Vos expériences en solo!

Posté en tant qu’invité par fabrice:

tout est dit dans le titre du post !
cordialement
fabrice

Posté en tant qu’invité par Fabrice, aussi:

  • Grandes Jorasses par voie normale
  • Cervin Arête Hornli
  • Alphubel VN
  • Mont Blanc
  • Mont Tondu par tré la tete
  • Aiguille de Bionnassay
  • Castor, Pollux …etc

Pour le détail et les photos, c’est ici :
http://www.skyandsummit.com/Montagne

mais c’est quoi ta question au juste ?

Posté en tant qu’invité par Matt82:

Couloir Nord du Brec de Chambeyron…

ben j etais heureux de retrouver la civilisation apres 2 jours sans croiser personne…

Posté en tant qu’invité par gege:

face sud de la tournette
cordialement

Posté en tant qu’invité par olive:

Célibataire depuis un an !
Je me souhaite un très bon anniversaire.

A+
olive

Posté en tant qu’invité par fabrice:

pas de question particuliére, mais plutot un récit de vos expériences, c’est tout !
cordialement
fabrice

Posté en tant qu’invité par pas d’idée…:

Bon, je ne suis pas vraiment motivé pour bosser…répondre à ce post me fera au moins passer un quart d’heure.
A la ville, je déteste être seul, en refuge aussi, mais un bivouac…je dis pas…avant une voie en solo par exemple.
Pour moi, le solo, c’est sans matériel aucun (en particulier pas de corde), et dans une voie jamais parcourue auparavant. Pas la peine de pousser les hauts cris, ça fait vingt-cinq ans que ça dure, j’ai dû parcourir plus de deux cents itinéraires comme ça et je n’ai jamais eu le plus petit pépin. Evidemment, ça n’a jamais volé bien haut (si ça ne passe pas, il faut bien pouvoir désescalader…).
Pas mal de bricoles près de chez moi (Calanques, Sainte-Victoire, Verdon (un tout petit peu)), un peu Dévoluy et Vercors, Chamonix du temps où j’y allais régulièrement et surtout les Ecrins. Les plus belles ? Je garde un bon souvenir du Grépon-Mer de Glace, du Frendo à l’Aiguille du Midi, en glace, l’Aureille-Feutren au Chardonnet (à l’époque, ça m’avait paru raide). Dans les Ecrins, le Chaud au Pelvoux, Granitude en sortant par l’arête à la grande Aiguille. La plus « importante » étant sans doute l’enchaînement dans la journée de la Rébuffat au Pavé et de la SSE du Gaspard. Dans l’ensemble, pas de quoi fouetter un chat mais de belles balades.
Ce que j’aime dans ces balades, justement, c’est l’extrême rapidité du parcours (évidemment, je n’ai dans le sac qu’un litre d’eau et un k-way): j’ai souvent le temps de me balader à la descente, de profiter d’une moyenne montagne que je ne vois pratiquement jamais quand je grimpe en cordée (généralement en AR depuis chez moi dans la journée). J’aime aussi la tension de l’escalade même si - pour ce qui me concerne - la limitation du niveau fait qu’il n’y a jamais de difficulté notable. Et puis la période qui précède, entre le moment où j’ai envie d’aller faire telle ou telle voie en solo et celui où je me décide à y aller. Ca peut prendre du temps, et c’est complètement indépendant de la taille ou de la difficulté de la voie.
Les moments où je me suis senti idiot ? A la Sainte-Victoire, au sommet d’un stupide bitard, devant un splendide anneau de rappel…j’ai mis un certain temps à redescendre en louvoyant de cade en vire herbeuse. A Sainte-Victoire toujours, dans la voie de la Fondue (si quelqu’un d’autre a fait ce truc, qu’il le dise, on sera au moins deux!), où une belle écaille (un mêtre carré ?) que je trouvais pourtant bien à mon goût a choisi d’aller rejoindre le pierrier, heureusement sans moi (après, le passage m’a paru beaucoup moins sympathique).
En gros, ça a toujours été plutôt calme, mais assez intense, sans beaucoup d’adrénaline.
Bon, vous ne trouvez pas que je me suis assez répandu ??
A+

Posté en tant qu’invité par thierry:

