Randonnée alpine : assurage

Bonsoir,

Lorgnant depuis qq temps vers la randonnée alpine ou le sentier se termine souvent par un couloir, une arête, un dièdre ou autre, je me posais des questions sur l’utilisation de la corde.

En effet, dans ce type de course ou il n’y a généralement aucun point en place, il est conseillé de prendre un brin de 20 ou 30m de corde. Etant totalement novice en aplinisme, je me demande dans quelle mesure il est possible d’enrayer une glissade et/ou une chute sans un bon vieux descendeur et un bon vieux spit surmonté d’une belle dégaine, à la seule force de la main.

Pouvez-vous m’éclairer sur ce point à l’aide de vos expériences et de de la technique inhérente à cette activité…et aussi des lois de la physique :wink: ?

merci d’avance

Les situations sont variées mais il y a 2 techniques principales :

  • Progresser corde tendue, si possible en mettant des protections entre les deux (ou trois) membres de la cordée
  • Tirer des longueurs (le leader monte, fait un relais et assure d’en haut)
    Les protections sont classiquement des sangles posées sur des becquets rocheux ou la végétation. Tu peux également avoir un jeu de coinceurs plus ou moins important.
    D’en haut on peut assurer à l’épaule (en étant assis, les pieds calés), ce n’est pas très sûr mais c’est parfois nécessaire si on ne peut pas faire de relais ou si le relais est peu fiable (dans ce cas l’assureur se vache au relais et assure à l’épaule). Si on peut faire un bon relais le problème ne se pose pas, un mousqueton et un demi-cabestan sont très bien pour assurer.
    Que dire de plus ? Sans doute beaucoup, c’est un domaine où il faut être débrouillard.

ou pour gagner du temps.

[quote=« ptetbenquoui, id: 1047090, post:3, topic:101735 »]

ou pour gagner du temps.[/quote]
Tout dépend de la difficulté du passage et de l’exposition.

Tu oublies le baudrier…
Dans ce cas, je pense qu’on sort du cadre de la rando et ces techniques ne s’apprennent pas virtuellement et surtout ne s’improvisent pas.

pas forcément. un encordement à la taille peut être parfaitement approprié pour de cours passages, avec peu de risques, et surtout sans « vraies chutes » potentielles.

Le plus souvent, dans ce type de terrain, ce sont plus des glissages qui sont à arrêter. Et si tant est que ça grimpe, ce n’est jamais très dur ni très vertical : pris bien sec, là encore, l’encordement à la taille peut être parfaitement adapté.

C’est un peu comme les crampons acier/alu : dès fois sous prétexte que les aciers sont trop lourd, on prend rien. alors qu’une paire d’alu aurait pu très bien convenir, et du coût diminuer le risque. Ben là c’est pareil pour la dissociation du pack « corde/mouskif/baudar/descendeur ». C’est tellement ancré ds la tête de certains, que tu les vois faire des courses de neige avec un puit au baudard…

Tout à fait, mieux vaut du matos léger dans le sac que du matos lourd à la maison.

[quote=« ptetbenquoui, id: 1047140, post:6, topic:101735 »]

pas forcément. un encordement à la taille peut être parfaitement approprié pour de cours passages, avec peu de risques, et surtout sans « vraies chutes » potentielles.
Le plus souvent, dans ce type de terrain, ce sont plus des glissages qui sont à arrêter. Et si tant est que ça grimpe, ce n’est jamais très dur ni très vertical : pris bien sec, là encore, l’encordement à la taille peut être parfaitement adapté.[/quote]

C’est vrai mais Shirkan évoquait aussi le descendeur…
Quoique je ne suis pas sûr qu’un encordement à la taille soit si facile que ça à maîtriser et très confortable en cas de brusque tension.
De toute manière, il faut quand même que parmi les randonneurs, il y en ait un qui sache manier la corde !

Je vais essayer de donner quelques éclairages :

Distinguer assurage d’un premier ou d’un second
Retenir un premier de cordée (grimpeur placé plusieurs mètres au-dessus de l’assureur est un tout autre histoire que d’assurer un second.
En « randonnée alpine », le premier est sensé NE PAS TOMBER. C’est un pari, un engagement. C’est ce que nous supposerons ici
(Dans le cas contraire on serait dans une situation d’alpinisme pur et dur et là on serait sensé disposer de l’artillerie lourde (« vraie » corde, harnais, casque, pitons, coinceurs,…) )

Distinguer assurer et rassurer :
La corde peut gêner ou même déséquilibrer. Dans certains cas, il est préférable pour la sécurité de ne pas s’encorder.
Dans quelques cas les encordements et assurages sont pratiqués pour remonter le moral du second (seul moyen de se sortir d’affaire) mais l’assureur sait pertinemment qu’en cas de chute du second ce sera la chute finale pour tout le monde. Situation à éviter autant que possible ! (Je préfère ne pas penser au cas où l’assurage est illusoire mais que personne ne s’en rend compte !)

