Risque et gestion du risque en montagne

Voilà un petit sondage pour mesurer la température des camptocampistes à ce sujet et surtout pour stimuler la discussion.

Par « montagne » j’entends « sports de montagne ». Je suis bien conscient qu’un randonneur n’aura pas forcément la même sensibilité qu’un alpiniste de l’extrême, mais le but ici n’est pas autant de faire le portrait de la communauté c2c (trop hétérogène!) sinon de lancer quelques pistes pour la réflexion.

Pour moi le l’intérêt (le plaisir) ne vient pas du risque lui même mais de la bonne gestion (maitrise) du risque

Pour moi, l’intérêt vient plutôt de la gestion des difficultés. Le risque n’est qu’une des composantes de la difficulté.

Un niveau plus élevé me fait réduire le risque en gardant le même terrain de jeu.
J’ai mis « vrai », mais en réalité ça sature : pour un terrain donné, jusqu’à un certain niveau, l’augmentation du niveau réduit le risque car on peut utiliser une plus grande partie du terrain, pour de protéger ou s’enfuir rapidement. Mais quand on atteint un niveau permettant d’exploiter 100% du terrain, une augmentation supplémentaire du niveau ne permet pas de réduire le risque.

La société a son mot à dire sur la prise de risque de la cordée.
J’ai mis « vrai », mais ça ne signifie pas que je suis d’accord de tout règlementer. Par exemple, il est interdit de vendre un EPI qui n’est pas aux normes : je suis d’accord avec ça. Or ça limite la prise de risque de la cordée, qui pourra trouver plus difficilement des prototypes d’EPI hors norme (ou pas encore aux normes).

La prise de risque est une décision que ne regarde que la cordée.
J’ai mis vrai aussi. Les autres ont leur mot à dire, mais in fine, c’est la cordée qui décide.
Avec la condition que le risque en question ne concerne que la cordée. Pour le risque que peut faire prendre la cordée aux autres cordées, la décision ne regarde pas que la cordée.

Posté en tant qu’invité par gras:

J’ai été près de mourir en montagne au moins une fois : Oui / Vrai 45% - 10 Non / Faux 54%
J’aurais pu mourir en montagne si un détail c’était passé différemment : Oui / Vrai 81% - 18 Non / Faux 18% - 4

Surprenent, la différence de réponse à ces deux questions pourtant très proches !

[quote]J’ai été près de mourir en montagne au moins une fois : Oui / Vrai 45% - 10 Non / Faux 54%
J’aurais pu mourir en montagne si un détail c’était passé différemment : Oui / Vrai 81% - 18 Non / Faux 18% - 4

Surprenent, la différence de réponse à ces deux questions pourtant très proches ![/quote]

Non, pas si surprenant que ça, car les questions sont bien différentes si on y regarde de plus près.

La première porte sur la réalité d’un évènement passé. Quand un sérac s’est cassé la gueule et t’es passé à quelques mètre, oui tu peux dire que tu as été près de mourir et même le mesurer.

La seconde porte sur l’imagination d’une situation qui n’a pas eu lieu (elle est au conditionnel). Telle qu’elle est posée, on pourrait même imaginer logique d’avoir 100% de réponses positives. Tu aurais pu mourir en montagne si tu t’étais mal vaché à un relais par exemple. L’alpinisme ou l’escalade étant des pratiques comportant des dangers potentiellement mortel on peut toujours imaginé leur occurrence. Donc tu réponds oui à la seconde question. Mais dans le même temps si dans ton expérience personnelle, si tu as toujours bien géré les risques subjectifs et eu du bol avec les risques objectifs (ou eu du bol dans leur évitement), tu réponds non à la première question.

C’est exactement ça.
La première question tient à mesurer une donnée (plus ou moins) objective. Un événement. Une sort de mesure du risque mortel.
La deuxième tient à mesurer la perception du risque, forcément subjective. Certains peuvent penser que sa survie en montagne dépend de l’heureuse coïncidence d’une série de circonstances qu’ils ne contrôlent pas. D’autres peuvent penser que rien ne peut leur arriver, tandis qu’ils n’ont rien oublié de contrôler. Sont des perceptions subjectives.
La premiere question essaie de donner la mesure objective de ce risque mortel.
(tout en sachant qu’elle n’est pas vraiment objective, la bonne question statistique aurait été, « Êtes-vous mort en montagne? »)

Le risque et la gestion du risque est un des intérêts de la montagne ?

Pour moi, la gestion du risque (lire les bulletins météo, savoir analyser les conditions météo sur zone, la solidité des cascades de glace, etc.) est un des intérêts de la montagne.
Le risque en lui même ne l’est pas.