La cime du gélas (mercantour) par les aretes en hiver (janvier, la neige n’était pas en grande quantité, mais très froid)) par le collet st robert etg descente par le couloir est. J’ai serré les fesses.
Le caire de l’agnel au printemps (avec un peu de neige)
Et pas mal de choses de ce genre, qui ne sont peut être pas difficiles techniquement, mais ça c’est selon le niveau de chacun. Je vais pas faire une liste. Bon, faut faire gaffe quand même à ce genre de trucs… mais c’est tellement bon !!!
La tour eiffel. (très éprouvant, j’y pense encore… j’y suis pas retourné!)
thierry

Posté en tant qu’invité par Francois:

Solo… solo… à 22h30 et après le film, c’est dur d’écrire sur le solo. J’ai plutôt envie d’aller me coucher. Pourtant, solo, c’est un bon sujet, hein ? pour se faire mousser sur c2c. Et un petit clavardage pour se donner l’impression d’exister, comme dit l’autre…
Le problème du solo, c’est qu’on est tout seul. Vous me direz, c’est souvent qu’on est tout seul ; par exemple quand on marche sur le trottoir, ou qu’on prend le train, ou bien encore quand on va acheter du pain à la boulangerie « le blé en herbe », c’est rare qu’on s’encorde. Moi, le pain, c’est bien cuit, à la limite du brûlé. J’ai en horreur ces pains blancs, à moitié chouine gomme… ça ne croustille même pas, c’est tout élastique… bêêê ! tandis qu’un bon pain, bien bronzé, la croûte qui croustille sous la dent… ah, tiens, c’est encore meilleur qu’un gâteau.

Donc le solo… ben par exemple, l’arête sud de la pointe Louise. Un truc que j’aime bien faire… enfin, que j’aimais bien faire. A cause que maintenant, j’ai passé l’âge… pensez, presque 60… dans moins d’un an… c’est plus pour moi, ces gamineries. Trop fatiguant… et puis, je ne suis même plus sûr d’être rentré pour l’apéro du soir. Nous autres, sexagénaires, c’est tout ce qu’il nous reste, l’apéro du soir.
Alors la pointe Louise, ben c’était au temps des super-guide. Pas grand-chose à dire… on part du pied de l’arête et on monte jusqu’à ce qu’on ne puisse plus. Et quand on ne peut plus, c’est le sommet. Voilà. Sinon, c’est comme quand on est encordé, sauf qu’on est seul naturellement, mais sinon, c’est tout pareil.

Ca c’est pour la pointe Louise.

Qu’est-ce qu’il y a, encore ?

Tiens, le couloir du Coup de Sabre, avec mes vieux Laprade, tout rafistolé au fil de fer. Ah ouais ! c’était dans les années 80. J’avais même pris les skis, des skis droits. Super conditions dans le couloir ; même pas besoin des crampons. Mais je les avais chaussés quand même. Méfiant.
Alors les skis, c’était pas pour faire joli mais pour descendre le couloir. A l’époque, c’était prestigieux, de descendre le Coup de Sabre à ski, on entrait quasiment dans la légende. Ou tout au moins dans la « chronique alpine » de la revue « La Montagne et Alpinisme » mais c’est quasiment la même chose. Je m’étais dit comme ça « vous allez voir ce que vous allez voir », épater la galerie et tout le tremblement.
Finalement, on n’a rien vu du tout vu que, arrivé en haut du couloir j’ai eu, comme qui dirait, la trouille. Et je suis redescendu comme tout le monde, à pied par le versant sud.

Et quoi encore ?

Ben y’a aussi dans la famille « arête ruinée de l’Oisans », je demande l’arête est du Coolidge. De la vraie bavante Oisans, pour les amateurs du genre. On y voit le soleil assez tôt et le cadre est spectaculaire, c’est pour ça que j’avais choisi, en plus c’est facile AD ou quelque chose comme ça. Bon ben il ne s’est rien passé, c’est désespérant, pas de chute de pierre, pas de crampons qui grincent inquiétamment sur la glace vive, pas d’orage arrivant à la vitesse d’un cheval au galop, pas de foudre au fesse… rien… d’une normalité affligeante. Faut dire aussi que je suis incapable de dramatiser une situation. Alors pour raconter, c’est parfois ennuyeux.

