ici, où on abordait ces mêmes questions ?
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Cette vertu de « médiocrité » dont SDDDRO parle plus haut semble un reliquat de la pensée aristotélicienne de la vertu. Pour Aristote, le grand philosophe qu’on étudie au Moyen Age, chaque vertu est définie comme le milieu entre deux extrêmes, le « juste milieu » entre l’excès et le défaut (ex: la vertu du courage est le juste milieu entre la témérité et la lâcheté…) :
Cependant, la transformation ultérieure de la « médiété » d’Aristote en « médiocrité » est un apport chrétien, car l’éthique aristotélicienne de la médiété n’est pas du tout une éthique de la médiocrité, qui viserait toujours une moyenne arithmétiquement neutre, à égale distance des extrêmes :
cf ici : I, B : http://www.philolog.fr/aristote-vertu-et-plaisir/
Le juste milieu dont parle Aristote n’est pas la timide moyenne quantitative qui ménage la chèvre et le chou, mais le résultat d’un jugement qualitatif sur le comportement le mieux adapté dans chaque situation différente.
Il n’est pas la médiocrité d’une morne plaine, mais une « éminence » que la réflexion sur un monde en perpétuel changement atteint entre les deux pentes de l’excès et du défaut :
Puisqu’on ne parle pas de compétition en général, mais dans le milieu particulier qu’est la montagne, il ne semble pas ici qu’on puisse y trouver de quoi sélectionner les plus forts des plus faibles. On y rencontre seulement des individus portant des jugements uniques adaptés à des situations toujours singulières et changeantes. Si la montagne est précisément un terrain singulier, où tout est relatif aux conditions du moment, au temps qu’il fait, à l’horaire suivi, à la fatigue et l’expérience de chaque partenaire, à l’état de la voie, à la connaissance préalable que j’en ai, au matériel dont on dispose, au désir de « se lâcher » dans une montée, ou au contraire au désir de contempler le paysage qu’on traverse … comment alors établir une comparaison et vouloir se livrer à une compétition entre ceux et celles qui y grimpent ?
La montagne est-elle un lieu où la comparaison entre les courses peut facilement s’établir ? Dois-je m’autoriser à suivre cette trace de ski qui ne me semble pas si ancienne, à suivre le chemin que cette sangle ou ce piton lancent devant moi comme un appel ? Ce qui a été bon pour un autre jugement, dans d’autres conditions peut-il l’être aussi pour moi ? A chacun, avec son propre jugement, d’en juger à chaque fois hic et nunc.
On a vite préféré mettre en place les compétitions de ski ou d’escalade dans des lieux artificiels où l’humain tentait précisément d’évacuer ce caractère aléatoire du milieu de la montagne, milieu où l’on parle davantage des réalisations (uniques) que des performances (comparables entre elles).
En montagne, chaque course est unique (l’horaire n’est qu’un critère parmi d’autres) et soumise à l’aléa ; en compétition, chaque parcours doit être semblable et le hasard n’y doit favoriser personne -sinon, on porte réclamation ! En montagne, on ne peut porter réclamation contre la chute d’un rocher, les nuages qui masquent le panorama, l’orage qui arrive plus tôt que prévu, le partenaire qui n’avance pas, ou le piton mal enfoncé.