plestécheune.
  2. Remarque: tous ces monchus, faut les mettre à l’index: tu vois c’est simple!
  3. Question: 3h de montée, c’est les topos qui le disent?
  4. Rectif: chez moi on ne dit pas « rétorquit » mais…Etorki, le véritable fromage de brebis!

Allez envoie la suite ou je pirate ton ordi!!!

Posté en tant qu’invité par marco:

je crois que j’ai compris:
le François, il attend d’avoir au moins 20 posts de compliments pour nous mettre la suite à lire…
Donc, faites des compliments, et ça va arriver!

Posté en tant qu’invité par poufsoufle:

Grandiose …

bon écoute… c’est simple, …tu fais un copier - coller…

nous on attend que ça …

et puis 3 heures de marche d’approche …c’est vague… ils nous faut plus d’éléments là !!!

Posté en tant qu’invité par CVU 47:

Compliments François !

Posté en tant qu’invité par Francois:

A la demande générale, et bien que les 20 posts de compliments se fassent attendre, je vais condescendre à vous balancer la suite.

Suite:

Puis on a rechargé les sacs, des p… de gros sacs pleins de cordes et de ferrailles,
et davaï !
En plus, c’est moi que je me tapais la corde. C’était MA corde, achetée à prix d’or avec MES économies. Une belle CDS (Corderie De la Seine) rouge et bleue. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de choix dans les coloris, c’était rouge ou c’était bleu.
Ou bien bleu ou rouge.
Facile à reconnaître : le rouge était rouge et le bleu était bleu. Pas besoin de savoir lire.
Il n’y avait pas alors ces coloris chatoyants et ces délicieux camaïeux de maintenant.
Les chemises ? bleu ou rouge !
Les guêtres ? rouge ou bleu !
Les sacs ? bleu ou rouge !
Les casques ? rouge ou bl… ah non, rouge ou blanc, les casques. D’ailleurs, le casque était peu porté, ça faisait frimeur.
La trouille ? bleu ou rou… ah non, bleue ou verte, la trouille.
La boisson ? rouge ou … ben comme les casques, la boisson. D’ailleurs, on a toujours besoin d’une petite boisson rouge.

Donc voilà, vous avez compris que tout ce qui n’est pas rouge est bleu et réciproquement, et tout ce qui n’est pas vice est versa, sauf les exceptions que j’ai dites et celles que j’ai oubliées.

Pourquoi je portais la corde ?
Bin c’était un petit arrangement entre nous.
La corde, c’était 4,5 kg alors que la ferraille, c’était 3 kg (on avait pesé) mais…mais les sacs d’alors n’étaient pas ce qu’ils sont actuellement, avec dos en ABS, rembourrage en ergonomique d’hexaméthylène diamine à réglage automatique (à infrarouge) et ceinture lombaire anatomique s’adaptant (parfaitement) à la morphologie que porter en est un véritable plaisir, paraît-il.

(J’ai pas remarqué…).

Le sac d’alors, c’était donc un vrai sac : quatre coutures, deux bretelles, quelques œillets au-dessus pour fermer et comme ceinture lombaire anatomique s’adaptant (parfaitement) à la morphologie, une vague sangle pour pas que le sac te passe par-dessus la tête dans les passages tordus. En nylon, tout en nylon, même le dos…

J’ai nommé le « Sherpa double hauteur » des Ets Millet. Poids 750 grammes.
Absolument incontournable.

  • Absolument ?
  • Absolument.
    J’ai essayé : impossible.
  • Impossible ?
  • Impossible.

Donc voilà. La corde, plus lourd mais plus confortable. On la disposait judicieusement contre le dos et tranquille Emile. Alors que la ferraille, même disposée avec judicieuseté, on avait toujours un mousqueton ou un acier quelconque qui venait sournoisement broyer l’une ou l’autre vertèbre. Très désagréable. Très.