Dans le cas de l’assurage d’un second, distinguer assurage contre glissade et assurage contre chute dans le vide:
-Chute
En cas de chute dans le vide il faut exercer 70Kg sur la corde pour retenir 70Kg : c’est très dur.
-Glissade
Typiquement une glissade arrive sur un terrain pentu(par exemple 45°) où même pendant la glissage une partie du poids (disons la moitié) reste supportée par le sol, une partie du freinage est réalisée par les frottements sur le sol. La force que doit fournir l’assurage est donc bien moindre. Retenir quelque de 70Kg nécessitera seulement d’appliquer par exemple 20 à 30Kg sur la corde : cela devient réalisable en assurage direct.

Distinguer assurage direct/assurage relayé:

En direct, la corde va de l’assureur à l’assuré sans être accrochée au terrain. l’assureur exerce la force sur la corde en s’arcboutant sur ses pieds pour résister.
En relayé, la corde passe dans un point fixe (mousqueton fixé sur spit, sangle, coinceur ou bien la corde passe elle-même sur un becquet, un tronc d’arbre…). Une grande partie de la force est absorbée par le frottement sur le relais (50% avec un mousqueton); la direction de la force est connue; si l’assureur lâche la corde il reste une chance que tout le monde se retrouve pendu au relais; l’assureur peut bloquer l’assuré suspendu et établir un « hissage/descendage » de secours.

Distinguer assurage au corps/assurage sur frein
L’assurage sur frein (plaquette, descendeur, ou demi-cabestan) freine fortement.
-Il s’applique logiquement en assurage relayé (que ce soit accroché au harnais ou sur le relais lui-même).
-Par contre, en assurage direct, il risque de n’être pas assez dynamique (le moindre choc va nous faire tomber aussi). Il convient seulement si on se sent capable d’encaisser la force sans broncher (corde tendue, risque de glissade mais pas de chute)

L’assurage au corps
a l’avantage d’être très vite mis en place. Il est très dynamique (il freine peu). Il est très bien adapté pour retenir en direct une personne sur un névé pour lui éviter de perdre l’équilibre ou pour enrayer une glissade. Mais il n’est pas adapté si on peut avoir a tenir un assuré suspendu (falaise, crevasse). Nos ancêtres ont fait comme ça mais ils n’avaient pas d’autre solution.

Méthode :
En assurage au corps, on ne tient pas « avec les mains » : ça c’est dans les films ! Même un mâle viril et tatoué se retrouverait rapidement les mains brûlées et sanguinolentes et…lâcherait la corde !
Il faut répartir le frottement de la corde sur le maximum de surface possible (c’est cette surface qui sert de frein), les mains servant de commande comme avec un frein mécanique. Typiquement il y a
-l’assurage à l’épaule (sous l’aisselle vers l’assuré, puis sur l’autre épaule)
-l’assurage à la taille (corde autour de la taille, dans le dos) : freine moins.
Porter des gants de cuir est recommandé en assurage au corps.

Ceci étant dit, il est fortement recommandé d’expérimenter ces différentes formes d’assurage en conditions sûres pour se rendre compte par soi-même de leurs possibilités et de leurs limites. Cela permettra de les choisir en connaissance de cause selon les circonstances auxquelles on sera confronté.

Exercice classique :

-assurer en direct un camarade qui se laisse glisser sur une pente de neige (non dangereuse)

Harnais ou pas ?
Le harnais est nécessaire s’il y a de risque de choc ou de suspension.
Il s’agit d’être cohérent selon le cas :
-si on veut simplement enrayer des glissades sur névé assurage direct au corps, encordement direct autour de la taille vont bien ensemble.
-si on craint des chutes verticales, une suspension, il faut des harnais mais aussi de quoi poser un relais et éventuellement des points intermédiaires, et puis il faudra les casques, etc…

Enfin, une remarque sur la « randonnée-alpine » :
Cette expression est récente et assez floue.
Mon expérience est que trop souvent des personnes s’encordent pour se rassurer ou « faire comme des alpinistes » alors qu’au fond ils manquent de maitrise technique (usage du piolet notamment) : le risque est alors non pas réduit mais multiplié. La priorité c’est de s’exercer aux techniques individuelles, afin de réduire au minimum les cas où la corde aura à encaisser un choc.

On n’est pas dans le contexte de l’escalade. La corde n’est qu’une sécurité supplémentaire dans des passages qui sont normalement parfaitement maîtrisés, il est infiniment peu probable qu’elle serve et le confort est sans importance.

c’est aussi ce que j’observe (mais je ne sais pas dire si il y a plus de situations de ce type depuis qqes années).

merci pour ces explications trés détaillées !

J’ai fait une rando alpine il y a 2 semaines ou il y avait sur la fin une arête. La cotation était du II, pas difficile mais gazeux. On a pris la décision de ne pas s’encorder car ;

-on a pas trop vu de becquets,
-n’ayant jamais pratiqué l’assurage à corde tendue

  • on a quasiment le même niveau de grimpe

du coup pour la sécurité des deux grimpeurs j’ai pris cette décision car je me suis dit au final ; si je m’en mets une, on tombe tous les deux

Il fuadrait effectivement que je « m entraine » avec mon second sur un névé pas trop pentu et que je refasse une sortie vraiment facile pour travailler la lecture du terrain.
Sinon vous avez déjà « retehu » une glissade ou chute dans la réalité ?

un petit truc pas mal : plutôt que de s’encorder à la taille, il me semble plus logique de faire un pseudo baudrier avec une grande sangle en dyneema de 120 et un mouskif à vis … ça ne pèse quasiment rien et c’est bien plus sûr …

A mon avis c’est encore mieux avec une sangle normale, les sangles en dyneema sont légères mais fines ce qui n’est pas une qualité pour faire un baudrier.

en fait je trouve dommage qu’il n y ait pas plus de rando alpines équipées (je vais me faire taper dessus par les puristes), ça permettrait à plus de personnes de connaître le joie de l’arrivée à un sommet avec un peu de difficultés.

bon sinon pas d expérience à raconter au niveau assurage en rando alpine ?

N’est-ce pas supprimer les difficultés pour permettre à plus de gens de connaître les sommets avec des difficultés ? C’est un peu contradictoire non ? Et en faisant cela tu supprimes l’intérêt de ces itinéraires pour les gens qui ont le niveau.

Je me souviens de quand j’ai appris ces techniques. On était monté sur une pente de neige raide sûre justement pour tester si j’étais capable de retenir la glissade du second. Encordé court avec quelques anneaux à la main. Je ne sais pas si j’avais mal tendu la corde, ou si mon second s’était méchamment jeté dans la pente. Toujours est-il que j’ai ressenti un choc et qu’au final c’est mon second qui s’est arrêté en premier et m’a retenu ensuite… pas très convainquant donc.
Mais quelques jours plus tard la même situation s’est reproduite (dans une vrai course cette fois) et j’ai beaucoup mieux réagis.

Donc toujours se tester avant de partir, et avoir un esprit assez débrouillard pour visualiser toutes les situations et y trouver les solutions.

Sinon depuis guère plus que quelques glissades retenues sur pente raide en neige. Jamais de gamèle sur caillou car on est en général bien plus concentré. (Et assez peu de pratique à mon actif il est vrai.)

Merci Yves pour ces précisions fort utiles !

Posté en tant qu’invité par Alfred Malaise:

Il est très pratique et polyvalent d’emporter une sangle (assez large: 25 ou 30 mm) par personne, et un mousqueton à vis.

On peut alors:

  • soit mettre la sangle à la taille et s’encorder avec le mousqueton à vis (rapide et suffisamment sur vu les forces de choc modestes en présence). Rapide et on gagne de la longueur de corde, donc éventuellement corde de 20 m au lieu de 30.

  • soit mettre la sangle en huit au niveau des cuisses et s’encorder à la taille, en solidarisant l’encordement et la sangle (noeud ou mousqueton). On a alors un « pseudo baudrier » (cacolet).

Posté en tant qu’invité par sentier escarpé:

Le minimum pour ne pas se faire surprendre, c’est un bout de cordelette de 8 mm dans le sac.

Après, assurer en tout terrain fait partie des techniques d’alpinisme, ce que l’on appelle le « terrain à chamois », et c’est probablement ce qu’il y a de plus difficile.
Tout dépend du terrain, des conditions, et des participants …
Bref, ça s’apprend :lol: