Posté en tant qu’invité par pire:
Salut Pierre,
On m’a dit ce matin que tu es parti sans bruit, fidèle à ce que tu as été toute ta vie. Je t’imagine quelque part là-haut au pays des arbres et des fleurs. En arrivant tu as sans doute retrouvé tes amis; ils ont du être contents de te voir, tu as été un si bon compagnon.
Tu fais partie de ces grimpeurs dont bien peu ont entendu parler car tu possèdes ces qualités en voie de disparition, la modestie et la discrétion. Les cadors d’aujourd’hui t’épatent, et pourtant il y en a combien qui ont fait les « petites » voies où tu as traîné tes godasses ? A la face nord de la Civetta, combien de temps tu y es resté, tu t’en rappelles bien sûr. Trois jours sous la flotte, un pavasson sur le crâne et pourtant … Le Grec malgré son air goguenard et toutes les différences qu’il avait avec toi - je le sais parce qu’il me l’a dit plusieurs fois, t’admirait profondément. Et tu sais qu’il était souvent avare en compliments. Avec ou sans lui tu en as fait combien de voies dans les dolos ? je ne le saurai jamais…
Et la directe de la Romaine à Bertagne, j’en connais plus d’un qui s’y sont cassé les dents, et ils n’ont sans doute jamais remarqué le nom d’un des ouvreurs. Mais je sens que ça te gêne que je parle de ça. Tu as raison là n’est pas l’essentiel. Des gars plus forts que toi il y en a eu. Des meilleurs peut-être aussi -je parle ici d’humanité, pas de futilité- mais je n’en ai jamais rencontré. Comment oublier ton sourire sur ton beau visage ridé et barbu ? Comment oublier ton froncement de nez lorsqu’au départ de quelque course ou randonnée tu scrutais le ciel avec ton pessimisme habituel à la recherche du moindre nuage annonciateur d’un hypothétique déluge ? Comment oublier ta joie lorsque nous avons fait ensemble la Civa, peut-être ta dernière voie de ce genre ?
Une chose m’a toujours émerveillé chez toi: c’est ton enthousiasme sincère lors de la réussite des autres. Je me souviens de cette rentrée de septembre où dès que je poussais la porte du Caf à Aubagne tu te levais d’un bond pour venir m’embrasser en me félicitant dix fois. Ton enthousiasme me touchait et me gênait tout à la fois, je me sentais vraiment petit devant toi.
Certains n’ont jamais bien compris ton côté poétique, ta façon si particulière de préférer la petite fleur à la raison du plus fort. Sais-tu que bien souvent quelques mots de ta part et un simple sourire m’ont ébranlé dans mes certitudes ?
Ami, garde-moi une place parmi les violettes à l’ombre d’un chêne. Lorsque l’heure sera venue je t’y retrouverai avec bonheur.
Pierre