Vercors Archiane, réintroduction du Gypaète Barbu

Il était annonçé depuis longtemps (projet Natura 2000), la réintroduction des Vautours Fauves et Moines préfigurant celui du Gypaète Barbu.
Espèce déjà réintroduite dans les Pyrénées (ou elle est la plus stable) et la Haute-Savoie (Bargy, Aravis, réserve Sixt Passy) non sans grincements de dents, le Gypaète Barbu va faire son apparition d’ici quelques mois sur le secteur d’Archiane (Vercors sud, Drôme) selon un rapport très récent du Parc Naturel Régional du Vercors (daté Avril 2010). Cette réintroduction va se faire avec le concours d’ASTERS (Haute-Savoie), bien connue des défenseurs aux sites de pratiques des sports de pleine nature.

“La réintroduction du Vautour fauve a permis d’initier le retour naturel d’autres espèces et ainsi de contribuer à l’enrichissement de la biodiversité du Parc du Vercors. Ainsi, suivant l’installation du Vautour fauve, le Vautour Percnoptère est revenu spontanément sur notre territoire et s’est même reproduit en 2008, après plus de quarante ans d’absence. Le Vautour moine, autre élément de la chaîne alimentaire, nécrophage comme les autres vautours ne devrait plus tarder à s’installer sur les bordures du massif. Le dernier élément de la chaîne alimentaire, l’équarrisseur naturel ultime, celui qui se nourrit d’os d’où son surnom de “casseur d’os”, est vu ponctuellement sur le Vercors. Ce vautour, le Gypaète barbu, ne reviendra pas spontanément, de part son habitude à rester fidèle à son lieu de naissance. Le bureau du Parc a validé le principe d’une réintroduction du Gypaète en 2010.” (extrait du Journal n°55 du Parc de 2009)

L’accès aux sites de pratique de l’escalade, de la randonnée, du paralpinisme, de la via-ferrata, des parcours aventure, du vol libre, du VTT sont directement menacés, sur ce secteur historiquement fréquentés par l’homme. Les interdictions de pratiques vont être mises en place. Mais l’inquiétude est d’autant plus grande que ce programme va être bientôt étendu aux Grands Causses (Millau) et aux Gorges du Verdon (Alpes de Hautes Provence).

“le site Natura 2000, qui répond aux directives «Habitats» et «Oiseaux» et qu’à proximité, se situe un Espace Naturel Sensible (ENS). Ces différentes mesures permettront, si besoin, de mettre en place des mesures de protection spécifiques au Gypaète barbu.”

Si on peut se réjouïr d’une tel retour, on peut aussi s’inquiéter des derniers espaces de gande nature où l’homme est aujourd’hui mis au banc. Car le Gypaète Barbu est protégé par une règlementation des plus stricte nationale et Européenne, faisant de ce rapace le fer de lance et l’aboutissement des grands combats écologiques.

Le Gypaète Bardu est protégé par la loi Française du 10 juillet 1976 et son arrêté d’application du17 avril 1981 modifié (JORF du 19 mai 1981) fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire. il l’est aussi au niveau Européen. Un arrêté ministériel daté du 12 décembre 2005 stipule que “La perturbation intentionnelle des oiseaux de l’espèce Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) sur leur aire de nidification et sur le lieu ou placette où ils se nourrissent est interdite sur tout le territoire national du 1er octobre au 31 août.”

A l’image du futur Parc National des Calanques, les combats vont devenir rudes. Car l’avenir des accès libres aux espaces naturels semble n’être que « peau de chagrin », des espaces qui risquent à terme de devenir de grands « zoo à ciel ouvert » au nom d’une biodiversité au goût d’artifice. Si plus que jamais nous voulons que l’homme cohabite harmonieusement avec la nature, il ne faut pas l’en exclure.

Si règlementation il doit y avoir sur les espaces naturels, elle doit être tolérante des usages doux et respectueux fait par ceux qui y puisent un équilibre à travers leur passion, ce depuis des lustres, et qui en sont les premiers protecteurs.

