[quote]Dénoncer les injustices et abus inhérents à la propriété privée n’a rien d’original. Pourtant la critique de la propriété en tant qu’institution à laquelle se livre Proudhon fit scandale. « La propriété, c’est le vol » écrit Proudhon. Dans une entreprise, parce qu’ils travaillent collectivement, les ouvriers produisent plus que s’ils travaillaient chacun individuellement. Il n’est pas vrai en effet qu’un individu puisse faire en dix heures le même travail que dix individus en une heure. La force collective dans le travail social produit bien plus que la force individuelle. Cent hommes peuvent déplacer une pierre de plusieurs tonnes que jamais un individu seul ne pourra faire bouger même en cent fois plus de temps. Pourtant le capitaliste rétribue chacun de ses ouvriers individuellement et donc « vole » ce surplus de valeur. La propriété privée est l’appropriation par un individu d’un travail en commun et est donc un vol.
La propriété crée l’inégalité et interdit à l’ouvrier la sécurité de posséder. Elle met en péril la cohésion sociale car, alors que les capitalistes accumulent les profits, les ouvriers s’appauvrissent de plus en plus. Dépossédés des richesses qu’ils ont eux-mêmes produits, les ouvriers cherchent à les récupérer par la violence et les capitalistes utilisent la force… pour empêcher d’agir les voleurs ! Car tel est le paradoxe : alors que la propriété résulte d’un vol, elle prétend s’opposer à lui.
Cependant la propriété est en même temps la liberté au sens où elle est un rempart contre l’État. C’est en ce sens, du reste, que Proudhon s’oppose à Marx. L’appropriation collective des moyens de production préconisée par Marx ne résout rien aux yeux de Proudhon. Elle ne fait que transférer la propriété à l’État mais, en changeant de mains, la propriété ne change pas pour autant de nature. Le pire mal est d’être livré à l’État propriétaire. Proudhon accuse les communistes de vouloir la dictature en s’appropriant les consciences et les facultés des individus. De plus, si l’État est le propriétaire des moyens de production, les individus ne sont plus encouragés à travailler parce qu’ils sont à l’abri du besoin et de la concurrence.
Capitalisme et communisme sont donc renvoyés dos à dos.
Proudhon critique l’État et est, en cela, un anarchiste. Il faut prendre le mot « anarchie », non pas au sens courant de désordre (Proudhon n’est aucunement un partisan du désordre) mais au sens étymologique. Étymologiquement parlant, l’anarchisme est le refus du pouvoir et l’anarchie un système politique sans autorité ou gouvernement. Proudhon refuse tout gouvernement, tout État, ainsi d’ailleurs que le suffrage universel. Les gouvernements sont responsables du désordre et, à ses yeux, seule une société sans gouvernement serait capable de restaurer un ordre naturel et une harmonie sociale.
Mais si l’anarchie n’est pas le désordre, de quel ordre s’agit-il ? Il existe, pour Proudhon, une troisième voie possible, ni capitaliste (où seuls quelques-uns uns sont propriétaires), ni communiste (où personne ne possède). Cette troisième voie, Proudhon l’appelle mutuellisme. Elle signifie que tout le monde possède. Ainsi les travailleurs possèderaient (et la possession n’est justement pas la propriété) eux-mêmes les terres ou les machines nécessaires au travail. C’est l’idée de la coopérative ouvrière où les associés possèdent le capital de façon indivise et en assurent collectivement la gestion (on emploie aujourd’hui le terme d’autogestion). Les profits sont alors équitablement répartis entre tous. Entre ces coopératives doivent régner des rapports libres qui conduisent à la théorie du fédéralisme. Une fédération est une convention par laquelle un ou plusieurs chefs de famille, une ou plusieurs communes, un ou plusieurs groupes de communes ou États s’obligent réciproquement et également les uns envers les autres pour un ou plusieurs objets particuliers. Le fédéralisme est contraire au centralisme. Le pouvoir n’est pas condensé en un centre unique mais les groupes associés gardent leur autonomie dans un rapport égalitaire. À la relation de pouvoir qui suppose des dominés et des dominants, Proudhon veut substituer une relation d’échanges réciproques librement consentis qu’il appelle justice.
