Portrait

Posté en tant qu’invité par Francois:

Il est là, au bout de la table. Il mange sa soupe. Ni petit ni grand, ni gros ni maigre, détaché, olympien. Il est, tout simplement. C'en est un, j'en suis sûr. Il en existe quelques uns qui traînent par-ci par-là dans la nature.
Ils ont élevé la montagne au niveau d'une science exacte (une science dure, comme on dit maintenant). En conséquence de quoi ils n'hésitent jamais, ne se perdent jamais, prennent toujours la bonne décision au bon moment, trouvent toujours le meilleur chemin, même (surtout) dans le brouillard, n'oublient jamais rien, n'égarent jamais leur Opinel, ont toujours sous la main le matériel adéquat, ni plus ni moins, respectent les horaires à la seconde près, marchent comme un métronome, trouvent des points d'assurage là où il en faut, même quand il n'y en a pas. Ils tranchent dans la montagne avec une précision de chirurgien, ignorent l'existence de mots comme "imprévu", "fantaisie", "improvisation". Bref, ils sont parfaitement agaçants et mortellement ennuyeux.
Ils ont toujours réponse à tout, donnent des conseils discrets et avisés. Ce sont des montagnards compétents, compétitifs, efficaces... juste le mélange à la mode. 
Leurs jugements tombent comme des couperets de guillotine bien affûtés sous forme d'impératifs catégoriques et définitifs. Ils ne doutent pas, savent qu'ils possèdent la connaissance. Ils ont le verbe rare, bref et net, le geste sec et ne parlent que pour dire des choses intelligentes, utiles et directement exploitables.
Quand le temps est douteux, ils arrivent toujours au refuge avant l'averse, au lieu de quoi l'autre (le plouc) prend la rabasse de plein fouet, se fait récurer à fond et joue des castagnettes toute la nuit en grelottant sous ses couvertures.
Dans les refuges, ils ne sont pas obligés de marquer leur territoire avec des chaussettes douteuses, des gourdes cabossées et des ticheurtes puants. Par un processus mystérieux et quasi miraculeux, leur couchette est toujours libre. Ils dorment, se réveillent à la bonne heure, n'éprouvent pas de difficultés à se lever, ne perdent pas leurs affaires, sont toujours prêts à temps sans qu'on ait l'impression qu'ils se dépêchent, n'interviennent jamais dans les histoires de fenêtres (vu qu'ils dorment ). Ca me fait penser qu'il faut absolument que j'écrive quelques lignes sur la question des fenêtres. Une nuit sans histoire de fenêtres n'est pas véritablement une nuit en refuge. 