Jérôme
:slight_smile:

Posté en tant qu’invité par Plomb:

Totalement d’accord avec ton analyse très pertinente. :wink:

Je crois simplement que si des dérives graves voient le jour, ces rapaces finiront avec du plomb…comme c’est arrivé en Camargue (cf sur le site du GIP des calanques)…c’est bien triste, mais c’est une réponse potentielle à des mesures écologiques débiles qui exclut les pratiques douces. Ces réserves sont la bonne conscience de nos sociétés de consommation destructrice…alors que les vrais pbs écologiques ne sont pas abordés… :lol:

Au fait, pourquoi ces rapaces ont disparu de ces sites…ce sont les grimpeurs, rando, skieurs…qui les ont fait fuir, crever, chasser… ? :rolleyes:

La première cause naturelle de disparition (mort ou migration vers d’autres territoire) c’est la perte du pastoralisme depuis plus d’un siècle en France et en Europe (pays industrilisés). La disparition des exploitations agricoles d’élévage d’ovins (moutons), qui sont parmis les premières sources de nourriture des rapaces charognards (Vautour, qui ne se nourissent que de cadavres). A ce tritre, tous les Vautours réintroduits sont nourris artificiellement toute leur vie (60 tonnes annuel sur le Vercors). Les Vautours se nourrissent aussi en hiver de mouflons, chamois, isard morts. L’autre facteur de disparition est la chasse et l’empoisonnement (volontaire et agricole pesticides) et d’ailleurs c’est un des facteur d’échecs de réintroduction ou de survie sur certains lieux (Corse, Sardaigne…). Mais leur présence est directement lièe au potentiel de nourriture qu’ils trouvent autour de leur lieu de nidification (même s’ils peuvent parcourrir des centaines de km par jour), toute les animaux sont soumis à cette loi. Maintenant, lors de réintroduction le « facteur principal d’échec » c’est la présence de l’homme (activités, loisirs, etc…) qui vient perturber l’implantation d’espèces comme le Gypaète Barbu, animal solitaire ou vivant en couple uniquement et liè à son lieu de naissance. Contrairement au Vautour Fauve ou Moine, il n’est pas grégaire et préfère l’isolement. De plus son mode de nourriture est particulier puisqu’il casse les os en les laissant tomber sur des rocher (on l’appelle « le casseur d’os »).
« Dans les secteurs où d’autres espèces de nécrophages sont présentes et en particulier d’autres vautours, il est le dernier maillon de la chaîne alimentaire, se contentant de quelques restes de viande, des ligaments et des os. Quand le réseau trophique est complet, le régime alimentaire du gypaète est composé à 80 % d’os. Il est remarquablement adapté à la consommation de ces derniers, à la fois par son comportement et par son système digestif. En l’absence de concurrence, ce qui est le cas dans les Alpes, il peut également consommer de la viande. Le gypaète est capable de jeûner durant plusieurs jours. »

J’ignorais. Très intéressant. :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par bird killer:

ça coute la peau du cul et pendant ce temps la terre continue a se surpeupler et des enfants crevent de fain

Trop drôle! Il y a vraiment encore des gens qui croient à ce genre de choses? :lol:
Dans ce cas, doit-on aussi en conclure que le Gypaète Barbu est né avec l’invention du pastoralisme?? :stuck_out_tongue:

Que les choses soient claires, le pastoralisme N’est PAS indispensable à la nature! Après, il n’y est pas forcément nuisible, si c’est bien fait et peut effectivement apporter une certaine diversité, voire servir de substitut, comme c’est le cas pour le Gypaète Barbu. Je m’explique, si cet oiseau était lié ces dernière décennies à l’existence du pastoralisme, c’est d’abord parce que l’homme avait préalablement profondément modifié son environnement, notamment en exterminant un certain nombre d’espèces.
Soyons-en conscients!