Allez, je vous termine par Coste Rouge, tiens… Coste Rouge, faut déjà aller la chercher au fin fond du glacier Noir. Vachement spectaculaire, Coste Rouge. J’ai du me tromper deux-trois fois parce que je voulais passer au soleil, versant est, alors que le topo disait à gauche versant ouest. Bon, ce n’est pas grave, vu que je suis toujours là. Et à la descente, j’ai coincé le rappel. Quarante mètres en 7mm qu’un copain m’avait prêté. J’ai eu des velléités d’abandonner le rappel mais je me serais fait étrangler en rentrant à Vallouise. Alors comme je trouvais que c’était un peu con de me faire assassiner à Vallouise après avoir fait un solo dans Coste Rouge, j’ai remonté le rappel à la force de mes petits bras pour le décoincer.

Ah mais je pourrais vous causer aussi de l’arête sud du moine (intégrale, naturellement, vous me prenez pour qui ?)
En fait, ce n’était pas du vrai solo. On était deux mais on ne s’était pas encordé. Et pour la corde, on avait tiré à pile ou face. Avant, j’avais bien vérifié la pièce, des fois qu’elle soit pipée… pasque dans ces trucs là, ça me retombe toujours dessus. C’est moi que je me tape la corde. Exceptionnellement, ce jour là, c’était tombé sur le copain. Et puis le passage de la plaque… je croyais que c’était un truc abominable, avec mille mètres de vide sous les pieds… en fait, c’était une petite plaque de cinq mètres avec une grande terrasse en dessous, façon piste de danse. On a quand même soigneusement contourné.
Enfin, quand je dis que ce n’est pas du vrai solo… c’est vrai jusqu’à un certain point. Si on se casse la gueule, c’est du vrai solo.
Finalement.
Tout bien réfléchi.

Je sais bien, faudrait que je vous trouve des éléments dramatiques (pour tenir le lecteur en haleine), mais moi, dans mes courses, il ne se passe jamais rien.

Quelle misère !

Dernière nouvelle !.. Enfin un évènement dramatique ! Ce matin, en prenant mon petit déj’, j’ai laissé tomber la clé USB dans mon bol de thé.
Mais je vous rassure tout de suite, le thé est resté parfaitement buvable. Il avait même un petit goût… vous devriez essayer.
Comme quoi, faut jamais désespérer.

Posté en tant qu’invité par Mid:

C’est désespérant! C’est toujours sympathique à lire, même quand il ne se passe rien! :wink:

Posté en tant qu’invité par Fer:

Beaucoup de courses en solitaire :
couloirs NW du Sans Nom, du col Est du Pelvoux, du Diable, du Piaget
Mont Blanc par la Bionnassay, Midi-Plan
Cervin, les sommets du Mont Rose
voie normale des Jorasses
Grand Combin, Zinalrothorn, Dom, …
et plein d’autres…
Il faut absolument connaître le solo. C’est fort !

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Encore mieux quand on le lit tout seul …

Ça, c’ est du solo !!!

Posté en tant qu’invité par Charles:

Quelques courses en solo de PD à AD+
Il vaut mieux être bien dans sa tête pour en profiter pleinement et sainement. Le seul problème, c’est que parfois, arrivé en haut, on aimerait bien partager le bonheur d’avoir été si bien…seul!

Posté en tant qu’invité par 10b+:

Dans les années soixante dix, c’était un must. Il fallait faire du solo. Alors on en faisait.
Evidement sans baudrier, sans corde, etc.
Aujourd’hui, en ce qui me concerne, quasi plus. L’âge de raison ?

Solo ou solo ?

Faire une course glaciaire à deux sans être encordé, s’agit-il d’un solo ?
Si l’on ne fait pas de relais, en cas de chute, on est certain de ne pas emporter son coéquipier dans ce voyage sans retour.

Faire le Mont Blanc Voie Normale seul mais avec 450 personnes devant et autant derrière, s’agit-il d’un solo ?

En montagne, si j’ai arrêté cette activité solitaire, c’est surtout à cause des glaciers. Lorsqu’il faut les traverser seul. La trouille de tomber dans une crevasse.
Si vous connaissez le truc imparable pour éviter ce type d’accident, alors je retournerai seul en altitude pour de vrais solos.

Posté en tant qu’invité par Dude:

L’Y branche de gauche à Ceillac.
J’ai aimé, j’ai trouvé ça dangereusement bon.
Aussi, je n’ai jamais renouvelé l’expérience parce que je sens que c’est quelque chose qui me plairait vraiment… mais je suis père de famille, ce ne serait pas raisonnable.

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Ha, j’avais justement écris un petit truc à ce sujet. Je n’avais pas posté, de peur de faire des émules. « Foutez-vous en l’air si vous voulez, mais que je ne puisse pas en être tenu pour responsable », me disais-je, en mon fort intérieur (parce qu’à l’extérieur, je suis plutôt faible. Je l’ai déjà faite celle là, non ?).

En gros, le solo, en faire, c’est bien, mais s’y mettre, c’est complêtement débile, si tu veux mon avis.

Y’à déjà une belle brochette d’ex-débiles qui t’ont fait part de leur expérience (ou de leur liste de course), je crois que c’est mon tour.


Le solo, c’est mal.
Ça ne se fait pas.
Un peu comme sortir en hiver sans APS.

Des fois, dans la rue, on voit des punks. Des gars qui se peignent les cheveux en vert, en rouge, en bleu, ou un peu des trois à la fois. Ils sont affreux. Le citoyen normal se doute bien qu’en plus ils sont sales et méchants. Ils font tout à l’envers. Ne cherchent pas de travail. Pour être socialement acceptable, le punk doit réussir dans la musique. Comme Plastic Bertrand.

Le soloiste, c’est un peu le punk de l’escalade. Affreux, sale, méchant, mais surtout stupide, ce qu’il fait est dangereux et ne sert à rien. Sauf s’il réussit dans le cinéma. Comme Patrick Edlinger.

J’ai commencé le solo à l’âge où on répond « non » avant d’avoir compris la question.
C’était les grandes vacances. J’en avais un peu marre de jouer aux cowboys et aux indiens. Tout seul, c’est beaucoup de boulot. Et ça développe la schyzophrénie. Essayez, vous verrez. J’avais envie de grimper. Et puis, surtout, il y avait cette falaise toute proche. L’occasion fait le larron. Je me suis dit, allons y faire un tour. Juste comme ça, pour voir. J’ai pris mon vélo, ai dit « bon, je vais faire un tour à Beaufort », et me voilà partis.

Faire du vélo sur la route, ça n’est pas très prudent non plus.

Elle est bien jolie, cette falaise. Je suis resté assis un bon moment. Il y avait du monde. Des guides et leurs touristes. Personne ne remarque le gamin qui est là, à crever de jalousie en regardant le rocher.
Alors, sans vraiment y réfléchir, j’ai mis les chaussons. Coucou, les amis, regardez, moi aussi j’ai des chaussons.

D’abord, des traversées au raz du sol. Je fais des efforts pour faire de beaux mouvements. Je croise, je décroise. Parfois, je m’emmèle un peu les pinceaux. Il me faut bien reconnaître que ça manque d’intérêt. Le bas de la falaise est peu raide et riche en prises de bonnes tailles. En plus, à passer sous les cordes, je vois bien que je dérange plus que je n’arrange. Je retourne m’assoir. Qu’est-ce que je pourrais bien faire, maintenant ?

Du point de vue de l’escalade, je n’ai pas fait grand chose. Mais ma sortie a fait son petit effet, et maintenant nul n’ignore que le jeune garçon à la mine renfrognée est lui aussi un grimpeur. Je me sens moins seul.

Le désoeuvrement, l’amour du rocher, l’absence de compagnon de cordée, le besoin d’être remarqué, un peu de satisfaction de faire chier le monde aussi : je crois que j’ai fait le tour des raisons qui m’ont amené à grimper sans corde.

Alors, j’y suis retourné.
Toujours des traversées, mais plus haut. Pour chercher la difficulté. Bof. Je retourne m’assoir. Je regarde le rocher. J’ai bien envie de faire une connerie. Et si je faisais une voie ? Rien qu’une. Une toute petite. La plus facile. J’y vais. Je monte. Je sens bien, dans mon dos, les regards assassins des gens normaux. Une fois mon forfait accomplis, je ne demande pas mon reste. Le sort en est jeté.

Nuit agitée. Je me sens coupable d’avoir pris du plaisir. Mélange de honte et d’excitation. Que ceux qui ne connaissent pas l’onanisme me jettent la première pierre.

Le lendemain, le temps est superbe. Bon présage.
« Je vais faire un tour à Beaufort ».
Les parents sont contents : aujourd’hui encore, je ne vais pas les embêter avec mes sempiternels « je ne sais pas quoi faire ».
Et, vous savez ce que c’est, quand on est content, on ne se pose pas trop de questions.

