Recit d'avalanche ce jour + que faire?

Posté en tant qu’invité par toto01:

Salut amis skieurs,

Je me suis fait emporter ce matin par une belle plaque. Voici donc un court temoignage, si ca peut etre utile a quelqu’un, et une question ouverte a la fin…

C’etait dans le Jura, sous le Reculet, face E vers 1550m. J’ai mal evalue le risque a cet endroit, un petit mur a 35+ degres oriente SE qui avait du trop prendre le soleil ce week-end et durcir fortement avec la bise, et la petite couche de 15cm de neige tassee n’a pas du tout adhere dessus. Je venais de descendre une premiere pente, plein nord, ou on sentait plus d’epaisseur avec la vieille neige et sans cette couche de glace glissante. La neige de surface etait poudreuse un peu compactee, agreable a skier. Sur la carte IGN c’est juste au dessus du C de Reculet:


La plaque s’est decrochee avec la forme habituelle d’un ^ un peu ecrase, environ 50m de large, et a descendu sur un peu moins de 50m. Elle etait peu epaisse au sommet (10cm), un peu plus sur les bords (20cm). Le mur domine une petite depression ou la coulee s’est arretee.
J’ai fait attention sur la premiere pente, mais la pas du tout - peut etre grise par le plaisir des 100 premier metres et le rayon de soleil matinal? C’est un endroit que je connais pourtant bien (j’ai du skier ce sommet 100 fois au moins par toutes conditions) mais je n’avais jamais rien vu de bizarre la en particulier (alors qu’il y a d’autres zones ou des plaques partent regulierement). J’evite cette pente quand ca neige trop, mais vu le risque 2, la quantite tombee sur le reste du parcours et l’abscence d’accumulation sur cette pente, ca semblait tranquille - d’autant que ca n’est pas expose avec le plat juste dessous.

Sur le moment, j’ai pas trop compris: j’ai fait un virage, et je me suis retrouve assis sur le cote, les skis a l’horizontale sous mes fesses, un peu comme quand on fait un virage de freinage trop fort dans de la neige lourde et qu’on se retrouve desequilibre/assis.
Je me suis dit que j’etait pas trop reveille pour me retrouver par terre comme ca. Et puis j’ai vu que le plat se rapprochait, et une petite vague se former en contrebas. La je regarde a gauche et a droite, et je vois que toute la pente est partie - et que ca accelere et prend de l’ampleur. Et merde! Le plus surprenant dans tout ca, c’est l’abscence totale de bruit. Ensuite ca s’est passe tres vite, juste quelques secondes. Je suis reste comme ca assis/a croupi, le dos droit, sans vraiment reagir, en laissant aller et attendant que ca s’arrete. Je n’ai pas du tout (penser a?) bouger, je sais pas si c’etait par reflexe de garder l’equilibre, ou par blocage du cerveau qui savait pas quoi faire d’autre. Ca descendait tranquillement comme sur un tapis (rien qui arrivait d’en haut, j’etais sur le haut de la plaque). Juste sur la fin quand ca a freine par le bas il y a un peu de neige qui m’a pousse par le haut. Ca a peut etre aide d’avoir attaquer la pente au plus raide et au plus haut, au niveau du point de decrochage. Ca aurait ete autrement plus delicat pour un skieur qui aurait coupe la pente par en dessous et se serait tout pris sur la tete.
Bref, je me suis juste releve - les skis a peine recouverts de quelques cm et moi un peu blanc - et j’ai pu continuer la descente, une fois remis de mes emotions, en prenant tranquille par l’itineraire le plus plat, sans aller attaquer la raide combe SE a la limite de la foret.

Au final, ben je suis assez perplexe et pas tres fier:

  • de m’etre fait piege ‹ chez moi › un jour en apparence tranquille et sur un itineraire que je connais tres bien (c’etait ca le piege?)
  • j’ai l’impression de m’etre pris un mechant avertissement, mais sans que ca ait reduit mon envie de skier (a verifier sur le terrain)
  • de mon abscence de combativite pendant la courte « glissade » (ou bien j’ai pas eu le temps de me sentir menace?)
    C’etait peut etre une bonne reaction de pas bouger dans ce cas pendant la glissade, comme tout « allait bien », mais je n’ai pas eu vraiment l’impression de la choisir.
    D’un autre cote je suis content:
  • de m’en etre sorti
  • de l’aspect hautement educatif de cette experience. d’une part je vais faire vachement plus attention, et surtout reflechir un peu pour etre mieux prepare dans la tete si ca doit se reproduire. et d’autre part, j’ai l’impression d’avoir une idee un peu mieu definie de ce qu’est une plaque et quand/comment ca peut partir. (et en l’occurence, un fond dur bien lisse et gele marche aussi bien que des gobelets).