C’était juste pour remettre les choses à leur place sur ce point précis, pas le temps de faire une longue réponse sur le fond du sujet :wink:

… éffectivement l’homme est aussi responsable de l’extermination de certaines espèces et les exemples sont malheureusement toujours d’actualité. Mais FloD as-tu une idée du pastoralisme, de la vie en zone dite aujourd’hui « rurale », même encore 50 ans en arrière? C’est bien le monde industrialisé qui détruit, depuis le 19ème siècle, celui de nos besoins de consommateurs quotidiens et toujours insatiables…!? Complexe…

« Espèce considérée comme « très présente » dans toutes les Alpes et pré-Alpes françaises jusqu’en 1850, la dernière trace d’un Gypaète barbu sur le territoire du Vercors remonte à 1878, à Pont-en- Royans, avec une dépouille d’un individu victime d’un tir. L’espèce a disparu du massif alpin au début du vingtième siècle. Actuellement aucune donnée archéologique fiable n’a été recensée malgré l’intérêt des chercheurs pour le territoire du Vercors. »

L’un des objets de ce projet est de créer un grand couloir aérien de migration et la prochaine étape de réintroduction après le Vercors sont les Grands Causses pour 2011 (Jonte, Tarn, Dourbie…).
“Décentré par rapport aux points habituels fréquentés par l’espèce, le Vercors va attirer les oiseaux (ceux qui seront libérés mais aussi d’autres venus des autres points de lâchers) vers un type d’habitat au facies subméditerranéen, qui s’étend dans tout le sud-ouest de ce massif, du Diois jusqu’au Canyon du Verdon…. Enfin, et ce ne sera pas le moindre des avantages de cette localisation, l’achèvement d’un corridor aérien par la décision de futurs lâchers dans les Grands Causses à portée d’ailes du Vercors, doit favoriser les mouvements d’oiseaux entre Pyrénées et massif Alpin.”
:slight_smile:

Posté en tant qu’invité par Carduelis carduelis:

je soutiens à 200% cette extension.

tu crois que l’homme s’est gêné pour exclure (voire éradiquer) moultes espèces des ses villes, ses zones agricoles, campagnes, zones industrielles… etc…? Alors parler de « cohabitation harmonieuse », c’est à morir de rire (jaune).

jéronimo : oui, je suis d’accord avec toi lorsque tu dis que le problème est complexe, et c’est bien parce que rien n’est simple que je tenais à apporter cette précision. En effet, ta phrase, celle que j’ai relevée, laissait penser que le pastoralisme est quelque chose d’absolument nécessaire, alors que ce n’est souvent qu’un substitut (par exemple un loup qui se rabat sur les moutons parce que les chasseurs ont flingué tous les lapins, pour faire simple, ou une fleur qui se développe sur des pâturages nécessitant un piétinement préalable le fera là où il y a des bêtes… mais parce que nous avons préalablement flingué une bonne partie des herbivores « naturels », etc…).

Donc oui, la disparition du pastoralisme crée des problèmes au niveau écosystèmes (sans parler de l’aspect socio-économiques des zones rurales), mais la cause réelle de ces problèmes est bien souvent antérieure, et a toujours l’homme comme déclencheur… Donc d’un point de vue purement axé sur la protection des espèces, le fait d’imaginer exclure l’homme et réintroduire/protéger tous les maillons d’un écosystème n’est pas sot, loin de là!

Après, ce n’est pas non plus la solution que je souhaite, mais pour s’opposer à ça, l’argument consistant à dire que la nature a BESOIN de l’homme me semble très très bancal. Par contre, dire que nous faisons en quelque sorte partie de cette nature et que nos activités PEUVENT dans certains cas cohabiter sans trop de dommage avec notre environnement me parait beaucoup plus juste. Et pour que cela soit viable, c’est bien vers cette solution qu’il faudrait tendre, nous sommes d’accord…

Encore faudrait-il que les gens sachent reconnaitre leurs erreurs, leur impact réel, et sachent faire les concessions nécessaires afin de s’opposer de façon constructive aux interdictions pures et simples. (pas en disant juste « mais non, c’est aux les méchants, nous on fait rien, on a aucun impact, c’est injuuuuste! »).
Ceci dit, on voit de plus en plus souvent dans les topos d’escalade des choses du style « secteur interdit de telle date à telle date car nidifications », ou « équipement et escalade interdits au-delà de telle zone car présence de telle faune », ce qui est une excellente chose car tend à montrer la responsabilisation des grimpeurs. (on peut dire à peu près la même chose des randonneurs et skirandonneurs je pense)
Espérons que nos « représentants » sauront ne pas se montrer trop bornés et montrer cette tendance plutôt positive, et que les gens qui créent ces réserves sauront en tenir compte et accepteront de discuter pour trouver des compromis acceptables.