Les années passent.
Je présente la falaise à tous mes amis. Je les fais grimper, descendre en rappel, faire des pendules. En général, après deux-trois séances, ils parviennent difficilement à sortir la jolie voie en 5c. Alors, je leur montre un peu le solo, dans des voies faciles, histoire de leur rappeller qui est le patron. Ça les motive. Et après ça, je les envoie dans le superbe 6a en dalle. Certains ne s’en sortent pas trop mal. J’en suis mortifié : c’est mon niveau maximum. De retour à Orléans, ils sont tout fiers : en trois séances, les voilà aussi forts que moi - qui, comme chacun sait, suis un expert. Il est grand temps de creuser l’écart. Mais, malgré tous mes efforts, malgré les entrainements hebdomadaires en SAE ou sur les digues, je suis bien incapable de progresser. De toute évidence, c’est génétique. S’il m’arrive, à l’occasion, de réussir un 6b, mon honêteté intellectuelle m’oblige à reconnaitre qu’à chaque fois, il est honteusement surcôté. Il me faut frapper un grand coup.

L’été. Pas d’amis. Désoeuvrement total.
« Je vais faire un tour à Beaufort ».
Je vais faire une connerie, une grosse. C’est sûr. Il y a des signes qui ne trompent pas. Sur mon petit vélo, je suis tendu comme une corde de violoncelle. Aujourd’hui, c’est décidé, je fais la 5c.
Après tout, cette voie, je la connais par coeur. Départ facile, puis quelques mouvements fins, des pas d’adhérence, le long d’une fissure bouchée. Un croisement de jambe, un bon bidoigt main gauche, pour aller chercher le bord du trou. Faut pas se rater, on est déjà à 10-15m. Se rétablir dans le trou. Là, les débutants sont mal, très mal. Cherchent des prises au fond du trou. Il n’y en a pas. En général, ils s’y terrent, et ont le plus grand mal à en sortir. Erreur de débutant. En fait, il faut attraper le bord supérieur en inversé. Se redresser les pieds dans le trou. Ouf ! On peut lâcher les mains, et se reposer un coup avant le pas dur. Une petite réglette bien patinée, les pieds qui montent sur des prises moyennes, puis franchement nulles, et on peut attraper de bonnes prises de main. Grand moment de solitude avant de tenter ce pas. Mais, comme en haut d’un plongeoir, il ne faut pas que je me pose trop de questions. Après tout, je n’y suis jamais tombé. C’est pas le moment d’innover. Ouf. Maintenant, rejoindre la terrasse sommitale, c’est de la rigolade. J’y vais tout lentement, je savoure. Je regarde même le sol qui s’éloigne, c’est dire.

J’aurais pu en rester là. J’aurais pu. Mais voilà : la fin de cette voie est toute proche du départ de la dalle en 6a. D’ailleurs, en général, on ne fait la 5c que pour bien se chauffer avant d’enchainer sur la suite. Et puis, cette fameuse dalle, c’est ma voie fétiche. Ma préférée. Mon bébé. Belle comme une nuit de pleine lune.
Je monte vers elle lentement, très lentement, en respirant bien. Je ne suis pas bien décidé. Fera, fera pas ?
Une fois au pied du dièdre de départ, je ne peux plus reculer. Si je n’y vais pas, les remords me poursuivront jusque dans la tombe, c’est sûr. Autant en finir tout de suite.

C’était bien, c’était beau. J’ai recommencé. J’y ai pris goût. « Je vais faire un tour à Beaufort ». Innocents parents ! Sans doute s’imaginent-ils que j’ai rencontré quelque farouche savoyarde ? Après tout, il y a de ça. Une belle savoyarde un peu dangereuse.
Le solo, c’est devenu un but en soi. Même quand je dispose d’un camarade, je ne peux me retenir bien longtemps. Comment ça, tu n’y arrives pas ? Allez, arrête ton char, cette voie, je la fais en solo. Bon, ok, descends, je te montre…

Et puis, ça m’est passé. Comme ça m’est venu. L’âge, peut être.

Et puis, ça m’est revenu. A l’occasion de la naissance de ma première fille. Je me suis dit : qu’est-ce que je pourrais faire, pour marquer le coup ?
Une naissance, ça n’est pas rien. C’est magique. C’est l’alliance absolue du merveilleux et de l’horreur. Les portes de l’Univers s’ouvrent, que va-t’il en sortir ? C’est la vie, mais c’est aussi la mort.
Ça ne se fête pas avec une bête bouteille de champagne.
Et puis, il y avait cette voie toute proche, « l’éperon des gosses mythiques », dont je connaissais par coeur l’essentiel pour y avoir emmené moult débutants.
Une fois que j’ai eu cette idée en tête, il n’a plus été possible de la faire en sortir.
Il en va ainsi de certaines idées, et en particulier de quelques projets de course, aussi délirants soient ils. Ils s’incrustent dans le cerveau, prennent une demi-douzaine de milliards de neurones en otage, les séquestrent dans des conditions épouvantables, ne les relacheront qu’une fois la course réalisée.

Je suis partis très tôt (avant le soleil d’avril, Maïna.Tu te reposais, un mois avant d’entamer ta propre course vers le col).
J’ai pinaillé, dans la première barre. Ai essayé une voie à droite, puis me suis rabattu sur la gauche : trop dur. (Peut-être te demandais-tu si tu y arriverais).
A partir de la deuxième longueur, je suis en terrain connu. Qu’est-ce qu’on s’élève vite, quand on ne perd pas du temps à assurer ! (Qu’on grandit vite, à ton âge !)
Et puis, à partir du sommet du ressaut, c’est cette longue arête, que je ne connais pas encore, perdue dans la forêt, des sections de marche améliorée, agrémentées de pas de bloc (la vie est une jungle, ma fille, soucies toi seulement d’avancer malgré les baffes).
Soleil, à la descente, et beau moment de plénitude (et tu verras que, malgré tout, ça en vaut la peine).

Pour Juin prochain, on attend une seconde fille.
Si vous me croisez, juste avant l’été, quelque part au dessus du Grésivaudan, essayez de ne pas trop gueuler, ça déconcentre.


Ce texte est, hélàs, déjà périmé.
Seconde bien arrivée, ballade en Belledonne super, commencée à 4h30, finie vers 13h.
A ce qu’il semblerait, c’est pas la paternité qui va me faire me ranger. Au contraire : je n’ai plus assez de temps pour partir avec mes amis.

En conclusion de la conclusion, je dirais que c’est pas demain la veille qu’on me verra seul sur un glacier. La roulette russe, c’est pas trop mon truc.

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par Miel, l’ éternelle flatulente:

Ouais finalement, t’ as osé …

Posté en tant qu’invité par Hugues:

Face nord du pelvoux (pente centrale), couloir piaget aux agneaux (redescente par là aussi) et mallory-porter à l’aiguille du midi. Que des trucs sans risque de chuter dans une crevasse.
C’est vrai que c’est top le solo et on fait des horaires canons, mais bon, avec un compagnon (ou mieux une compagne) de cordée, c’est quand même plus convivial.

Posté en tant qu’invité par Lotus:

Sommet ouest du Wildstrubel, Oberland.
Une voie côtée facile, mais cet été le glacier était crevassé.
Avec bivouac solitaire au pied du glacier dans la moraine : super site d’ailleurs.
Les grands-pères de Kandersteg étaient étonnés de voir une jeune femme partant seule avec tente, poilet…! D’ailleurs, mon ex-copain de l’époque qui me draguait n’avait pas voulu laisser passer une nana qui sait ce qu’elle veut !
J’ai beaucoup appris : lecture de l’itinéraire, lecture et anticipation des trajectoires des crevasses; gestion du temps de la course en fonction de la course du soleil (j’étais descendu de plus de la moitié quand j’ai rencontré les autres cordées montant en troupeau alors que la face était ensoleillée de^puis au moins 30 min et que la neige était déjà très molle).
J’avais prévu de gravir le Rinderhorn ; mais que des cailloux (pas marrants) et puis parler m’a manqué après avoir passé 24 h seule.
Pour le moment, je n’ai pas le désitr d’une autre course neige ou mixte (facile vu mon niveau) seule, mais si celui-ci se fait sentir, il faudra bien l’étudier.
Voila pour ma petite expérience.

Posté en tant qu’invité par Flo73:

Super, le retour du grand Urbain avec un magnifique texte.
merci l’Etienne.