  • On continue ?
    Pasque c’est pas les considérations sur les tenants et les aboutissants qui vont nous rapprocher du refuge, tout là-haut là-haut.
    Allez ! on boit un p’tit coup et on continue…
  • Passe-moi la gourde.
    (Gourde alu cabossée par les chutes et les accès de mauvaise humeur)
  • glou glou glou, ahhhh ! glou glou glou et glou et glou…
  • eh ! ho ! tu m’en laisses, oui ?
    En fait de blanc ou de rouge, le p’tit coup, c’était tout bonnement de l’eau. Le blanc ou le rouge, c’est des fantasmes littéraires, ça fait bien dans les textes. Mais dans la réalité des pierriers instables de l’Oisans ou des parois verticales qui se redressent encore, on marchait à l’eau du robinet. Glou glou. Comme tout le monde.

Le Bernard examinait le truc d’un air inquiet et me dit c’est drôlement pointu ce truc.

  • Dis donc, c’est drôlement pointu, ce truc, c’est même carrément piquant…
  • Ah ah !
  • Quoi, ah ah ?
  • Eh ben…carrément piquant…
  • … ?
    Il est bien gentil, Bernard, mais il manque parfois carrément de finesse (hi hi). Faut lui expliquer et c’est un peu lourd, parfois.
  • Et il y a plusieurs voies, dans cette face ? si on peut appeler ça une face…t’as vu si c’est fin ? où est-ce qu’ils ont mis les voies ?
  • C’est vrai que la finesse, c’est pas ton truc…
  • Quoi ?
  • Rien…
    (Bernard était un adorable compagnon, mais de temps en temps, il fallait lui expliquer des trucs.)
  • Celle-là, dis, bonne à grimper !
    Qu’il me fit.
    Ce Bernard avait parfois d’étonnantes fulgurances d’esprit. C’était surprenant. Fallait croire que le grivois lui convenait. Pour moi, la forme de ce fichu sommet ne faisait pas particulièrement penser à une femme à déflorer… au contraire… et l’inquiétude me gagnait sur ce qu’il allait nous arriver si on s’assoyait là-haut. D’autre part, je souhaitais vivement que cet échafaudage attendît qu’on fût parti pour se casser la gueule.

A force de mettre un pied devant l’autre, finalement, nous arrivâmes au refuge. Le gardien
nous accueillit chaleureusement.

  • C’est 15 francs la nuitée.
    Le gardien, une espèce de pithécanthrope hirsute tout droit issu des forêts impénétrables de Sumatra, nous informa aimablement :
  • 70 francs la demi-pension. Vous prenez ?
    Non, on ne prenait pas.
    Le primate tourna le dos et regagna sa tanière. Pendant trois jours, il nous ignora superbement. Au soir du troisième jour, le chimpanzé émit quelques grognements selon lesquels nous comprîmes que :
  • Quatre nuitées, ça fait 60 francs.
    Ainsi, cet être était doué d’un langage articulé. Peut-être même savait-il lire et écrire ? en tout cas, il savait compter.… accablés de tant de prévenance, nous payâmes sans piper.
    Mais j’anticipe…

Voilà, voilà… il y en a encore… bah, pour au moins deux fois.

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par david:

Le Francois, il exagere, c’est un vicieux. Il prend un plaisir malsain à nous faire attendre.
C’est qu’il est en position de force, le bougre.

Reprenons nous. Il nous faut changer de tactique: pas de compliments tant que la suite n’est pas arrivée!! :))

Bon, …ou alors un petit, juste un tout petit…?
Non! La suite ! La suite!

S’il te plait

maitre Francois.

Posté en tant qu’invité par CVU 47:

  1. Compliments François !
  2. Compliments François !
  3. Compliments François !
  4. Compliments François !
  5. Compliments François !
  6. Compliments François !
  7. Compliments François !
  8. Compliments François !
  9. Compliments François !
  10. Compliments François !
  11. Compliments François !
  12. Compliments François !
  13. Compliments François !
  14. Compliments François !
  15. Compliments François !
  16. Compliments François !
  17. Compliments François !
  18. Compliments François !
  19. Compliments François !
  20. Compliments François !

François les 20 y sont ?

LA SUITE !!!

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par dunixe:

rein compris !

Posté en tant qu’invité par CVU 47:

  1. Compliments François !
  2. Compliments François !

  3. Compliments François !
  4. Compliments François !

LA SUITE !!! S’il te plait, mon petit François !!!

Allez les filles, faut s’y mettre vous aussi si vous voulez la suite…

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par strider:

oui, très divertissant et très drôle…la suite!

je crois que tout ça risque de finir dans la rubrique récits mais c’est un peu comme pour un bon vin, laissons-lui un petit délai de vieillissement :wink:

Posté en tant qu’invité par Francois:

Bon, comme vous êtes sages, je mets la suite.

suite:

Le refuge était presque vide. Dans un coin, deux grimpeurs étaient attablés devant une bière et discutaient volets et couleur de persiennes.
Nous avions décidé de rester trois jours et de faire toutes les voies : face sud, face est, face ouest et même la voie normale.

Ha ! ha ! la voie normale !..

Quels ploucs !

Cotée PD…

Ils vont faire la voie normale !.. je me marre !

(C’est ça, marre-toi, Ducon, rira bien qui tombera le premier.)

Ben oui, quoi, pour la descente.
Parce qu’à cette époque où vous n’étiez pas nés, petits garnements, (même l’Urbain qui n’était pas encore en fabrication et peut-être même pas en état de projet) en ces temps pré- , voire proto- , historiques, il n’y avait pas de « lignes de rappel » équipées et donc, chose étrange, on descendait tout benoîtement par la voie normale. L’avènement du spit, de la chaîne et du maillon rapide a liquidé cette incongruité, avec l’aide mercenaire de la perforatrice à batterie.

Bernard feuilletait d’un doigt dégoûté une revue crasseuse jaunie par les âges cependant que, la tête entre les mains, je m’absorbais dans l’étude du topo de demain.

Il me causait bien des soucis, ce topo de demain, bien des soucis…

Notamment un passage qui me trottait dans la tête depuis trois jours comme une ritournelle, une incantation, vous savez, un de ces airs lancinants dont on n’arrive pas à se débarrasser…

« …et traverser horizontalement à droite sur une plaque absolument lisse et presque verticale (5 m ; VI, extrêmement délicat) jusqu’à une fissure… »

Topo du Massif des Ecrins, Devies, Labande, Laloue, tome 1 Meije-Ecrins, Arthaud, édition 1969, page 1 … C’est pas des âneries, vous pouvez vérifier.

Donc une plaque absolument lisse et presque verticale demande réflexion et même inquiétude. C’est ce que je faisais depuis trois jours : je réfléchissais et je m’inquiétais. Je m’inquiétais et je réfléchissais.
Et puis le VI (extrêmement difficile) représentait alors le summum de la difficulté, la « limite des possibilités humaines ».

Si, si.

C’est comme je vous dis.

Vu que l’escalade à main nue n’avait pas encore été inventée.

J’étais bon grimpeur, certes, mes camarades m’ayant surnommé « le maestro ». Mais tout de même… la « limite des possibilités humaines »… c’était inquiétant… vachement inquiétant… même pour un maestro… et puis ce VI, non content d’être extrêmement difficile, était en plus extrêmement délicat.

Il y avait là-dedans beaucoup d’extrêmement.

Un peu trop à mon goût.

J’ajoute que sur les topos de l’époque, la voie était indiquée par un simple pointillé. Il n’y avait pas ces petits ronds indiquant les relais, fondement d’audacieux calculs sur l’alternance des longueurs, et qui permettent maintenant, avec un certain succès, d’expédier le copain dans les passages qui… euh… comment dire ?.. qui ne t’intéressent pas.

Bernard me dit c’est prêt.