Posté en tant qu’invité par Orso:

Il n’a pas été réintroduit dans les Pyrénées où il est endémique.

exact…

« En Europe de l’Ouest, son aire de distribution s’est morcelée. Il n’est présent aujourd’hui que :
• Dans les Pyrénées (132 couples en 2009).
• En Corse (10 couples en 2009).
• En Crète (5 couples en 2009).
• L’espèce a été réintroduite dans les Alpes à partir de 1986. 160 jeunes ont été lâchés entre 1986 et 2009 sur l’arc Alpin dont 58 dans les seules Alpes françaises (39 en Haute Savoie, 19 dans le Mercantour) à partir de 1987. Il y a aujourd’hui 17 couples formés en 2009 dont 7 en France et 6 en Italie, 2 en Suisse et 1 en Autriche.
• Depuis 2006 en Andalousie (Espagne), 14 jeunes gypaètes ont retrouvé la liberté.
• En Sardaigne, un programme de réintroduction après 30 ans d’absence est pour l’instant suspendu : les 3 jeunes gypaètes barbus relâchés en 2008 ont tous été victimes d’empoisonnements.
Il y a environ 160 couples de gypaètes en Europe en 2009, dont plus de 80 % vivent dans les Pyrénées. »

Posté en tant qu’invité par jériencomprisauxanimaux:

Mais c’est énoooorrmmmeee ! C’est sur qu’avec de telles nombres on frise la surpopulation. En plus si jamais une maladie touchait les gypaètes des Pyrénées, il restera encore 32 couples ailleurs. Largement de quoi éviter l’extinction et la consanguinité. Vraiment, je ne vois pas où le problème pour cette espèce !

A comparer, il me semble qu’on ne se préoccupe pas assez des populations de grimpeurs en Europe !

Cette espèce voit son espace de jeu sans cesse dégradé puis interdit d’accès. Les falaises sont fermées les unes après les autres. On est obligé récupérer les individus dans la nature et de les mettre dans des Structures Anti-Extinction (S.A.E.) pour tenter qu’ils se reproduisent en captivité, en attendant de pouvoir les re-introduire dans leur habitat naturel. Mais ce n’est pas pour tout de suite, la société française n’est pas encore prête à partager son espace avec les grimpeurs.

Il faut dire que c’est exigeant le grimpeur. Si on veut qu’il réussisse à se maintenir dans la nature, il faut quand même investir pas mal : routes d’accès, parkings, pieds des voies adaptés aux enfants, ramassage des déchets, nettoyage des falaises, équipement et re-équipement à demeure en acier tous les mètres. Et puis il n’y a pas que ça. En plus de l’amélioration de leur habitat naturel, les grimpeurs, il faut les nourrir : magnésie, chaussons, cordes, baudriers… C’est quand même pas donné.

Si on veut faire en sorte que les grimpeurs puissent survivre dans leur habitat naturel, il va falloir faire des efforts. Mais que fait donc le gouvernement ?

INFOS FACTUELLES

I. - NE PAS SE TROMPER D’ECHELLE

  • Bouquetins : au sein du Vercors, on peut distinguer six vastes biotopes pour cette espèces, dont trois hébergeant déjà une population ;

  • Vautour fauve : tout le Vercors représente, au plus, 25% de l’aire prospectée par la population de Vautour fauve nichant dans les Préalpes du Dauphiné, des Baronnies au confins Vercors-Diois (≥ 24 couples en 2010
    au cirque d’Archiane.

