Philosophie du marcheur et de l'alpiniste ( qui fait de l'"alpi")

« Philosophie du marcheur » de Jérémy Gaubert
texte en italique« Cet essai nous donne à penser nos espaces de vie de manière sensible pour le piéton que nous sommes. Le lisant nous marchons et en marchant nous nous le remémorons. »

2 Likes

L’idée de grimper au sommet d’une montagne a longtemps parue aussi incongrue que dangereuse. Au cours des XVIIIe et XIXe siècle pourtant, alors que l’on unifie peu à peu l’espace terrestre en une seul totalité homogène, les projets de conquêtes des sommets se multiplient : d’abord à visée scientifique, ils n’ont bientôt plus d’autres fins que le simple fait de grimper. C’est ainsi que l’alpinisme moderne se développe dans les cercles fermés, bourgeois et aristocratiques, des clubs britanniques, où les membres sont essentiellement issus des universités anglaises et des classes privilégiées de la société de l’époque.

L’alpinisme se formalise ainsi sans véritable règlement et sans compétition, où la bonne conduite importe plus que le respect d’articles de loi dûment établis : il s’invente en éthique plutôt qu’en sport. Cette naissance de l’alpinisme dans les cercles les plus exclusifs de l’Angleterre industrielle imprimera durablement sa marque sur ses évolutions futures. Ainsi, lorsqu’on construit au XXe siècle un modèle héroïque de l’alpiniste vainqueur, valorisera-t-on davantage la figure de l’amateur qui a su mener l’expédition au détriment du guide qu’il embauche, pourtant le véritable expert de la pratique de la montagne… En dépit d’une apparente démocratisation des ascensions, d’une (relative) féminisation de la pratique, celle-ci ne demeure-t-elle pas, encore aujourd’hui, attachée à cet « esprit » originel de l’alpinisme ?

2 Likes