Proudhon appelle de ses vœux une révolution prolétarienne qui dépossèderait de façon « brusque et sans indemnité » la classe capitaliste[/quote]
http://sos.philosophie.free.fr/proudhon.php
[quote]Contrairement à Marx, Proudhon nous explique dans son célèbre ouvrage Qu’est-ce que la propriété ? - que Marx ne peut pas ne pas avoir lu puisqu’il fut publié en 1840, soit quatre ans avant La Question juive -, que l’égalité sous-jacente au droit de propriété est selon lui, en effet, un droit fondamental qu’il décrit comme étant indispensable à toute liberté humaine. C’est un authentique droit naturel sur lequel il ne convient pas de transiger. Mais attention ! Il y a une entourloupe juridique dans la définition même de la « propriété ». Le flou sur le terme profite précisément au plus grand esclavagisme légal qui soit, au plus grand détournement inégalitaire de la Justice au profit d’une élite de possédants et de rentiers sans scrupules ; une ambiguïté multiséculaire, à laquelle il attribue le fondement même de toutes nos misères sociales, la brèche par laquelle s’infiltre dans le Droit rien moins que « la lutte des classes » tout entière… Même si le terme en lui-même n’existait pas de son temps, ou n’apparaît pas sous sa plume, c’est bien de cela dont il est question.
Si l’on entend par « propriété », le droit de possession, il s’agit là d’une propriété de fait et non de droit. Cette propriété-là, ce droit de possession, nous dit Proudhon, qui n’est que la seconde acception de la définition juridique de propriété, alors, oui, ce droit est égalitaire et il s’impose à toute démocratie digne de ce nom. Chacun a droit de posséder « la chose » qu’il a acquise par lui-même. Ce droit de possession est un droit naturel à part entière ; mais ce qui est décrit comme droit naturel dans ladite Constitution de 1793, n’est pas cette propriété là, de fait, mais une propriété de droit ! C’est-à-dire une propriété de droit Divin : absolue, sans limites. Proudhon a une formule amusante pour distinguer le droit de possession du droit de propriété, il dit : les amants se possèdent l’un l’autre de fait ; mais le mari, lui, est propriétaire… Il a tous les droits sur son épouse, et, selon la valeur d’absolu que prend cette définition de la propriété privée dans le droit romain mais également dans le droit chrétien : il peut user et abuser à sa guise de son bien, y compris en mal… Le droit de propriété autorise le propriétaire à user de son bien au-delà de toute raison, morale ou limite. C’est de l’abus pur et simple… Et ce, d’autant plus, lorsque la propriété en question repose sur des biens publics, ce qu’elle ne manque jamais de faire. Si Proudhon préconise l’abolition pure et simple de la propriété privée, ce n’est pas à titre de possession de fait, mais de propriété sans limites, donc d’abus de propriété. Sur quoi d’autre repose in fine la considérable extorsion des biens opérée par le capitalisme sur le dos de la société tout entière sinon sur un colossal abus de propriété que la loi est seule à pouvoir enfin réglementer ? Ici encore, il ne s’agit pas de toute propriété ; mais uniquement de la propriété de « Droit Divin » que s’octroient les tenants du jus ad rem (droit à la chose, du propriétaire) au jus in re (droit dans la chose, du possédant).
« Un homme à qui il serait interdit de passer sur les grands chemins, de s’arrêter dans les champs, de se mettre à l’abri dans les cavernes, d’allumer du feu, de ramasser des baies sauvages, de cueillir des herbes et de les faire bouillir dans un morceau de terre cuite, cet homme-là ne pourrait vivre. Ainsi la terre, comme l’eau, l’air et la lumière, est un objet de première nécessité dont chacun doit user librement, sans nuire à la jouissance d’autrui »
Pierre-Joseph Proudhon, Qu’est-ce que la propriété ?, Le livre de poche p. 220
Si le droit de possession est naturel, le droit de propriété est absurde et insensé, puisqu’il se heurte à des nécessités naturelles, qu’il confisque abusivement. Cela est d’autant plus vrai dans le cadre de la propriété foncière où celle-ci s’arroge tous les droits du propriétaire alors que le terrain lui-même offre toujours une multitude de biens communs de toutes sortes. Cette distinction entre propriété de fait et de droit est inexistante chez Marx, et pour cause : la liberté individuelle n’y étant plus reconnue comme « privée » ou « isolée », le droit de possession n’a lui-même plus aucun sens… Mais c’est aller à mon sens un cran trop loin. Ce qui amènera Proudhon à décréter, certes, que la propriété absolue, c’est-à-dire bourgeoise, est un vol ; mais que le droit de prescription, tel qu’il fut défini originellement, permet d’envisager l’égalité des propriétés. Il n’est donc pas question pour Proudhon d’abolir toute propriété, mais de permettre leur égalité, dans un souci d’équité civile.[/quote]
http://www.wikiberal.org/wiki/Pierre-Joseph_Proudhon
http://www.cnt-f.org/cooperatives/chroniques/benz-cinq.pdf