II. - HISTOIRE EVOLUTIVE
Les Vautours existent depuis quelques millions d’année, l’élevage quelques milliers d’années.
Ils ont donc fait leur évolution sur la faune sauvage, essentiellement Ongulés = biomasse maximale.
Mais peu leur importe qu’une charogne soit d’Ongulé sauvage ou domestique : les vautours ne fantasment pas sur le sauvage et le naturel.
Dans les régions du monde où il y a des forêts, les Ongulés rupestres sont particulièrement favorables car leur habitat maximalise la probabilité de détection de cadavres : en Europe le Chamois et, plus encore, le Bouquetin. Si le bétail, dans les conditions actuelles, fournit bien plus de cadavres au Vautour fauve, le Bouquetin reste l’espèce la plus favorable au retour du Gypaète.

III. - BIOGEOGRAPHIE
L’aire de nidification des Vautours est, en Europe, limitée par la Méditerranée et le 50° de latitude nord (= latitude du Luxembourg). L’aire du Gypaète s’étendait en outre au sud jusqu’au nord de l’Afrique et à l’est jusqu’à l’Himalaya et l’Asie centrale (une autre sous-espèce nichant sur les reliefs de l’est et du sud de l’Afrique).

IV. - ECOLOGIE : ces espèces nichent dans l’aire géographique ci-dessus, uniquement là les conditions écologiques locales le permettent, à savoir :

a) Site de nidification
Cavité dans parois rocheuses pour trois des espèces d’Europe ( le V. moine niche sur arbre, voir arbuste si en paroi). Le Vautour moine peut donc nicher dans des régions sans rocher. Il arrive alors, quelques rares colonies connues, que le Vautour fauve, incapable de construire sur arbre, colonise ces régioins en nichant des nids de V. moine ! Ceci du niveau de la mer à la moyenne montagne ou, pour Gypaète, le bas de la haute montagne.

b) Charognes accessibles
Des habitats ouverts à ceux semi-boisés et (V. moine, Gypaète) la forêt claire et même petites trouées dans forêt dense (V. moine). Toutes les espèces peuvent prospecter des côtes à la haute montagne même celles qui nichent uniquement plus bas.

c) Non élimination par l’Homme
Le Gypaète a été le Vautour le plus éliminé d’Europe, partout sauf :

  • dans les Pyrénées. Minimum minimorum dans les années 1970, environ 40 couples, actuellement grâce à des décennies de protection un peu plus de 140 couples. Ceci répartie au pro rata des surfaces, donc environ deux tiers en Espagne, un tiers en France ;

  • en Corse : quelques couples, au bord de l’extinction, lent déclin par défaut de ressources alimentaires semble-t-il

  • Crète : quelques couples, au bord de l’extinction, du fait de destruction persistantes, notamment au fusil, et de dérangements très accru du fait de la multplication de routes dans des zones naguère tranquilles ;

V. - DANS LES ALPES
La réintroduction, envisagé dès les années 1920 en Suisse et en Allemagne a été tenté, d’abord dans succès, au début des années 1970 en Haute-Savoie, puis, en changeant de méthode, dans l’ensemble de la chaîne, depuis 1986 : quatre opérations dans l’est (Autriche), le centre (I & CH), le nord (Haute-Savoie) et le sud (Mercantour et massif italien connexe) des Alpes occidentales. Actuellement, 19 couples, dont 9 dans le noyau de population nord-occidental : Vanoise, Grand Paradis, Haute-Savoie, Valais. L’opération en Haute-Savoie est achevée depuis quelques années, celle des Alpes centrales vient de l’être.

Jean-Pierre Choisy
Naturaliste depuis l’enfance, biologiste depuis étude, aussi accompagnateur, quoique depuis des années travaillant essentiellement comme biologiste de la faune.

Nous avons un site dans les Pyrénées Atlantiques (falaise d’Arguibelle) ou la FFME a conclu des accords avec la LPO pour la fermeture de certains secteurs lors des phase de reproduction.
2 secteurs sont donc fermés un certain nombre de mois dans l’année pour permettre au Faucon pélerin et au Percnoptère de pouvoir nicher.