[quote=« F2000, id: 1269757, post:8, topic:116523 »]Le risque et la gestion du risque est un des intérêts de la montagne ?

Pour moi, la gestion du risque (lire les bulletins météo, savoir analyser les conditions météo sur zone, la solidité des cascades de glace, etc.) est un des intérêts de la montagne.
Le risque en lui même ne l’est pas.[/quote]
Je pense exactement la même chose. Il est dommage que les deux questions soient confondues. Je me passerais bien du risque en montagne mais apprendre à le gérer fait partie de ce qui m’intéresse avec l’objectif de le limiter au maximum. L’intérêt du risque n’est donc pour moi uniquement sa gestion mais pas le risque lui-même.

[quote=« Bubu, id: 1269504, post:4, topic:116523 »]La prise de risque est une décision que ne regarde que la cordée.
J’ai mis vrai aussi. Les autres ont leur mot à dire, mais in fine, c’est la cordée qui décide.
Avec la condition que le risque en question ne concerne que la cordée.[/quote]
J’ai répondu faux un imprudence peut aboutir à des interdictions pour tous les pratiquants.

Posté en tant qu’invité par TDM:

Un niveau plus élevé me fait réduire le risque en gardant le même terrain de jeu
Oui / Vrai 69% - 34
Non / Faux 30%

C’est toujours le mythe du « niveau », qui apparemment a la vie dure. Un mec se tue dans un avalanche « Oh là là, je comprends pas, il avait skié du 5.3 et il sortait tous les jours »

Un mec fait du 8b, ca empêche les cailloux et les séracs de tomber ?

Ok, avoir un bon niveau réduit les risques d’erreurs dans les passages difficiles. Sauf que la plupart des accidents mortels sont dus aux risques objectifs, ou se passent dans des passages faciles où l’attention est relachée ( combien d’alpinistes célèbres sont morts sur des corniches, dans une descente, sur un rappel ? ( Berhault, graftiaux les plus récents )

POur moi c’est l’inverse, plus je me sens fort, moins je suis attentif, donc j’augmente les risques.

Ben désolé, je suis à l’aise en terrain hors sentier, et j’ai pu constater que c’est bien plus sécurit par rapport à des gens qui découvrent le terrain hors sentier (risque de chute, de se fouler une cheville, …) : c’est bien mon niveau plus élevé dans ce terrain qui me permet de prendre moins de risque.
Evidemment, de savoir faire du 5.3 ou du 8b ne sert à rien pour être à l’aise dans les éboulis ou les terrains à chamois. C’est ce que j’ai dis : l’augmentation du niveau permet de prendre moins de risque sur un terrain donné, jusqu’au niveau max nécessaire pour évoluer quasi partout sur le terrain, au delà ce n’est pas utile.
Ensuite, certains sont à l’aise dans le 6b en rocher mais pas dans le 3 en herbe. Ben ouais, c’est juste qu’il n’ont pas un vrai niveau 6b, qui sous entend de maitriser tous les niveaux inférieurs. Ce n’est pas grave, faut juste en être conscient pour ne pas faire de connerie.

Pour moi c’est clairement faux. Tu peux mettre en péril la vie d’autrui, par chute ou par déclenchement. Donc la décision est prise par la cordée mais elle ne regarde pas uniquement cette cordée.

Je plussoie ta remarque et j’ai voté pareil. D’ailleurs dans la plupart des manuels c’est écrit ainsi. L’augmentation du niveau ne change rien au risque pris dans un terrain identique. Mais il réduit le nombre d’accidents.

Le problème c’est qu’avec l’augmentation du niveau, on élargit le terrain de jeu et donc le nombre d’accidents n’est pas réduit.

Posté en tant qu’invité par Evidence:

[quote]Un niveau plus élevé me fait élargir le terrain de jeu en prenant le même risque
Un niveau plus élevé me fait réduire le risque en gardant le même terrain de jeu[/quote]

Un niveau plus élevé conduit souvent, voir toujours, à prendre plus de risque à plus ou moins moyen terme. L’alpinisme de haut niveau n’enfile pas des perles et on n’augmente pas sérieusement le niveau sans aller au charbon. Généralement, le risque augmente exponentiellement avec le niveau des courses. La mortalité importante en montagne des membres du Groupe Haute Montagne http://ghm-alpinisme.fr/ ou plus simplement des meilleurs en sont une bonne illustration.

Il n’y a pas besoin de faire du solo dans une face N hivernale sur un 8000m pour le comprendre. Une chute est généralement moins dangereuse dans un grade 4 en cascade que dans le 6+ ou le 7. Idem pour l’artif : un plomb dans du A6 conduit simplement à la tombe. Idem pour l’engagement, le moindre petit pépin prend une autre importance dans un engagement V que dans la voie normale de Chamechaude.

Tout dépend de ce qu’on appelle « niveau », si c’est un niveau sportif ou si ça intègre la gestion de la sécurité et la prudence. Un type qui skie comme un dieu mais qui se fait prendre dans une avalanche par risque 4 dans une pente à 40° je douterais de son niveau.

Il y a en filigrane de cette discussion une confusion entre danger (l’évènement susceptible d’affecter l’intégrité corporel du pratiquant) et risque (probabilité d’occurrence de ce danger) et la nécessité de distinguer dangers objectifs et subjectifs.
Si le terrain de jeun est le même stricot sensu, les dangers objectifs sont inchangés. Mais si le niveau (compétences au sens larges = technique corporelle mais aussi capacité d’analyse et de décision) augmente dans ce contexte, étant donné qu’il est lié aux dangers subjectifs, ces derniers logiquement diminuent.
Mais dans la réalité, rien ne se fait jamais « toutes choses égales par ailleurs ».

Posté en tant qu’invité par Evidence:

Tout simplement, il suffit d’ouvrir un livre sur l’alpinisme avec les faits marquants : plus dur, plus loin, plus haut, plus dangereux etc

A quoi cela peut il bien servir d’augmenter le niveau pour faire les mêmes courses ? Ca ne présente guère d’intérêt. Généralement, voir toujours, on monte le niveau pour faire plus difficile (et cela conduit donc à prendre plus de risque) ! S’il s’agit simplement d’augmenter le niveau de sécurité, il suffit de baisser le niveau des courses. C’est bien plus simple, rapide et moins dangereux que de vouloir monter son niveau.

Tu sembles confondre risque et difficulté, traverser une pente de neige chargée c’est dangereux mais facile, grimper du 8 c’est très difficile mais pas très dangereux (souvent moins que du 5)

Posté en tant qu’invité par TDM:

[quote=« Bubu, id: 1269816, post:12, topic:116523 »]

Ben désolé, je suis à l’aise en terrain hors sentier, et j’ai pu constater que c’est bien plus sécurit par rapport à des gens qui découvrent le terrain hors sentier (risque de chute, de se fouler une cheville, …) : c’est bien mon niveau plus élevé dans ce terrain qui me permet de prendre moins de risque.
Evidemment, de savoir faire du 5.3 ou du 8b ne sert à rien pour être à l’aise dans les éboulis ou les terrains à chamois. C’est ce que j’ai dis : l’augmentation du niveau permet de prendre moins de risque sur un terrain donné, jusqu’au niveau max nécessaire pour évoluer quasi partout sur le terrain, au delà ce n’est pas utile.
Ensuite, certains sont à l’aise dans le 6b en rocher mais pas dans le 3 en herbe. Ben ouais, c’est juste qu’il n’ont pas un vrai niveau 6b, qui sous entend de maitriser tous les niveaux inférieurs. Ce n’est pas grave, faut juste en être conscient pour ne pas faire de connerie.[/quote]

Tu raisonnes froidement, scientifiquement. Sauf qu’on raisonne sur de l’humain. Crois tu que Berhault n’avait pas le niveau pour faire une arete de neige ?

Bien sur que si. C’est juste que moins concentré ( c’est facile, je suis largement au niveau ! ) tu te relaches, et fait moins attention => le risque augmente, sur le même terrain de jeu. POur moi c’est évident.

Sans parler du fait que si tu niveau augmente c’est que tu pratiques plus, donc le risque augmente…

Oui mais … Je trouve que le même terme « niveau » ou « risque » est ambivalent d’une question à l’autre

Comme beaucoup de gens ici je suppose, j’ai survécu à des chutes de séracs (ceux de la face nord du Dome des Écrins en ce qui me concerne) à des chutes de pierre, j’ai démêlé mon chemin (ou d’autres l’ont démêlé pour moi) dans des circonstances où il aurait été très dangereux de bivouaquer, j’ai vu des coulées d’avalanche traverser mes traces de ski peu de temps après mon passage et pourtant c’était de bonne heure, etc. J’ai eu peu de choix à faire, juste celui d’y aller ou pas.

Par contre c’est vrai que le niveau technique d’escalade n’apporte en soit pas grand chose pour la montagne dès lors qu’on n’est plus encordé, reste un peu d’habilité et d’équilibre, mais à part ça … sauf si on fait du solo de temps en temps, bien sûr :smiley: