[quote=« LambdaChuk, id: 1540047, post:172, topic:135315 »]En gros, les médias ont commencé à vraiment parler du dopage en cyclisme lorsque:
« Willy Voet, un soigneur de l’équipe Festina, se fait contrôler par la douane française au niveau de la frontière franco-belge, le 8 juillet 1998. »[/quote]
En gros, soit… Il était néanmoins assez facile de le savoir, pour peu qu’on s’intéresse un tout petit peu au sujet.
Beaucoup de gens savaient, et les spectateurs/trices d’Antenne 2 également. Depuis au moins 1989.
Il y avait eu cette année-là sur Antenne 2 une émission suffisamment définitive et explicite, qui a d’ailleurs défrayé la chronique ultérieurement, en avril 1989, réalisée par Alain Vernon et Dominique Le Glou : « Danger Dopage », où tout était clairement expliqué, même si elle a valu par la suite à ses auteur quelques ennuis.
[quote]…une de nos sources douanières nous a mis en contact avec un coureur cycliste qui venait juste de se retirer : Dominique Lecrocq, licencié de l’équipe Système U par son directeur sportif, Cyrille Guimard, pour contrôle positif.
Nous allons le voir, et là le gars déballe tout : les produits, les filières, les noms, tout. C’était incroyable ! Avec ce témoignage, nous avons pu épingler le célèbre docteur François Bellocq [aujourd’hui décédé], adepte du «rééquilibrage hormonal», en lui demandant de commenter certaines de ses prescriptions. C’était chaud. Et puis on a sorti tout un tas d’informations sur d’autres disciplines : le culturisme, l’athlétisme, etc. Le monde du sport commençait à s’inquiéter.[…]
Danger dopage a été diffusé, dans la case Sports, le lundi 10 avril 1989, à 22 h 10. Les réactions n’ont pas tardé. Le milieu cycliste a été le plus virulent. Dominique Le Glou et moi avons été menacés de procès, qui ne nous ont finalement jamais été faits. La Société du Tour de France et les représentants des coureurs ont rencontré les responsables de la chaîne, qui ont protesté officiellement.
J’ai fait le Tour de France 1989. Je voulais y aller pour montrer que je ne me cachais pas, que je ne me dégonflais pas. Le peloton m’a boycotté. Le seul qui me parlait, c’était Greg LeMond. Coup de chance, c’est lui qui a gagné. Mais il ne m’était plus possible d’exercer mon métier correctement.
Le public, lui, suivait l’affaire avec beaucoup de circonspection. Il aura fallu que la justice se mêle du dopage à grande échelle, à partir de 1998 avec l’affaire Festina, pour qu’on se rende compte que ce milieu est un milieu de menteurs. Pour appartenir à cette «famille», un journaliste devait renoncer à faire son métier. Il devait partager les moeurs du milieu.
Moi, j’ai arrêté de travailler sur le vélo parce que ça rend schizophrène : d’un côté, des sportifs qui font le spectacle, qui soulèvent les foules, accomplissent des exploits ; de l’autre, une machine à étouffer la vérité, à produire de la performance, de l’argent, sans souci de la vie de ceux qui y contribuent. Le danger, c’est de fermer les yeux au nom d’une autre rentabilité : les chiffres d’audience.[/quote]
http://www.cyclisme-dopage.com/dossierdefond/2001-07-21-lemonde.htm
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=0a962428f3a54b96fd6a0066f4dbec7f0ba4fd30708c5c0e
Sans doute effectivement peu cherchaient à savoir, et peu de media faisaient du journalisme d’investigation sur ce point- mais est-ce différent aujourd’hui ?
Pour les curieux/ses on pouvait déjà lire à l’époque les livres ou les articles de Montdenard par exemple.
Voici ce qu’il en pense aujourd’hui :
[quote]"En 1965, avant la loi qui sera votée le 1er juin, l’un des deux patrons du Tour, Félix Levitan déclare dans la presse : « ceux qui ne se dopent pas sont des pauvres types et ils seront voués à l’échec et à la défaite ». Le patron du Tour de France est pour le dopage ; si l’on ne se dope pas, on perd ! Quand j’ai pénétré sur le Tour, où je suis resté pendant trois ans, il ne m’a pas fallu une semaine pour vérifier que tous les coureurs, sans exception, prenaient des médicaments. Certains figurent sur la liste des dopants, d’autres non ; certains sont décelables ; d’autres pas. Mais tous les coureurs « médicalisent la performance » : on considère que la compétition est une maladie que l’on soigne.