  • C’est prêt !
  • Quoi ?
  • Le repas… il est prêt.
    Bernard, de ses petites mains de fée, avait confectionné le repas : une boîte de cassoulet William Saurin mise à chauffer sur le bleuet. Le fond était brûlé, le milieu à peu près chaud, et le dessus froid.
    On avait l’habitude.
    Un peu lourd mais pas cher, parfaitement dégueulasse mais nourrissant. Depuis, je ne peux plus voir le cassoulet, même en peinture. Surtout le William Saurien…
    Bêêêê… ces espèces de saucisses gélatineuses… ces morceaux de bidoche qu’on ne sait pas si c’est du poulet ou du poisson… en fait, vu que le poulet est nourri à la farine de poisson et réciproquement…

Finalement, d’après l’étiquette, c’est du bœuf…

Absolument lisse et presque vertical…absolument lisse et presque vertical… comment expédier le Bernard en tête ?..
Oui, comment, hein ?
Comment ?..
Remarque, c’est une traversée… alors en tête ou pas en tête…

Absolument lisse et…

  • Regarde, la table à côté, les deux types…
    Bernard me coupa dans mes ruminations. Les deux types, c’était les types des volets et des persiennes (on a bien le droit de parler de volets et de persiennes en refuge, non ?).
  • Ben quoi, les deux types ?

…et presque vertical.

Pour me rassurer (croyais-je), lors de la préparation de nos conquêtes alpines, j’avais appelé à la rescousse le Petit Robert qui m’avait appris ceci :
Absolument : … 2° (avec un adj.). Tout à fait. V. Complètement, entièrement, foncièrement, totalement.
J’avais aussi regardé « Lisse » :
Lisse : adj. Qui n’offre pas d’aspérités au toucher. Surface lisse.
Tant qu’à faire, voyons « délicat » :
Délicat : … 2°. Dont l’exécution, par son adresse, sa finesse, fait apprécier les moindres nuances. V. Elégant, gracieux, joli, mignon.
Est-ce susceptible de qualifier un passage d’escalade ?
Je ne pense pas.
Donc voyons la suite…
… 3°. Que sa finesse rend sensible aux moindres influences extérieures. V. Fin, fragile, sensible.
Même question : est-ce susceptible gna gna gna…
« Fin », à la rigueur, peut-être en ballerine et à mains nues… mais en grosses et à mains habillées ? (car vu que, comme je l’ai déjà dit, l’escalade à mains nues n’était pas encore inventée, j’en conclu qu’on grimpait mains habillées). Quant à « fragile », « sensible »… du VI fragile, sensible… j’ai du mal à imaginer…non, vraiment non…
Passons au 4°…
… 4°. Dont la subtilité, la complexité rend l’appréciation, la compréhension ou l’exécution difficile. V. difficile, embarrassant, malaisé.
Ah-ah ! voilà qui est mieux… mais il y a encore :
V. complexe, compliqué, subtil « s’engager dans une entreprise délicate ».
On approche, on approche…
Toujours dans le 4°, il y a enfin :
V. dangereux, périlleux, scabreux.
Bon, ben là, ça colle, on est en plein dedans !
J’étais renseigné. Merci, Petit Robert.

Mais pas vraiment rassuré.

Pas du tout.

Absolument pas.

Au contraire.

Je me voyais mal sur une vitre (pas une vire, une vi-treu, faites attention à ce que vous lisez, bande de galopins) à peu près verticale…car si le petit Robert ne se trompait pas -et j’avais (j’ai toujours) toute confiance en le Petit Robert- c’était bien de cela dont il s’agissait. Et en grosses, en super-guide. Pas question de ballerines et de gomme espagnole autocollante inventées pour l’escalade à main nue.
Mais qu’est-ce qui m’a pris d’ouvrir le Petit Robert ?
Bon, y’a pas trente six solutions, faut absolument refiler cette patate chaude au Bernard. Mais comment faire ?

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par Loupio:

François la mauvaise prose est de retour… [pas d’insulte svp] : c’est lamentable

Posté en tant qu’invité par Pour Lupio:

Loupio a écrit:

… c’est lamentable

Mais oui, Loupio, c’est toi le meilleur, je le sais bien moi.

Tu pourrais nous écrire une petite histoire ?
Allez, s’te plaît.

Posté en tant qu’invité par CVU 47:

  1. Compliments François !
  2. Compliments François !

  3. Compliments François !
  4. Compliments François !

LA SUITE !!! S’il te plait, mon petit François !!!

Allez les filles, faut s’y mettre vous aussi si vous voulez la suite…

Désolé, François pour le copie-collé, je suis lamentable de fainéantise, j’ai honte, un peu, pas beaucoup, pas du tout

[%sig%]