Depuis que j’y grimpe je n’ai jamais entendu le moindre soucis quand à la cohabitation rapaces-grimpeurs, le panneau d’information est trés clair au parking, les grimpeurs respectent cet arrêté.

Pour vous dire que c’est pas la peine de monter sur nos grands chevaux, on peut respecter la faune et grimper en même temps, on a autan le droit d’utiiser les falaises que la faune qui s’y trouve.

Quand à la réintroduction du Gypa, oui c’est un mal necessaire, mais il faut que les organisations s’entendent entre elles, sinon c’est la porte ouverte aux dérives.

Je suis sûr que la falaise d’Arguibelle est loin d’être un cas isolé en France.

Jean-Pierre Choisy : merci pour ces précisions, c’est très intéressant et ça permet de mieux comprendre le fond du problème du point de vue de l’oiseau.

Astapito : bien d’accord avec toi, quand ça se passe comme ça c’est parfait!

Posté en tant qu’invité par MDR:

oh l epauvre petit chou, l’homme victime des vautours…

En dépit de certaines confusions et de quelques erreurs, les divers messages traduisent un réel intérêt, qui ne se réduit pas à « la défense de son bout de gras ». Donc je poursuis l’information. Cette fois sur l’EXTERMINATION DES VAUTOURS. Car, globalement, les Vautours de l’Ancien Monde sont gravement menacés par l’Homme à l’échelle mondiale sauf en Asie centrale (provisoirement ?) et en Europe occidentale où leur restauration tend à se développer.

L’élevage n’existe que depuis beaucoup moins de 1% de l’histoire évolutive des Vautours. Peu leur importe qu’un cadavre soit celui d’un Ongulé (Mammifère à sabots) sauvage ou domestique, de même qu’un Rouge-queue noir niche dans une cavité en paroi, sans se soucier si celle-ci est une falaise ou le mur d’un bâtiment.

Si les Vautours sont devenus de plus en plus dépendant de l’élevage, c’est tout simplement que l’Homme a, très artificiellement, réduit les densités d’Ongulés sauvages : jusqu’à zéro pour bien des espèces. Sans cela en France nous aurions des densités élevées de Sanglier, Chamois, Bouquetin, Cerf, Chevreuil, Daim mais aussi, espèces encore présente en France dans la première moitié du Moyen-Age, Bison d’europe, Aurochs (ancêtre de nos Bovins), Elan (sauf en région méditerranénne),Tarpan (cheval sauvage d’Europe). L’Ane sauvage d’Europe a été totalement exterminé (c’est l’africain qui a été domestiqué ). Ca en ferait des cadavres, d’autant qu’il y aurait aussi les grands Carnivores.

Pendant des milliers d’années, pas de problèmes : les éleveurs appréciaient l’équarissage par les vautours et ceux-ci avaient de quoi manger. L’effondrement général des vautours en Europe de la fin du XVIII° siècle à la fin du XX° siècle selon les grandes régions est donc très, contemporain…pour qui n’a pas une superficialité historique de type « Américain moyen » (pardon aux remarquables historiens américains !). Ses causes sont multiples :

  • Développement de la chasse de loisir : aristo ou de très modeste extraction, Ducon-Lajoie « ne sent plus pisser » quand il a abattu un oiseau de 2,40 à 2,80, voir 2,95 m d’envergure. Il jouit, dans la peau de St Michel ayant tué le dragon ! Et de photographier et on empailler…