Ils sont bronzés comme il faut mais n’ont pas de coups de soleil. Leur gourde ne s’ouvre jamais dans leur sac, leur frontale ne s’allume jamais dans leur sac, ils ont toujours une pile et une ampoule de rechange, leur crème solaire ne se mélange jamais avec la pâte de fruit (c’est bon pour les ploucs), ce dont ils ont besoin n’est jamais au fond du sac mais toujours à portée de main. Ils ne cassent jamais leur lacet au petit matin (de toute façon, ils en ont un de rechange).Leurs crampons (et leurs piolets) sont toujours là où ils les ont mis la veille au soir et pas ailleurs, comme ça se passe généralement pour les ploucs.
S’ils prennent le petit déjeuner au refuge, ils ne sont pas obligés de faire des simagrées à n’en plus finir (comme les ploucs) pour attirer l’attention du gardien qui les a oubliés. C’est le gardien qui, spontanément, leur demande Kèskevouprené mais oui bien sûr tout de suite. Et le petit déj’ se matérialise instantanément et miraculeusement devant eux. Alors ça, c’est spectaculaire ! Et ils petit déjeunent sereinement. C’est pas comme les ploucs là-bas, on voit bien, ceux qui ont laissé tomber leur tartine (côté confiture, naturellement) et qui sont obligés de se transformer en sémaphore détraqué pour que le gardien daigne leur apporter d’un air rogue un thé anémique et à peine tiède.
En sortant du refuge, ils ne errent pas dans le noir à la recherche du chemin en barbotant dans le yaourt, comme le tout-venant (le plouc, quoi), mais se dirigent directement dans la bonne direction avec une précision d’obus, car ils ont pris la précaution de reconnaître le départ la veille au soir, alors que le plouc, lui, n’avait qu’une idée en tête : manger et se jeter sur sa couchette pour piquer un somme sous douze couvertures. Ils n’attendent pas d’être en équilibre précaire, à quatre pattes sur une pente à 45°, pour mettre leurs crampons. Ils ont prévu. On voit qu’ils sont à leur place dans le milieu. Le plouc lui, a l’air paumé sur les bords.
Après une longue et difficile course, ils sont raisonnablement fatigués mais jamais épuisés. Ils ont le silence éloquent et ne racontent pas leur exploit mais laissent aux autres le soin de le faire à leur place, ce qui est beaucoup plus efficace. Et s’ils se tuent, c’est toujours prestigieux, voire grandiose et ce n’est pas de leur faute: c’est qu’un destin contraire l’a voulu ainsi.
Du point de vue comportemental, ils font dans la sobriété, la sévérité, voire l’austérité (sans toutefois verser dans l’ascétisme, ce qui serai outré). Ils se cantonnent dans un classicisme de bon aloi. Le vrai montagnard sait que point trop n’en faut et que le silence méprisant est la plus sûre publicité.
Pour le vestimentaire, c’est pareil: classicisme et sobriété. La haute montagne s’accommode bien d’une certaine rusticité. La couleur retenue est le bleu marine. Dans les années 70, on appelait ça « bleu-flic ». Tous les bons en portaient, c’est même à ça qu’on les reconnaissait, et un mauvais, ou même un moyen, n’aurait jamais eu l’outrecuidance de porter cette couleur. La traduction est facile: Je n’ai pas besoin de ressembler à un cacatoès ou à un oiseau des îles, je n’ai pas besoin de tous ces affûtiaux pour qu’on voie que je suis un bon. L’habit ne fait pas le moine. C’est pas comme ce plouc là-bas, avec son pantalon rouge et son pull rose… (Le pull du plouc est saumon, pas rose…). Même chose pour le matériel : il sait que la compétence est inversement proportionnelle à la quantité de matériel transportée et ne se promène pas chamarré comme un archiduc monténégrin ou un maréchal de l’Armée Rouge.
Ils ne font pas de classiques couloirs avec un râtelier de crocodile dans chaque main, mais avec un classique piolet vu que « ce couloir a été ouvert en 1930 en chaussures à clous et matériel d’époque. On n’est pas plus mauvais qu’eux ». En l’occurrence, ils ont parfaitement raison. D’ailleurs, ils ont toujours raison.
Dans les grandes courses, ils abordent flegmatiquement les passages périlleux et effacent la difficulté comme d’un coup de baguette magique, sans peiner, sans transpirer, sans prier le ciel, sans jurer le sacré nom de Dieu, bref, ils se promènent. Que fait le plouc en pareilles circonstances ? Le contraire. Et en prime, il fait dans son froc et en ch… comme un turc (je vous expliquerai un jour pourquoi comme un turc).
Ce soir, au refuge, il fait semblant de ne pas remarquer le regard éperdu de la petite blonde, à l’autre bout de la table, qui le fixe avec des yeux en bille de loto, complètement transie d’admiration, pétrifiée de respect, la cuillère en suspens à mi-chemin entre son assiette et sa bouche béante, prémisse d’une catastrophe inéluctable. Ca y est! Qu’est-ce que je disais ? Elle a renversé sa cuillère de soupe sur son Gore-tex tout neuf, cadeau de son Jules pour Noël. Le charme est rompu. L’homme se permet un sourire amusé.
D’ailleurs, tiens, la petite blonde, ouais…c’est un portrait que j’aurais bien envie de croquer…peau de pêche, jolis yeux bleus ? verts ?.., [……….] la courbe moelleuse des épaules, le pull délicatement [………] ; pour le reste j’vois pas trop, c’est sous la table…conne de table…mais si c’est à l’avenant… et son Jules, là, qui bâffre son riz le nez dans le bol…Ducon, va, si c’est pas malheureux…au lieu de lui faire [………] ouais, bon, dis donc, , tu t’égares mec ! tu vas retourner à ton sujet au lieu de gamberger et de faire des remarques d’ordre…euh…esthétique. N’importe, faudra que j’y revienne, à ce portrait-là. Il me plaît bien.
Oui, donc, c’en est un, je l’ai reconnu. Un Alpiniste, un vrai, un sérieux, un quatremillesque, un compétent, un professionnel.
Ah! J’oubliais les ampoules, ils n’ont jamais d’ampoules non plus, et sans avoir besoin que leurs pieds ressemblent à la momie de Toutankhamon.
Ils font aussi partie des instances fédérales de l’alpinisme où ils émettent d’un air serein et d’un ton posé des avis intelligents et modérés ce qui leur vaut l’admiration de leurs amis et l’estime de leurs ennemis, car quand on émet des avis intelligents et modérés, on a des ennemis, c’est bien évident.
Bon, allez, salut. Toute cette prose m’a fatigué. De quoi voulez-vous que je vous cause, la prochaine fois ?

Ndla : les passages entre crochets […] sont des passages auto-censurés, par précaution. Il s’agit là d’une version expurgée. En effet, j’ai pensé que les passages entre crochets […] eussent pu être de nature à heurter certaines sensibilités. Et nos suffragettes n’eussent point manqué de me traiter de macho et de beauf’. Pourtant ces passages ne sont que des descriptions purement objectives et morphologiques, en quelque sorte, un portrait selon nature.

Posté en tant qu’invité par Mic’hel:

c’est un auto-portrait???

Posté en tant qu’invité par catherine:

ah non !!! t’as pas le droit de censurer !!! ton texte il est tout mité :frowning:
c’est nouveau, ça !!! qu’est-ce qu’y s’passe ?
y’a ta maman qu’a internet depuis ce matin ?

Posté en tant qu’invité par Bertrand:

Oui, sans vraiment te connaitre, au vu de la sagesse et de la sobre compétence de tes multiples interventions dans les divers forums, je pense que ça doit assez bien te correspondre. Ou que cela a dû, je ne sais pas…Un portait de Dorian Gremillard peut-être ?

Posté en tant qu’invité par alain:

« Le vrai montagnard sait que point trop n’en faut et que le silence méprisant est la plus sûre publicité. »

« … »

Posté en tant qu’invité par Francois:

Bon, c’est pas que je me déplaise en votre compagnie, mais faut que j’aille faire des courses, des commissions quoi…Je sors ma petite liste de ma poche, ma liste de courses, enfin de commissions quoi…alors…pommes (oui, pour faire un clafouti) raisin (j’adore, j’en bouffe des kg) lait, beurre, yaourts, confiture (y’a belle lurette que j’ai plus de conf. de ma maman, elle fait pas long feu, celle-là) carottes, pommes de terre, betteraves rouges… ouais, bon, pis p’têt une petite douceur genre chocolat fourré à la williams ou qq chose comme ça…chais pas, j’vais voir…

Posté en tant qu’invité par alain:

quel caractere!

Posté en tant qu’invité par âlex:

Effectivement, je flaire aussi un auto-portrait mais plutot dans le passage suivant :

C’est pas comme ce plouc là-bas, avec son pantalon rouge et son pull rose… (Le pull du plouc est saumon, pas rose…).

Or pour avoir déjà plusieurs fois skié avec Francois, je sais que son pantalon de ski est rouge et qu’il a une polaire… saumon !!!
D’ailleurs j’ai une preuve de ce que j’avance :
http://skirando.camptocamp.com/photo1043.html

Et puis de toutes facons, comment voulez-vous que le narrateur soit en même temps cette « lumière » de l’alpinisme qu’il observe. Francois, adepte du nouveau roman ???

Mais dis donc Francois, avec toutes ces belles proses dont tu nous abreuves sur ce forum et toutes celles publiées dans la revue de ton club alpin, va y avoir de quoi sortir un livre. Ca va s’appeler comment ? « La montagne à pied nu (et à cheveu long) » ? « J’irai cracher dans vos combes » ? « Les sommets de la connerie » ? « Le corollaire de la frayeur » ? « Encordé avec des lumières » ? « A mort les surfeurs » ? « Le Stinger pour les nuls » ? « Les montagnards de ma vie » ?
=D

C’est ou qu’on signe pour la souscription ???

Posté en tant qu’invité par Mic’hel:

D’ailleurs j’ai une preuve de ce que j’avance :
http://skirando.camptocamp.com/photo1043.html

ouah! une photo (de francois, qui plus est) qu’est meme pas associée à une sortie! Tu vas te faire etriller par Manolito, âlex!

Posté en tant qu’invité par Cyril:

« De quoi voulez-vous que je vous cause, la prochaine fois ? »

Et ta première course, tu t’en souviens ?

Posté en tant qu’invité par âlex:

Meme pas peur !
Je l’attends de ski ferme, ce Manolito-la-terreur !

Posté en tant qu’invité par Manolito:

pour la face nord de la Tête du Colonney ? Faudrait quand même qu’il neige un peu, d’abord. Emsuite, pourquoi pas…

Posté en tant qu’invité par catherine:

ben, normalement, la photo de François elle est associée à la sortie :
http://skirando.camptocamp.com/sortie4800.html

mais la sortie a été entrée par Laurent et la photo appartient à âlex …
et voilà, il faudrait pouvoir attribuer des photos à une sortie, même si on n’est pas le créateur de la sortie …

Posté en tant qu’invité par Manolito:

Dans la communauté skirando, on peut aussi proposer au propriétaire de la sortie de publier la photo, vu qu’on a fait la sortie ensemble…

Posté en tant qu’invité par Jeff:

Quel plaisir de te lire ! Je le connais aussi ce gars là, je l’ai croisé, ici, ailleurs, partout…
Pour en revenir à l’auto-censure, c’est un effet marketing de François : dans deux semaines il nous sort « Portrait 2 », en CD rom avec des bonus, et la version longue qui contient tous ce que nous avons toujours voulu savoir sur les phantasme de François, sans avoir jamais osé le demander…
Jeff

Posté en tant qu’invité par âlex:

Ca me va, faudra penser à trouver un pieu ou je ne sais quelle autre astuce pour tirer le rappel. ptet que Francois pourrait nous faire un topo sur ce genre de technique… =D

Posté en tant qu’invité par Manolito:

ou alors je m’entraîne à la combine des deux piolets… Ablakov, non?

Posté en tant qu’invité par Francois:

"Effectivement, je flaire aussi un auto-portrait mais plutot dans le
passage suivant :

                    C'est pas comme ce plouc là-bas, avec son pantalon rouge et son pull
                    rose... (Le pull du plouc est saumon, pas rose...).

                    Or pour avoir déjà plusieurs fois skié avec Francois, je sais que son
                    pantalon de ski est rouge et qu'il a une polaire... saumon !!!
                    D'ailleurs j'ai une preuve de ce que j'avance :
                    http://skirando.camptocamp.com/photo1043.html"

Perspicace, l’Âlex, je me demandais s’il allait trouver…

Posté en tant qu’invité par Thomas:

Salut, j'ai beaucoup aime ton portrait. On en rencontre quand meme pas beaucoup des Guss pareils...Par contre j'attends avec impatience celui de la blondinette. (Je me demande quand meme si t'as pas un peu souffert durant ces annees montagneuses...)

Posté en tant qu’invité par Jeff:

Mon métier de merde actuel, c’est de vendre des fringues. Au risque de refroidir votre bel enthousiasme, ma conscience professionnelle m’oblige à vous révéler que du rose avec du rouge, c’est une ENORME faute de goût !
Quel mépris pour cette Montagne qui nous gratifie de si beau camaïeu d’orangé avec la protogine du Massif du Mont-Blanc, du vert tendre des pousses de mélèze associées au bleu profond du ciel du Queyras, du blanc immaculé de la neige d’Oisans mariée au… , au…, au blanc immaculé de la neige d’Oisans ! (si c’est pas un ton sur ton réussis, ça !).
Et milieu de ce miracle permanent vous arrivez avec un pull rose et un pantalon rouge ! WWF a encore du pain sur la planche ! (de surf ?).
Jeff