J’espere que ce ce temoignage sera utile (en tous cas moi ca m’a fait du bien)… et je serais interesse si des rescapes avaient de bons conseils a prodiguer sur que faire quand on se fait embarquer, ce qu’on resent, comment on voit les choses, et si on arrive a prendre des decisions … apparament il faut nager et se debattre, mais est-ce un reflexe ? Un entrainement serait il utile - probable mais comment?

signe: l’anonyme toto

Posté en tant qu’invité par la baltringue:

[quote=« toto01, id: 845825, post:1, topic:84261 »]Salut amis skieurs,

Je me suis fait emporter ce matin par une belle plaque. Voici donc un court temoignage, si ca peut etre utile a quelqu’un, et une question ouverte a la fin…
[…][/quote]

Merci pour ton récit, la seule expérience d’avalanche que j’ai eu est exactement comme toi, un peu de neige fraiche sur de la neige gelée. depuis je fais gaffe :o mais moi la plaque était minus

ce qui t’a « sauvé » c’est finalement le peu de neige mobilisable, non ? car tu le dis y’avait 10- 20 cm de fraiche sur le vieux fond glacé ( stable )

Et ça, tu t’en était rendu compte : donc à mon sens , ton evaluation des risques était pas si mauvaise. C’est toujours un truc auquel je pense quand j’ai des doutes : "y a t-il beaucoup de neige ? " « est ce que je risque d’etre embarqué au dessus de barres rocheuses ? » "y a t’il des rochers ou des arbres contre lesquels je pourrai me faire ecraser ? "

Merci pour ton commentaire instructif et heureux de cette issue

N’hésite pas à faire passer ton témoignage à l’ANENA, et si tu ne tiens pas trop à ton statut d’anonyme, ça pourrait être sympa de saisir ta sortie dans le topoguide (http://www.camptocamp.org/summits/37459/fr/le-reculet ) afin de partager ton expérience, donner les conditions nivologiques sur le secteur, et montrer qu’une sortie peut parfois moins bien se dérouler que prévue…

La première fois que je me suis fait embarqué, j’ai mis du temps à réagir et je pas pu faire grand chose
La seconde fois, j’ai mieux réagi et j’ai eu le temps de défaire un ski. Je pense que j’étais aussi conscient du danger que le première fois, mais mieux préparé à la chose

Posté en tant qu’invité par question:

c’est une plaque ou juste de la neige très légère qui glisse sur une surface dure?
c’est quoi la différence d’ailleurs?
bref je me suis souvent amuser à surfer sur de la fraiche très légère (10-15cm) posée sur un fond dur… je trouvais ça drôle de descendre avec toute la couche de neige, ça ne me semblait pas dangereux ( faut dire que c’était en station sur des pistes fermées ou pas encore ouvertes donc sous la couche de fraiche c’était béton de chez béton…)

Posté en tant qu’invité par la baltringue:

[quote=« question, id: 845830, post:4, topic:84261 »]c’est une plaque ou juste de la neige très légère qui glisse sur une surface dure?
c’est quoi la différence d’ailleurs?
bref je me suis souvent amuser à surfer sur de la fraiche très légère (10-15cm) posée sur un fond dur… je trouvais ça drôle de descendre avec toute la couche de neige, ça ne me semblait pas dangereux ( faut dire que c’était en station sur des pistes fermées ou pas encore ouvertes donc sous la couche de fraiche c’était béton de chez béton…)[/quote]

les spécialistes te confirmeront, mais pour moi la plaque c’est quand tout un morceau part d’un coup, même assez loin de toi ; c’est pas juste la fraiche qui part sous tes skis ; c’est cette fraiche, qui sous je ne sais quel effet ( vent, temperature ?? ) a une petite cohésion qui fait que ca part en plaque : la cassure est très explicite

[quote=question]c’est une plaque ou juste de la neige très légère qui glisse sur une surface dure?
c’est quoi la différence d’ailleurs?[/quote]
La différence c’est la cohésion, dès que tu as un peu de cohésion tu as un départ linéaire caractéristisque des avalanche de plaque. Ce que décrit toto01 semble être typiquement une avalanche de neige récente. comme sur la photo suivante :

Pour la fraiche ça peut être simplement la cohésion de feutrage, c’est à dire l’imbrication des dendrites des cristaux.

Posté en tant qu’invité par eric 90:

Emporté dans une coulée, tant que l’on a les skis au pied, on ne peut rien faire. Il faut essayer de s’en débarrasser le plus vite possible, en déclenchant les fixations. Et au passage, ne pas regretter (trop tard) de ne pas avoir échangé les lanières contre des stop-skis.

Eric.

Quand on voit le nombre de personnes qui perdent leurs skis et la probabilité tout de même infime d’être un jour victime d’une avalanche et que la situation soit agravée parce qu’on a des lanières je préfère encore largement avoir des lanières.

Ben là, tu en as eu un d’entrainement :smiley:
Mais un peut raté (normal si on est surpris par la plaque).
Car voyant que tu ne risquais pas grand chose à te laisser glisser, il fallait t’imaginer dans une situation plus périlleuse. Si il y a des barres ou des rochers affleurant plus bas, il faut tenter de s’arrêter avant. Comme tu étais au sommet de la plaque, c’était peut être possible.
Après avoir gouter à l’ascenseur à plaque, tu aurais pu en profiter pour t’entrainer à sortir de la plaque ou à t’arrêter.
Un skieur normalement constitué, s’il ne panique pas, a le réflex de vouloir s’arrêter, car il est venu chercher cette pente plus raide pour faire de plus beaux virages, mais il est en train de la descendre en ascenseur, et perd donc des virages.

Perso, c’est que que j’avais fait lors du déclenchement de ma première plaque. C’était dans un site de plaque-école, et j’y étais plus ou moins allé pour ça. La neige était mauvaise partout, donc j’avais choisi un endroit où je pouvais faire qqch d’intéressant en dépit de faire du bon ski. Mais malgré tout, je préférais skier que de descendre en ascenseur, et voyant que je perdais des virages, je suis sorti de la plaque (en plus il y avait des risques de pierres affleurantes plus bas). Sauf que comme je l’avais volontairement déclenchée, j’étais resté debout, donc aucune difficulté pour sortir.
Comme sous la plaque, en neige très dure (limite glace), il y avait des gobelets, j’ai même gagné en qualité de ski :slight_smile: Ca c’est de la bonne neige réservée, cachée sous une croute qui ne fait pas envie, qu’il faut savoir enlever pour gouter à la douceur qu’elle protège alors que tout le monde alentour gémit sur de la trafollée béton :slight_smile:

Côté suisse, le slf donnait pour le Jura (ce qui est inhabituel) le 17 à 17h une prévison pour le 18 d’un danger marqué (3) en dessus de 1400m. (Carte du danger du 17 au soir)
Prévision confirmée le 18 à 7h50. (Carte de danger du 18 au matin)

Posté en tant qu’invité par eric 90:

Je n’ai jamais perdu mes skis mais été une fois emporté par une bonne grosse plaque (à la montée). N’ayant pas pu déchausser , mes skis m’ont fais l’effet d’un bloc de béton accroché aux pieds d’un gars qu’on essaye de noyer dans la rade de Brest et qui a failli l’être. Accessoirement (toujours à cause des skis qui n’en faisaient qu’à leur tête) j’ai récolté une bonne entorse du genou.
Une autre fois mon pote, emporté sur plusieurs centaines de mètres par une (conséquente) plaque, n’a pu surnager en surface de la coulée qu’après avoir « quitté » ses skis (dont un pour toujours…)
Les skis, dans une coulée, sont une ancre de fond. Ce n’est bien sûr que mon avis.

Eric

[quote=« eric 90, id: 846026, post:12, topic:84261 »]

Je n’ai jamais perdu mes skis mais été une fois emporté par une bonne grosse plaque (à la montée). N’ayant pas pu déchausser , mes skis m’ont fais l’effet d’un bloc de béton accroché aux pieds d’un gars qu’on essaye de noyer dans la rade de Brest et qui a failli l’être. Accessoirement (toujours à cause des skis qui n’en faisaient qu’à leur tête) j’ai récolté une bonne entorse du genou.
Une autre fois mon pote, emporté sur plusieurs centaines de mètres par une (conséquente) plaque, n’a pu surnager en surface de la coulée qu’après avoir « quitté » ses skis (dont un pour toujours…)
Les skis, dans une coulée, sont une ancre de fond. Ce n’est bien sûr que mon avis.

Eric[/quote]
T’es pas obligé d’attacher les lanières à la montée quand tu as les peaux sous les skis, ça suffit normalement à les empêcher de se faire la malle

Je ne partage pas ton avis J2LH.
25 ans de ski derrière moi avec des amis qui skient beaucoup sans chercher spécialement le risque (disons 40 sorties / an). Quasi tous ont un jour ou l’autre été confronté au piège, gros accident ou simple frayeur. Ce n’est pas ce que j’appelle une probabilité infime.
Avec des lanières la situation est systématiquement agravée ! Il faut selon moi ne pas avoir de lanière en montée, et si on fait le choix de lanières en descente avoir une attache qui cède malgré tout rapidement. Je n’ai pas de lanière en descente.

Je confirme ton avis Eric, expérience similaire.

Ok, « probabilité infime » c’est peut être un peu fort mais ce que je veux surtout dire c’est que les stop-skis sont sans doute efficaces sur piste mais si tu déchausses dans la poudreuse tes skis n’iront sans doute pas très loin mais tu risques quand même de les perdre.

Les forums de skitour (et bizarement pas ceux de c2c) sont pleins d’annonces de types qui ont perdu leurs skis et les cherche. Pas seulement les skis d’ailleurs, il y en a même un qui cherche un gardien de refuge, il n’avait qu’à lui mettre une lanière et ne pas uniquement compter sur ses oreilles décollées en guise de stop-skis… heu ?!..

Ainsi que les bâtons…
Et le sac a dos…

Donc 1: stoppers 2: virer les dragonnes des bâtons (en plus ça muscle les mains pour la grimpe…) 3: ne pas crocher la sangle ventrale du sac à dos
Essayez, vous verrez, on s’y habitue très vite :slight_smile: En plus de 10 ans de rando, j’ai jamais perdu 1 ski ou 1 bâton (ni le sac à dos)!

[quote=Chti nain]Ainsi que les bâtons…
Et le sac a dos…[/quote]

Les dragonnes des bâtons, c’est surtout un coup à se faire une luxation de l’épaule, plus qu’une ancre. Quant au sac, rien à voir à mon avis avec l’effet de deux skis aux pieds. Je me demande même si le volume supplémentaire ne pourrait pas induire un effet similaire, quoi que moindre évidemment à celui qu’on cherche à obtenir avec les sac type airbag.

Bon, ceci dit j’ai pas fait de tests, et je continue à déboucler ma ventrale dans les passages tendus…

Les stoppers, c’est de la merde par contre. La plupart du temps, ça sert à que dalle. Que dalle en montée, parce qu’ils sont relevés, et que dalle en descente, soit parce que la neige est molle et arrête les skis d’elle-même, soit parce qu’elle est dure et qu’ils n’accrochent pas.

Il existe des bricolages qui permettent d’avoir une lanière qui tiendra en cas de gamelle (bon, pas cent mètres de roulé-boulé avec finale en saut de barre, non plus) et sautera en cas d’avalanche.

[quote=« Lutin, id: 846038, post:15, topic:84261 »]

Je confirme ton avis Eric, expérience similaire.[/quote]
Expérience similaire aussi. Même avis. Pas de lanières.

Pour les dragonnes, une fois que les rondelles sont prises dans la masse, c’est foutu, tu es paralysé, tu ne peux plus RIEN faire.

Quant au coup de perdre les skis, c’est effectivement un risque. Mais je préfère risquer de perdre les skis que la vie.