Ces gens font preuve d’une véritable duplicité voire de schizophrénie. Pour vendre du bonheur, ils occultent tout ce qui dégrade l’image du sport. En 1958, L’Equipe demande « Pourquoi le tour de France va-t-il de plus en plus vite ? » ; le mot dopage n’apparaît pas une seule fois dans l’article. On lit dans d’autres pages du journal qu’à l’Ecole de Joinville, « on essaye un anti-fatigue révolutionnaire pour améliorer les performances ». L’Equipe a participé copieusement à la diffusion de l’idée qu’il faut prendre des substances. Toujours en 1958, ce journal fait de la publicité pour « un fortifiant utile ». On fait croire aux sportifs qu’ils ont toujours besoin de prendre des produits pour améliorer leurs performances, on soigne la compétition.
A la même époque, Pierre Chany, un grand journaliste sportif, se déclare prêt à donner sa paie à la caisse de secours des cyclistes professionnels si plus de trois des vingt-cinq participants du Grand Prix des Nations n’ont rien pris : il est sûr de la garder. C’est aussi le moment où le directeur sportif de l’équipe de France, Marcel Bidault, un homme intègre, raconte que 75 % des coureurs du Tour se dopent et qu’il peut en parler en toute connaissance de cause : il le constate le soir lorsqu’il fait les chambres.
Le dopage est omniprésent dès les années 1950. Aux Jeux olympiques de Rome, en 1960, Knut Enamark Jensen décède lors du 100 kilomètres contre la montre, courue le 26 août par plus de 40 degrés. L’autopsie révèlera qu’il avait pris des amphétamines. En 1967, Simpson meurt sur les pentes du Mont Ventoux dans des conditions similaires. La chaleur et l’effort accroissent l’effet des amphétamines sur la température du corps ce qui entraîne un collapsus c’est-à-dire un désamorçage de la pompe. Plus rien n’est irrigué, et il meurt.
[…]Tous les médecins ne sont cependant pas à côté de la plaque. Dans les années soixante, une star montante du cyclisme français. Le coureur chute dans les Cévennes, au col du Perjuret. Champion du monde, il avait fini quatrième du Tour de France de 1959, et battu à plusieurs reprises le record de l’heure ; il est devenu toxicomane avec un analgésique, le Palfium, qu’il prenait pour supporter la douleur à vélo. Dans la descente du col, il croit freiner, et passe par-dessus un parapet… Il mourra à 40 ans. Médecin du Tour, Robert Boncourt, écrit : « Un épouvantable danger menace la vie des champions cobayes transformés en champions suicides ».
En 1960, un journaliste entre dans la chambre du futur vainqueur Nencini : il a une perfusion d’anabolisants et de corticoïdes dans chaque bras ; le médecin de l’équipe italienne Carpano est là, ainsi que le soigneur qui lui retire la cigarette de la bouche pour faire tomber la cendre… Nencini mourra à 49 ans d’un cancer.
Nous faire croire en 1998 que le dopage est une nouveauté, que les anabolisants et les corticoïdes sont apparus dans les années soixante-dix est une pure hypocrisie. Un soigneur disait d’ailleurs qu’un des effets secondaires du dopage était de rendre hypocrite.[…]
En 1966 sont effectués les premiers contrôles sur le Tour. Sur douze contrôlés, six sont positifs : 50 %, la moitié du peloton ! Personne n’est sanctionné. Les années suivantes, le taux descend à 12 %, puis 4 % pendant deux ans, avec une remontée à 10 % en 1970 parce que l’éphédrine, un stimulant qui remplace les amphétamines, a été ajoutée à la liste - les cyclistes n’en étaient pas informés. […]
La triche et le mensonge sont consubstantiels à l’homme : l’enfant s’y adonne dès sa première partie de jeu de l’oie ou de petits chevaux. Ce qui me choque n’est pas que Lance Armstrong ait triché, mais que l’on dépense des sommes astronomiques pour n’attraper personne, ou trop tard. La compétition, c’est l’école de la triche. Robert Pirès, le footballeur, raconte comment Raymond Domenech, entraîneur de l’équipe de France des jeunes, lui a appris à tomber dans la surface de réparation pour provoquer un penalty. "[/quote]
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130311/ce_dopage.html