Bonjour,
Avec une collègue, on est en train de préparer un article pour une revue d’anthropologie (des techniques) centré sur la problématique de la conservation alimentaire dans les expéditions d’alpi en Himalaya (on va faire une comparaison avec la marche ultra légère). Si on trouve (articles, forum) des choses sur la diététique et l’alimentation en général, pas grand chose sur les questions de la conservation/protection des aliments (en situation d’itinérance).
Conserver = tenir dans le temps (durée), protéger du milieu extérieur (froid, chaud, choc, contamination)… et bien sûr transporter.
Cela peut concerner en vrac : les choix d’aliment, les transformations (séchage, conserve…), le (re)conditionnement, l’approvisionnement (de France/sur place, acheté/fait soi-même)…
Du coup, je me permets de solliciter la communauté pour vos retours d’expérience, vos anecdotes, vos trucs et techniques.
Comme on est dans un forum de partage, des réponses directes, c’est top (retour XP pour tous). Sinon, en mail perso (voire une petite discussion pour les plus motivé.e.s).
Il s’agit d’une revue en ligne (https://tc.revues.org ), ouverte au multimédia : si vous aviez des photos que vous souhaitiez/pouviez partager, ce serait encore plus top.
Un grand grand merci d’avance aux (possibles) contributeurs. A dispo pour toutes précisions…
Eric
PS. : si à la fin l’article est retenu, il sera en libre accès (édition ouverte) pour les curieux. Et de toute façon on fera passer à tous un compte rendu de ce travail.
Retours d'expérience sur conservation alimentaire en expédition (article terminé)
Bonjour,
Pour mes expéditions en binôme sur environ 3 à 4 semaines de voyage ( donc en autonomie sur 10 à 20 jours ).
Je traite dans la suite que de la période ou il n’y a pas d’assistance extérieure ( pas de lodge, pas de refuge, pas d’assistance de camp de base).
Produits frais possible dans les premier jours notamment les fruits. Sympa aussi les oeufs mais difficile à transporter donc que dans les premiers jours.
Principaux produits: lyophilisés, produits séchés ( saucisson,…), barre de céréales,soupe et lait en poudre, céréales. préparé à l’avance reconditionné en sac avec des sous sachets par jour avec inscrit la date du jour d’utilisation. La veille de l’ascension les produits les plus appétant et facile à digérer à ces altitudes.
Plus je monte en altitude et plus je privilégie des aliments facile à ingurgiter ( soupes).
Rarement des boites de conserves car lourd, de plus ce que l’on monte on le redescend donc redescendre des boites de conserves vides : pas top.
En altitude, j’ai renoncé aux pâtes et riz ( non précuite): trop long à cuire. Cela nécessite beaucoup d’énergie ( quantité de carburant ) car l’eau provient de la fonte de la neige . L’eau n’est pas à 100 degrés ( exemple le point d’ébulition de l’eau est de 80 ° à 6000m d’altitude) donc cuisson allongée.
Stockage des produits directement dans des sacs plastiques enfouis dans la neige aux différents camps d’altitude. Température de conservation = température de la sous couche neigeuse.
Traitement de l’eau pour la rendre bactériologiquement potable: chauffe plus " Micropur".
Traitement de l’eau pour la rendre chimiquement potable: aucun. Car c’est très contraignant d’utiliser les filtres céramiques car avec le froid , l’eau passant lentement s’y fige/gèle. Cependant choix de prélévement de la neige ( pour la faire fondre) supposée indemne.
Dans le cadre des expéditions cela dépend fortement du choix des itinéraires et techniques/logistique d’ascension utilisées mais également de la période visée, les réponses peuvent donc varier énormément.
En autonomie.
J’ai un bon coup de fourchette en dessous de 4000, ensuite cela dépend de l’acclimatation mais cela va jusqu’à ne plus rien avaler du tout à trés haute altitude.
Mélange arachides variés et fruits secs, cacao en se faisant des mueslis le matin mais également pour les pauses dans la journée (parfois avec du lait en poudre le matin et un supplément fruits secs pour les pauses).
Pour les pauses également, soupes, thé et bouillon cube^^ en grande quantités, 4 à 5 reprises dans la journée.
Le soir viande séché, légumes déshydratés en tout genre et 150gr minimum de pâtes ou purée ainsi que des galettes de riz ou pâtes d’amande avec encore des fruits secs.
Après chaque ravito, j’essai d’avoir des barres énergétiques et du fromage également pour quelques jours mais c’est parfois difficile.
Sur de la longue durée, j’utilise des compléments alimentaire pour tenter de minimiser les carences dues à l’intensité de expéditions et surtout à la consommation d’eau de fonte pauvre en minéraux.
Plus je monte, plus je consomme de soupe et beaucoup moins d’aliments solides.
Je passe énormément de temps à faire de l’eau, ça occupe l’esprit et il faut que je m’oblige a boire régulièrement.
Je fais dix jours à deux semaines en autonomies complètes environ avant de devoir ravitailler à nouveau pour repartir sur la même durée.
Selon les difficultés à traverser et le mode de progression (à pied, ski, ski+pulka) j’écourte cette durée pour avoir moins de poids à transporter et passer certains obstacles.
Au niveau calories cela va de 4000cal au double selon le programme des journées sans s’élever de façon très importante en altitude.
Parfois eu des difficultés avec le fait que mes aliments/eau gèlent et c’est assez pénible. Pour le reste ça va.
Conditionné en sac type Ziploc essentiellement.
Certains collègues prennent de la farine de mais en plus des pâtes et purées qui semble plus digeste en altitude mais j’en suis personnellement pas fan.
Avec une logistique plus lourde comprenant la restauration, la question ne se pose pas ou beaucoup moins.
Bonsoir Verslescimes,
Merci beaucoup pour ce premier témoignage. Si je peux me permettre, quelques petites questions de précisions… Pour les fruits et les oeufs, des trucs particuliers pour les faire tenir ou arriver à les transporter (j’ai eu des témoignages de souci aussi avec le froid) ? Pour les boîtes, c’est rare : du coup c’est pour des aliments particulier que le compromis est fait de se fader des conserves? Et du coup la plupart des aliments pour la partie en autonomie sont acheminés de France ? Encore merci en tout cas.
Bonsoir J-Baptiste,
Merci aussi beaucoup pour ce retour. Et comme je suis gourmand, je glisse quelques questions en « digestif ». J’ai eu des témoignages qui me disaient que la conservation du fromage était compliquée : des retours d’expérience là-dessus ? Côté compléments alimentaires, qu’est-ce que cela pourrait être (pour illustrer) ? Dans les ravitos, les rations sont conditionnés/protégés d’une certaine manière ? Eric le curieux…
Il s’affine de plus en plus et gagne en caractère au fil des jours mais lorsque tout les compagnons de cordée t’évite c’est qu’il est temps de le finir^^
Plus sérieusement. Cela dépendra de ton fromage, perso dans une boite hermétique, les morceaux emballés à part les fromages ferme c’est quatre à cinq jours parfois plus selon les températures mais vu les faibles quantités transportés c’est déjà pas mal de mon coté. Les fromages frais cela ne sert a rien ça tiens pas.
Pour l’eau, sur des expéditions courtes le thé/infusion en complément suffira.
Sur du long terme et toujours uniquement avec une conso d’eau de fonte, on peut faire la même chose, il y aura quelques baisses de régime et il faudra contrer le phénomène par des ajouts en minéraux (en calcium et magnésium essentiellement). A cela, il faut ajouter une plus grande perte de sel par la transpirations mais également l’effet diurétique ainsi que la perte de minéraux qui est engendré sous l’effet du Diamox si on y a recours (et il faudra donc rajouter du chlorure de sodium pour contrer ces deux éléments).
Question ravito, c’est variable. Si c’est la même équipe qui a effectué des déposes sur l’itinéraire ou livraison auprès de points de passage type lodges ou refuge, conditionnement en caisson hermétique et emballage indispensable pour plusieurs mois s’il y a exposition aux éléments.
Si l’équipe se ravitaille elle-même en faisant des étapes ou si il y a une logistique plus lourde avec du personnel pour ravitailler, on va privilégier la quantité pouvant être transporter et les délais ne nécessiteront pas autant de précautions donc juste sac/emballage étanche/isotherme.
Et bien re-merci J-Baptiste pour ces précisions ! Pour le fromage, vu que l’on peut soi-même prendre du « caractère » avec les jours passés en altitude, c’est une symbiose
Pour le fromage, même si c’est moins bon, il y a les vaches qui rit et autres mimolettes etc, qui résistent à tous les climats.
Côté fruits et légumes frais , sauf froid extrême on peut les garder à peu près intacts en les plaçant contre soi dans le sac, et dans la tente. Ensuite, il y a les versions séchées. Les oeufs, ça craint plus la casse que le froid…
Je n’ai pas une grosse expérience en expéditions, mais… Quand j’ai fait le choix d’acheter sur place, ce fut à regret (temps de cuisson des produits bien trop long, difficultés à trouver des soupes en sachets, etc). Et ça m’a bien arrangé qu’un mec qui a abandonné me laisse quelques lyoph.
Sinon, j’aime bien les pâtés végétaux ou de viande avec du pain ou assimilé. Je fais aussi des galettes gloubi boulga avec des flocons de céréales, du lait en poudre + des fruits secs ou des soupes déshydratées. Pour 2-3 jours car la vaisselle à la neige doit être optimisée.
Niveau quantité et appétit, j’ai la chance de bien digérer, même à 6000. Et ça ne m’a pas effrayé de manger des double rations de boeuf strogonoff ou d’aligot à cette altitude. Mais après 3 semaines, j’avais quand même perdu 3-4 kg.
Du reste, comme les autres… Beaucoup de thé, du muesli, des graines sucrées et salées, du chocolat, des fruits et des légumes séchés, du fromage. Le saucisson, je me méfie un peu du stockage…
Merci Hedera.
C’est très intéressant et on voit en effet des pratiques communes. Pour les fromages fondus, j’imagine que le packaging carton est conservé pendant les approches. Comment cela se passe en ascension ? Pas de risque d’écrasement ?
Coté saucisson, c’est quoi les soucis de stockage ?
Mon top repas de bivouac
Semoule pour la raport volume / temp de cuisson / eau et Gaz consommé
Abricot Sec
Amandes
Du mélange Sel-poivre
quelques épices
Un couscous de rève quoi!
Végétarien
Moi j’utilise principalement des produits sec, Nouille japonaise (reconditionné), Bolino reconditionné (hachi parmentier), semoule, riz (3 minutes), soupe, sardine/thon en boite. Pour le midi c’est saucisson pain les 3-4 premier jours puis crackers, amande grillée et salée, pâte de fruit, pâte d’amande/figue. Un peu de fromage et quelque fruit pour les premier jour. Gâteau sec et café pour le petit dèj. Donc que des truc qui ne demande pas de cuisson pour ne pas avoir à prendre trop de gaz/essence.
Pour l’écrasement, ben faut bien organiser !
Le saucisson, s’il n’est pas très très sec et bien stocké, peut se laisser coloniser par de joyeuses bactéries responsables de problèmes digestifs. Du coup, dans des pays chaud et humides « en bas », méfiance !
Quant au rapport bouffe/gaz, je privilégie aussi la semoule, chaude ou en taboulé (0 cuisson, très bien si l’eau est buvable directement), et les flocons de céréales pour des préparations sucrées comme salées. Pis ça fait des fibres, c’est bien…
Les bolinos, pâtes 3 minutes etc, c’est bien mais il faut les avoir acheté avant de partir.
@ Salaun,
Au sujet du reconditionnement des nouilles chinoises, je me permets de partager un extrait d’un (très bon) dossier de Carnets d’aventures (n°10) :
« L’optimisation peut se faire au niveau du volume, des aliments sont plus denses que d’autres et donc plus faciles à transporter. Typiquement, les nouilles chinoises (pourtant énormément plébiscitées par les voyageurs) sont peu denses et prennent donc un volume élevé pour une valeur calorique au poids équivalente à celle des pâtes (notons qu’on en trouve en conditionnement moins volumineux, plus « droites » ; sinon faire comme David Manise : « perso je les compacte avec le pied, à la mode à la mode… c’est tout de suite plus dense !! »). L’avantage des nouilles chinoises est qu’elles ne nécessitent pas de cuisson mais seulement un peu d’eau chaude (la semoule aussi d’ailleurs, et même de l’eau froide). On pourra remplacer les « sachets de saveur » (au contenu parfois douteux) fournis avec les nouilles par des bouillons cube. » http://www.expemag.com/article/nourriture-de-voyage/la-nourriture-en-randonnee-1
Bonjour,
Un complément alimentaire au top c’est la spiruline cultivée dans nos campagnes en voici : http://etoile-verte.com/spiruline-de-savoie (cela ne t’apportera pas l’apport calorique nécessaire mais des minéraux, vitamines et protéines : ceux qui est déjà une bonne part de gagner plus qu’à rajouter un max de carburant avec les féculents et aussi les précieuses matières grasses).
Tu peux préparer tes mélanges en amont dans des bouteilles ou sachets : flocons de riz, sarrasin, orge, avoine, millet, quinoa, semoule de blé, etc. (type de céréales qui cuisent et gonflent rapidement) + épices/sel + huiles diverses (olives, colza, pépin de raisins, noix, chanvre, ; tu peux aussi rajouter des purées d’oléagineux (amandes, sésame, cajou, noisettes, pignons, etc.) ou en petits morceaux par exemple. D’autres aliments séchés peuvent être sympas et pratiques : tomates séchées, mangues, abricots et bananes séchés, etc. Des barres énergétiques avec un très bon compromis qualité / poids / énergie, c’est les barres ACT et les boules d’énergie : http://www.legrandchariot.info . Ces barres énergétiques résistent bien au froid de part leur procédé de fabrication (pour en savoir plus et retours d’expériences contacter les artisans qui les fabriquent)
Bonne préparation !
Salut, Par rapport à tout ce qui a été dit, j’ai déjà transporté des bons fromages et saucs à Delhi en juin par 43°C. Les fromages avaient perdus beaucoup d’huile après 3 semaines, mais ça se mangeait (très) bien. Pour les saucs aussi, jamais eu de souci (il en vaut mieux des un peu gras pour la conservation).
Perso, j’évite les lyophs en haute altitude (> 6000m), et j’essaie de manger en bonne partie local (plus de facilité). On arrive toujours à se débrouiller sur place (soupes, chips, nouilles de riz ou soja, sardines, amandes, purée de cahuètes, biscuits, thé etc), même si parfois on ne sait pas trop ce qu’on achète (en Chine par exemple). J’évite les piments, le goût est exacerbé là-haut.
Bon app,
Comme promis, je reviens suite à ma sollicitation de témoignages. Le travail exploratoire pour lequel j’avais sollicité vos retours d’expérience a été accepté et vient d’être publié (en regardant les dates, vous verrez les délais académiques !) dans une revue d’anthropologie, Techniques & Culture.
Pour les curieux, le texte est en libre accès ici : Conserver mieux pour consommer loin
On espère ne pas avoir maltraité les témoignages (sinon, n’hésitez pas à nous le dire !). Ce petit message est l’occasion de redire un grand merci à toutes les personnes qui ont partagé quelques retours d’expériences dans ce fil.
Bon appétit
Eric
Pour les plus curieux, d’autres collègues ont fait un article sur la conservation des aliments en expéditions polaires… Concevoir une « bonne » alimentation