    • obsession anti-rapaces « ne faisant pas dans la dentelle » assimilant vautours et aigles. Plus grave encore pour le Gypaète : une littérature « ad hoc » fait de ce gagne-petit timide et besogneux un « monstre sanguinaire » attaquant chamois, bouquetins, chèvres, moutons, veaux, vaches, chasseurs, alpinistes, bergers et bergères ! Fantasmes liés au romantisme ? Je ne sais, quoique la corrélation dans le temps le suggère. Curieusement, ce délire concerne toutes les Alpes mais ni les Pyrénées ni (exterminée plus tard et autrement) les populations ibériques ;
  • empoisonnement systématique des Carnivores sauvages, des chiens sans maîtres, qui pullulent en certaines régions (Sardaigne par exemple) et parfois du Sanglier. Là, ON PASSE AU REGIME SUPERIEUR…Un Mammifère empoisonné suffit à massacrer en une fois plusieurs dizaines de Vautours. Depuis le milieu du XX° siècle on lui doit d’avoir vider les Balkans de Vautours (hors de quelques espacesz protégés), réduit de le Vautour fauve de plus de mille couple à autour de 25 en Sardaigne, exterminé le Gypaète en Andalousie, etc. Ca redevient de plus en plus préoccupant en Espagne. Plus un problème chronique dans les Alpes mais, en 2005, un vautour percnoptère a été tué par un appâts empoisonné (illégal) visant des sangliers…

  • famines : quand à la quasi-extermination des Ongulés sauvages s’ajoute l’interdiction de laisser les charognes de bétail dans la nature, DE QUOI VIVRAIENT LES VAUTOURS ? La névrose anti-cadavres a deux racines : obsession hypergiéniste, particulièrement virulente de la Suisse à l’Europe du nord et, plus récente, obsession médiatique. Les cinglés de ce genre ne sont plus rares chez nous aussi. Les charognes sont aussi nécessaires à la biodiversité que le bois morte en forêt. Le Percnoptère, picoreur des restes des grands vautours, a peu survivre à leur élimination grâce aux ordures de l’Homme., d’où ses noms allemands (Schmutzgeier) et néerlandais (Aasgier).Dans la seconde moitié du XX° siècle la fermeture des décharges a effondré sa population méditerrannéenne françaises d’une centaine de couples à moins de dix…

En Asie et en Afrique tuerie, empoisonnement et famines ont les mêmes effets, quoique souvent d’autres motivations.

  • vautours tués pour être mangés, comme tout le reste de la faune. Mais très peu prolifiques leurs populations ne peuvent y survivre ;

  • famine : en Asie du sud-est depuis plus soixante ans, depuis peu dans une fraction croissante de l’Afrique, la pénurie conduit les habitants à consommer un cadavre de bétail pas trop vieux ou a rapidement abattre et consommer un animal mourant ;

  • empoisonnement des Carnivores, en Afrique comme en Asie n’est pas encore illégal. Comme naguère chez nous, il est souvent organisé officiellement (par exemple par les forestiers au Maroc dans un passé très récent. Encore ? Pas d’infos récentes) ;

L’Asie du sud-est a été totalement vidée de vautours (autres espèce qu’en Europe) dans les décennies suivant la seconde guerre mondiale sauf quelques restes au Cambodge, qu’on essaie de sauver et même restaurer. Encore omniprésents dans la ruralité de l’Afrique, les Vautours ont récemment été anéantis d’espaces immenses et croissant. Encore réversible : pour combient de temps ? Les quelques quarante millions de vautours de l’Inde et pays voisins ont perdu 97% de leurs effectifs en une douzaine d’année avant qu’on en identifie la cause : un très banal anti-inflammatoire distribué massivement pour prolonger un peu la vache unique dont vivent des millions de familles. Outre la catastrophe faunistique, une catastrophe sanitaire (et culturelle pour les minorités dont la religion exige que leurs morts soient mangés par les oiseaux). L’Inde supprime ce produit mais l’usage s’en répand ailleurs (Afrique).

Jean-Pierre Choisy

Encore une fois merci, c’est très intéressant à lire et ça remet pas mal de choses à leur place!

Une confirmation de plus, s’il le fallait, que l’Homme se comporte 95% du temps comme un salaud face à son environnement :confused:

Merci pour cet éclairage passionnant, qui montre que cette problématique de réintroduction ne peut se résumer à la question de cohabitation/partage des falaises

Il est clair que ce problème touche à l’histoire, des méthodes humaines depuis des siècles, des populations endémiques de ces espèces et de leur comportement.

A trop vouloir vivre dans un monde « aseptisé », ou l’homme est roi, on en oublie le fait que nous vivons en complémentarités avec le biotope et la biocénose.

Merci pour l’eclairage Jean-Pierre.