Posté en tant qu’invité par davidB:
Titi a écrit:
Bonjour à tous,
Je voudrai juste vous poser une question, toute bête peut-être,
mais je n’arrive pas pour l’instant à trouver d’explications…
A part erreur de ma part, on emploie aujourd’hui le mot
« dévisser » pour parler de quelqu’un qui est tombé d’une voie
(j’entends bien entendu tomber sans que le système d’assurage
ne soit intervenu pour stopper la chute).
Cependant, à quoi précisemment ce rapporte ce terme « dévisser »
? Un spit qui se dévisse ? Tout matériel d’assurage qui
cèderait ?
Je ne trouve pas la question bête. D’ailleurs l’origine des mots, qu’ils soient des termes de métier ou issus de l’argot, provenant du langage savant et en général de tous les niveaux de langue a fait et continue de faire l’objet de recherches approfondies et passionnantes.
Les spécialistes de ces travaux s’appelent des lexicographes.
L’histoire des mots est souvent l’occasion de faire une plongée dans l’histoire tout court, qu’elle soit celle des idées, des gens ou des choses. À côté des travaux des spécialistes on trouve assez souvent des étymologies populaires qui pour être inexactes n’en sont pas moins plaisantes et pleines d’esprit.
Je possède un ancien dictionnaire de la montagne par Jacques Gautrat, édition du Seuil 1970. Ce dictionnaire a beaucoup vieilli. Voilà ce qu’on peut y lire à l’article dévissage :
Dévissage Terme emprunté par les alpinistes aux métiers du bois et du fer. Signifie : tomber d’une paroi rocheuse ou glaciaire. Ce terme peut surprendre du fait que tomber est toujours beaucoup plus rapide que dévisser un écrou par exemple. L’idée d’instantanéité liée à celle de chute, et l’idée d’un travail lent liée à celle de dévissage, semblent infirmer l’analogie. Aussi faut-il chercher une autre explication à l’emploi de ce verbe.
Il n’est pas choquant de dire être vissé à une paroi, pour désigné un grimpeur littéralement rivé au rocher ; par opposition, les alpinistes ont donc adopté le mot dévisser qui, de plus, étant un terme de métier, se trouvait valorisé d’une qualité incontestable pour le milieu alpin, souvent féru et pénétré de technicité.
Le terme dévissage a perdu sa précision, et l’image qu’il suggère est totalement fausse, à moins qu’elle n’évoque le grand tourbillon dans lequel la victime d’une chute semble entraînée. En effet, la vision lointaine d’un tel spectacle peut rappeler le dévissage d’un corps autour d’une hélicoïde imaginaire.
Compare maintenant avec l’article dévisser (au mot souche vis) dans le Dictionnaire historique de la langue française sous la direction de Alain Rey. Édition Le Robert, 1992.
Le préfixé dévisser, verbe transitif, (1768), « faire que (qqch.) ne soit plus vissé », s’emploie familièrement par métaphore dans les locutions dévisser son billard (où billard signifie « queue de billard ») « mourir » (1862 en argot), dévisser la tête à quelqu’un (1877) « tordre » (1870, se faire dévisser le coco « se faire tuer »).
Au figuré, dévisser qqn correspond à « faire perdre sa place, sa position » comme déboulonner.
Par métaphore, dévisser, repris comme intransitif, signifie en alpinisme « lâcher prise et tomber » (fin 19e s.) d’où familièrement, « partir ».