Montagne et consommation : Fermer C2C et Skitour ? Un pavé dans la mare

Je vous propose ici les fruits d’une réflexion qui m’a pas mal occupé au cours des derniers mois de cette année si particulière. Ce qui m’a tracassé et que j’ai tenté de formaliser, c’est un sentiment confus de malaise devant les processions interminables de skieurs s’acheminant par monts et par vaux (je suis l’un d’eux), les combes sur-tracées avant même la fin de l’épisode neigeux, les selfies aux sommets, les performances Strava, la comptabilité rigoureuse des dénivelés, la mesure contrôlée par huissier des degrés de pente. En cet hiver 2020-2021, la fermeture des stations de ski combinée au besoin vital de plein air et de nature éprouvée par une population restée trop longtemps confinée entre quatre murs a mis un brutal coup d’accélérateur à une tendance de fond, celle de la montagne comme objet de consommation. Avant d’aller plus loin, je tiens à insister sur le fait que je m’inclus totalement dans la critique qui va suivre. Je me comporte moi-même, à mon corps défendant, comme un consommateur de montagne. Ceci étant dit, et tout en m’attendant à recevoir une volée de bois vert qui ne sera pas complètement imméritée, je n’exclus pas totalement que cette réflexion puisse faire écho chez certains des lecteurs et c’est pourquoi je me suis finalement décidé à la partager ici.

I. Alpiniste ou montagnard ?

Tout le monde sur ce site connait la célèbre citation de Rébuffat : « Avant la Verte on est alpiniste, à la Verte on devient montagnard ». J’ai beaucoup lu Rébuffat. J’apprécie sa vision poétique de la montagne, là où la vaste majorité des alpinistes écrivailleurs préfèrent conter leurs exploits dans le registre de l’épopée homérique (pour être juste, je dois dire que Livanos est une des autres exceptions notables qui me vient immédiatement à l’esprit). Néanmoins, je n’ai jamais vraiment été d’accord avec cette phrase. Simple question de sémantique sans doute, mais que je me dois d’expliquer. Ce qu’évoque pour moi le qualificatif de « montagnard », ce sont ces vieilles photos en noir et blanc d’enfants qui descendent à l’école sur leurs luges en bois. C’est un paysan coiffé d’un béret qui sème l’avoine dans une pente déjà conséquente devant des montagnes enneigées. Ce sont ces femmes en costume traditionnel qui barattent le beurre à la main. C’est ce vieillard tenant une jument par la bride qu’il a préalablement attelée à un triangle en bois pour faire une trace dans la neige fraîche. Bref, selon la définition que je me fais de ce mot, pour être montagnard, il ne suffit pas d’aller en montagne, ni même d’habiter en montagne. Il faut habiter la montagne.
Je suis né dans une famille de montagnards d’un petit village de Haute-Savoie devenu une station de sport d’hiver huppée dans laquelle il est de bon ton pour la haute bourgeoise d’avoir ses quartiers. Du temps de mes grands-parents et de leurs parents, cultiver la terre à cette altitude, c’était affronter un hiver nettement plus long et plus froid qu’en fond de vallée. C’était endurer le surcroît de travail que cela induisait à la belle saison. C’était redoubler d’efforts physiques pour faucher, labourer, semer, moissonner des champs déversants. C’était se soumettre à des aléas climatiques plus grands. C’était accepter des rendements moindres sur certaines cultures qui ne donnent pas autant, voire pas du tout, à ces altitudes. En résumé, c’était faire le choix d’une certaine liberté au prix de certaines contraintes.
Mais à l’époque des chasse-neiges et saleuses, des rampes chauffantes, du chauffage central, du supermarché bio et de la 5G comment peut-on encore s’éprouver (le choix du verbe est important puisqu’il signifie à la fois « ressentir », « mettre à l’épreuve » et « connaitre par l’expérience ») montagnard ? Le montagnard (celui de ma définition) n’est-il pas une espèce en voie de disparition, tout au moins dans les pays occidentaux ?

II. La montagne « sacrée »

La clé de lecture, ou tout au moins une clé de lecture possible, m’est tombée dessus par le plus grand des hasards. C’est en lisant deux bouquins de Régis Debray, écrivain, philosophe et ancien haut-fonctionnaire français (dixit Wikipedia), dont j’ignorais jusqu’à l’existence il y a encore deux mois, qu’il m’a semblé entrevoir une explication à mon malaise. J’ai commencé par lire « D’un siècle l’autre » où quelques développements, notamment en lien avec la notion de sacré m’ont mis la puce à l’oreille. Curieux, j’ai enchaîné avec « Éloge des frontières ». Voilà ce qu’on y lit : "Sacraliser, quel intérêt aujourd’hui quand tout semble désacralisé, la religion y compris ? Mettre un stock de mémoire à l’abri. Sauvegarder l’exception d’un lieu et, à travers lui, la singularité d’un peuple. Enfoncer un coin d’inéchangeable dans la société de l’interchangeable, une forme intemporelle dans un temps volatil, du sans-prix dans le tout marchandise. ".
Est-ce que je (et sûrement d’autres avec moi) n’aurai pas tendance à sacraliser la montagne, pas tant comme lieu d’exception, mais plutôt comme lien symbolique à une identité fantasmée, celle du paysan montagnard, à laquelle j’essaie de m’accrocher désespérément mais qui se dissout inexorablement dans le monde moderne ? Cette explication est d’autant plus plausible que j’ai commencé à ressentir ce sentiment de ‘sacralité’ de la montagne après la mort de mon grand-père qui était le dernier lien vivant à ce monde des montagnards d’antan, ceux qui portaient chemises à carreaux et bretelles, béret sur la tête, faisaient leurs prévisions météo en regardant les nuages sur les montagnes et débroussaillaient à la faux. Si mes prédictions sont exactes, c’est à ce moment-là du texte que j’accède au statut d’illuminé de service auprès des lecteurs qui sont arrivés jusqu’ici. Mais il s’en trouve peut-être quelques-uns parmi eux pour, sinon partager ces réflexions, du moins les prendre en considération et continuer la lecture.

III. « Profanation »

A qui viendrait l’idée de faire ses exercices de musculation dans un cimetière ? De jouer au tennis contre le mur des Lamentations ? De pique-niquer sur la tombe du soldat inconnu ? Et pourtant le sacré des uns n’est pas celui des autres. Cet automne, je suis entré pour la première fois dans la basilique Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille. Quelques personnes, principalement des têtes chenues mais pas seulement, étaient assises çà et là parmi les premiers rangs, et semblaient absorbées par la prière. Je me suis demandé si elles parvenaient réellement à faire abstraction, en dépit du brouhaha, de tous les touristes (dont j’étais) venus compléter leur story Instagram (ça par contre, je n’en étais pas) de photos d’un lieu qui n’avait, pour eux, rien de sacré. Ou bien préféraient-ils, ces prieurs, feindre de ne pas voir ? Toujours est-il que je me suis senti interpellé, presque embarrassé, que se côtoient ainsi des touristes ostensiblement désinvoltes vis-à-vis de la solennité du lieu et des croyants affichants leur foi au grand jour.
N’exagérons pas, je ne considère pas la montagne comme un temple païen auquel ne pourrait accéder que les membres d’un haut clergé triés sur le volet. La montagne est un cadre idéal pour vivre des aventures, mettre entre parenthèse les soucis d’en bas et même faire son sport, pourquoi pas. En revanche, ce que je vis comme « profanatoire » (j’insiste sur les guillemets, le mot dépasse volontairement ma pensée), c’est de ne la considérer que comme un cadre, un support à son égo démesuré, un objet de consommation courante. Faire deux ou trois heures de route depuis le centre d’une grande ville où l’on peut exercer une activité professionnelle bien rémunérée, se prendre en photo au sommet de la Verte, retourner chez soi le soir, se précipiter sur les réseaux sociaux pour publier la photo avec le commentaire « avant la Verte on est alpiniste, à la Verte on devient montagnard », compter les likes, recommencer le weekend suivant dans un autre massif. Se connecter sur Skitour pour rentrer une sortie à 2500m de dénivelé positif, constater qu’un autre Skitourien en a fait 3000 le même jour, le regretter secrètement, poster un commentaire de félicitations pour masquer sa vexation. Reprendre un utilisateur sur le degré de la pente parcourue. Afficher un horaire canon pour la voie parcourue ce jour, en expliquant subtilement qu’on aurait pu faire mieux si on n’avait pas été ralenti par la cordée de devant qui décidément n’avait vraiment pas le niveau. Bref, n’avoir d’yeux que pour la performance sportive, considérer la montagne comme un stade, la raccorder au tout-à-l’égo (encore un mot de Régis Debray).
A l’opposé, ce que j’appelle « sacraliser » la montagne ce n’est pas la tenir hors de portée des femmes et des hommes, l’enfermer dans son ciboire et la ranger dans le tabernacle. C’est simplement éprouver un certain respect à son endroit. C’est s’astreindre à une forme de rite par lequel on s’élève du statut de profane à celui d’initié. Plus prosaïquement, c’est avoir longtemps rêvé d’un sommet ou d’un itinéraire et n’avoir brûlé aucune des étapes requises afin d’acquérir l’expérience nécessaire pour potentiellement, un jour, finir par y mettre les pieds. C’est l’aimer elle et non chercher à s’aimer soi à travers elle.

IV. Fermer Camptocamp (et Skitour) ?

Avant d’aller plus loin, je préfère vous rassurer, je ne m’attends pas à ce que C2C (et/ou Skitour) soit fermé dans un futur proche. Je ne pense même pas le souhaiter réellement. Je plante une graine. J’élargis la fenêtre d’Overton. Et puis, avouons-le, la question est un peu pute-à-clique. Elle veut faire le buzz et ainsi permettre de disséminer la réflexion à une audience plus large.
Je ne vais pas détailler ici les arguments purement pragmatiques. Dans ce registre, citons simplement la sur-fréquentation de certains itinéraires et les phénomènes de mode qui deviennent réellement problématiques (demandez aux habitants du Rivier d’Allemont qui voient débarquer des centaines de voitures certains weekends) voire dangereux (notamment pour la cascade de glace où le nombre de pratiquants me semble exploser tandis que le nombre d’itinéraires praticables se réduit à peau de chagrin). Évoquons également, tout au moins pour l’escalade, le court-circuitage des topos papiers dont l’achat permet de financer l’équipement des voies.

Mais ce qui m’intéresse réellement ici c’est plutôt notre comportement de consommateur vis-vis de la montagne. J’ai expliqué plus haut ce qui me semble ne pas aller avec ce comportement. En résumé, il constitue une forme de « désacralisation » de la montagne qui en heurte certains (moi en tout cas) car cette « sacralisation » de la montagne est une manière pour ces gens (moi en tout cas) de préserver un lien avec une identité évanescente. Si cela ne concernait que moi, il serait bien égoïste de vous embêter avec mes états d’âmes. Mais le fait est que je ne suis pas le seul à considérer la montagne comme une sorte de chose « sacrée » (encore une fois, avec des gros guillemets). N’y a-t-il pas en France un Parc National des Ecrins ? De la Vanoise ? Des Calanques ? N’est-ce pas là une forme de « sanctuarisation » de la montagne ? Et que dire des montagnes sacrées en Himalaya qu’il est formellement interdit de gravir ?
Or, la première chose à faire pour sortir de la société de consommation « désacralisante », c’est d’interdire la publicité. Camp2Camp (et Skitour), c’est le service marketing des sports de montagne. Non pas qu’il faille arrêter d’assouvir nos désirs de montagne. Mais peut-être peut-on considérer le fait de se construire des désirs factices, mimétiques ou reposant sur un esprit de compétition mal dégrossit, comme délétère. Peut-être même peut-on vouloir substituer à ces désirs factices une progression motivée par une authentique aspiration personnelle.

Conclusion

J’arrête ici mon délire. Je ne dis pas que tout Camp2Camp soit à jeter aux orties. Il y a énormément de compte-rendus de sorties que j’apprécie, qui ne sont pas dans la démonstration d’une performance mais dans le partage d’un authentique goût de la montagne. Et puis il y a les compte-rendus qui sont utiles à la communauté parce qu’ils avertissent d’un danger, signalent avoir retrouvé des affaires perdues, cherchent à faire éviter aux suivants une erreur commise, etc. Ce que je veux faire ici, ne serait-ce que l’espace de quelques minutes, c’est interpeller sur notre pratique de la montagne et cette façon que l’on a de se comporter en consommateur. Je m’inclus dans le lot. Moi aussi je fais des kilomètres le weekend pour aller faire telle course parce que j’ai vu de superbes photos sur internet (coucou les chorums olympiques). Difficile de ne pas se comporter en consommateur dans une société de consommation. Mais relevé la contradiction c’est déjà faire un pas dans la bonne direction.

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Bonjour,

C’est intéressant comme point de vue, mais je suis mal placé pour y répondre. Tout ce que je peux dire c’est que ce qui est rare est cher : en trois ans, pour des raisons sur lesquelles je ne vais pas m’étendre, je n’ai pu venir reprendre des forces que 5 ou 6 jours en montagne.

Autrement dit, l’essentiel de mon activité montagnarde se passe à rêver en lisant vos cr sur camptocamp, en attendant des jours meilleurs.

Alors bonnes courses, et bon fil

bric

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Merci à toi d’avoir pris le temps d’écrire ces mots.

Je me retrouve dans ta description de ton amour de la montagne, et pourtant je ne suis pas montagnard. Mon père a fait son service militaire au sein des chasseurs alpins et nous emmenait skier tous les ans. Je pense qu’il me l’a transmis, d’une façon où d’une autre.

Je trouve le sujet que tu ouvres très intéressant. Évidemment, la description catégorisante de ceux qui « désacralisent » la montagne ne peut être généralisée à tous ceux qui s’y rendent. Je pense que c’est une question d’éducation : certains ont appris à aimer la montagne, d’autres s’y rendent pour d’autres raisons. Ceux qui l’aiment sont-ils plus légitimes à s’y rendre ? Devrait-on interdire à ceux qui n’ont pas suffisamment montré leur amour pour la montagne de s’y rendre ?

Alors, sans aller sur le fonds, juste sur l’assertion du début :
Tous les ans, on fait 3 semaines de ski de rando, c’est devenu notre principale activité montagne.
Dans des niveaux 2.1-3.3 : facile donc pour la majorité d’entre vous
Pour des dénivelés 1200-1800 en gros
J’avais déjà remarqué ces dernières années que certains vallons proches des parkings étaient blindés et que la fréquentation baissait quand on s’éloignait de ceux-ci
Et que, en cas de boucle passant « derrière la crête » : plus personne et même pas de trace (toujours dans du très faisable je rappelle)
cette année, je vois les magasins en ligne et sur le terrain dévalisés, des messages comme celui-ci faisant état de files continues de skieurs … hé bien sur mes 3 semaines, j’en ai déjà (hélas) fait 2 … sorti des pistes de station non ouverte où effectivement ça grouille pas pas mal : PERSONNE !

Je ne comprends pas vraiment où est tout le monde …
les sorties que l’on fait sont toutes accessibles, décrites dans les topos ou tracées en bleu grace à l’IGNF et malgré tout, malgré des rayons vides, pas un skieur !!!

Donc, en conclusion, je ne partage pas le constat initial affirmant que la montagne croule sous les pratiquants …

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assez d’accord avec DB2, si tu sors des courses ou itinéraires ultraclassiques, ya plus grand monde…si tu pars en grande voie avec un équipement un peu éloigné…ya plus grand monde non plus…s’il faut commencer à porter de quoi bivouaquer en altitude (mème au bord d’un simple lac de montagne) parce que les refuges sont fermés…idem, ya pas foule et perso je ne suis jamais emmerder pour poser mon duvet…ya de la place !!

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Bel effort !

En fait, je réponds à @jub74. En plus, c’est bien écrit. On sent l’intellectuel introspectif, si je puis risquer ce pléonasme.

Hummmm, je vais ouvrir un sujet : peut-on être un intellectuel introspectif et put-à-clics en même temps ?

Nan, je rigole, y en a plein !

j’avais déjà proposer de fermer camptocamp il y a quelques années mais le monde n’était pas prêt…

D’accord avec toi, mais je pense qu’instagram fait plus de mal que skitour ou C2C (qui n’est plus ce qu’il était soit dit en passant…).
Sur instagram tu vois ce qui est en condition sans le vouloir!
Un exemple flagrant: le W d’areu, inconnu il y a quelques années, ça fait la queue dedans maintenant…

J’en profite pour dire que j’aime bien quand un mec poste une sortie dans un coin encore épargné, et commente « ça fait plaisir de trouver des coins sans personne! »… CHUTTTT!!! c’est internet quand même!

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Intéressant, mais on parlait déjà de cela au temps de Ruskin et Whymper…

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Pas de problème. Il suffit de faire assez de dons pour couvrir les frais de serveur. Je ne connais pas la proportion entre les dons et la pub en 2020 dans les recette de l’assoce c2c, mais tu peux être rassuré, ça ne brasse pas des millions.

Oui, il faut bien suivre le cursus de formation, les procédures de préparation d’une sortie, et bien remplir toutes les check-list avant de partir pour un sommet mythique (en fait grosse classique qui le mérite par toutes ses qualités).

Je pense que certains vont en montagne justement pour fuir ce genre d’ambiance « je ne suis qu’un pion dans le système »…

Alors qu’on peut simplement aller vers des sommets plus modestes en train et vélo, pour des randos contemplatives.

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Peut-être en croisant le nombre des créations d’itinéraires avec le nombre des sorties, ça donnerait un aperçu que tout le monde ne va pas au même endroit… Il me semble également que ces deux plateformes sont le reflet des pratiques qui évoluent.

Effectivement, les pratiques évoluent et vont devoir évoluer, vu le réchauffement climatique qui va nous obliger à modifier nos sorties notamment hivernales. Il y a un facteur certain dans les Pyrénées: comme l’altitude de chaussage augmente, beaucoup de départ se font des stations car ce sont les seules routes (ou presque) que l’on peut emprunter afin de gagner de l’altitude. Donc, ici beaucoup de skieurs partent donc du même endroit., et souvent s’accumulent aux mêmes endroits. Ce phénomène a été amplifié cette année par la fermeture des stations: beaucoup de nouveaux venus au ski de rando ont découvert l’activité sur les pistes. Ensuite peut-être devra t’on envisager des sorties sur plusieurs jours, sur le WE, en dormant en cabane ou en refuge afin de ne faire qu’un portage et ainsi rester en altitude.

Cette phrase m’a toujours paru étrange également, mais je pense effectivement que c’est une question de sémantique. Il faudrait savoir ce que Gaston entendait par « Montagnard » : un rude habitant des vallées ou un alpiniste particulièrement tenace et dur au mal ? Ou encore autre chose, un alpiniste à qui une certaine facette du monde, sa beauté par exemple, a été révélée au sommet de la Verte ?

Je comprends ce que tu veux dire, mais n’est-ce pas de la nostalgie idéalisée ? Dans bien des cas, ces mêmes paysans ont su prendre le virage de la modernité, devenir moniteur de ski, épouser tous les métiers du tourisme, vendre leur foncier pour des fortunes, etc. Et cela sans attendre Camptocamp ou Skitour.

Là encore, je pense que tu exagères et que tu peux être rassuré sur les motivations de certains. Il suffit de compter le nombre de personnes en montagne versus le nombre de personnes qui postent leurs sorties. Ils sont une extrême minorité, ceux qui postent leurs sorties.

Là encore, est-ce nouveau ? On voudrait croire que oui mais en fait non. Comme les modes de diffusion ont changé, ça peut donner ce type d’impression. J’ai des placards de famille remplis de photos en noir et blanc de gens au sommet, de gens exhibant leurs sacs à dos, de gens souriants, etc. On peut penser aux infiniment longues soirées de visionnaire de diapositives… Messner au sommet du Nanga Parbat se prend en photo, Lafaille au sommet des Annapurnas, etc, etc…

La question des horaires en montagne, j’ai l’impression que ça a toujours été. Les topos de Rebuffat indiquaient des horaires qu’il était de bon ton d’essayer de tenir. Très tôt, on a mesuré le temps mis pour les ascensions.

Oui, ça effectivement ça me parait être un vrai problème issu des sites comme Skitour et Camptocamp.

On peut étendre ça aux voyages…

Bon bref, je ne suis pas aussi pessimiste que toi. je pense qu’il reste plein de rêveurs et de gens qui respectent et apprécient la montage. Et peut-être qu’on a l’impression à tort du contraire, parce que les personnes que tu décris sont les plus visibles et prennent beaucoup de place, de part leur volonté de se répandre. Un peu comme ceux qui râlent et gueulent le plus fort, qui prennent énormément de place dans un débat, mais qui au final ne représentent qu’eux même et pas du tout la majorité.

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à tort, à tort, à tort, à tort, etc.
Bon sang de bois !

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Je ne suis pas une montagnarde d’origine et ne me permettrais jamais de m’appliquer ce qualificatif, jai trop de respect pour tous les vrais montagnards (ceux qui ont vécu durement dans les montagnes et/ou les alpinistes) qui m’ont fait rêver par leurs récits
Je découvre la montagne (à vache comme certains disent) depuis une dizaine d’années et j’aime tous les jours un peu plus, et pourtant j’en ch… toujours à la montée car je n’ai pas de cardio, mais je suis tj au paradis quand j’arrive en haut. Dans la mesure du possible je fuis les endroits trop fréquentés.
Je crois que ce que j’aime c’est de faire la sieste là haut :blush:.
Point de selfies, je publie des photos pour montrer combien c’est magnifique, pas de chiffres (temps, dénivelé, altitude) je m’en moque.
Alors tu vois il reste des gens qui aiment la montagne pour sa beauté et pas pour les exploits qu’ils pourraient y réaliser
Fermer C2C ? Ah bah non ! A qui demanderais-je des conseils ??
Il me semble que si la « vantardise » de certains (Je vois tout à fait ce que tu veux dire, je fuis ces personnes) te dérange, tu peux ne pas lire leurs posts :wink:

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Magnifique message :slight_smile:

Comme tu l’as bien « dit », la majorité des montagnards ne sont pas des alpinistes. Et la majorité des alpinistes pas des montagnards. Certains sont les deux.

Mais les montagnards sont quand même contents de voir des alpinistes / skieur débarquer ? Ça rapporte + que le bétail, l’agriculture. Surtout à notre époque.

Après ton idée du montagnard, est peut être dépassée. Ta définition est plutôt juste, ça me fait aussi bcp penser à de vieilles photos avec des luges, des skis de 2m, un mode de vie assez rustique. Mais la société a évolué. Et les habitants des montagnes aussi. Ils se sont adaptés. Bcp ont quitté les montagnes, c’est peut être un peu dommage, je ne sais pas.

Mais d’autres, anciens citadins peut être, sont tombés amoureux des montagnes. Et ont passé des décennies à vivre en montagne. Pas juste pendant les vacances donc. Y travailler, fonder une famille, etc. Ils deviennent des montagnards en quelque sorte ?

J’adore ce que tu dis concernant la performance avant tout ; Fuck les collants pipettes :wink: !

Mais y a encore de très nombreuses cultures montagnardes partiellement préservées.

Et bon, ce sont juste des mots …

On pourrait prendre le mot voyageur; celui qui voyage autour de la terre en pouce sans argent, et celui qui peut voyager qu’une semaine par année. C’est très différent. Mais les deux ont une vision sûrement différente du voyage ( même si j’ai tendance à dire qu’un vrai voyage c’est plutôt le pouce :stuck_out_tongue: ).

Peut etre que le citadin qui va aller un week-end par mois en montagne, à côté de ses amis qui n’y vont jamais, sera perçu par ces derniers comme un montagnard ? Et ce n’est pas totalement faux.

Concernant skitour / camptocamp > oui, ça va peut être encourager les gens à aller + en montagne. Mais la vidéo virale d’un skieur pro, risque d’ avoir une influence bien plus forte. Et sans explications.

La personne qui vient ici, ou autre forum du genre, va pouvoir se renseigner, mais surtout se former ( théoriquement, mais c’est important aussi ). Penser à des choses auxquelles elle aurait pas pensé. Éviter de prendre des risques inconsidérés. Informer d’autres pratiquants sur des conditions, etc.

Donc selon moi, l’impact positif de tels sites, dépasse largement l’absence de ces derniers. C’est YouTube, Facebook les problèmes plutôt ? Quand le partage est quasi unidirectionnel. Quand on consomme juste de l’information ?

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Fenêtre d’Overton, pas Orton…

Salut,
J’ai commencé à me questionner quand j’ai réalisé que je faisais allégrement 150 bornes le weekend pour aller en montagne. Et que je passais mes trajets en vélo pour aller au boulot à me demander comment les gens pouvaient encore trouver normal de faire 30 bornes par jour en voiture pour aller au boulot alors que les alternatives vélo ou TP existent et sont accessibles.
4 ans après, je suis paysan, je suis allé en montagne 5x depuis 1an et demi. J’ai dapté mon mode de vie à mes besoins. Entre autres, être dehors, beaucoup d’activité physique, varié et éthiquement assez poussé. Du concret et de la théorie à la fois. De l’adrénaline aussi, au somme d’une échelle branlante ou à gérer une mule emballée (on bosse en traction animale).

Bref, je voulais juste dire que les loisirs (notamment les loisirs évolués qui nécessitent matériel et transports importants) ne font que nous apporter ce qu’on peut avoir de manière beaucoup plus simple, avec un impact beaucoup plus faible. Visons la sobriété pour vivre heureux en accord avec l’équilibre global !

Avec tout ça, la montagne ne me manque pas ! Chaque retour là haut est incroyable, même si c’est 3x moins haut, long et engagé qu’avant.

Par contre, c’est étonnant voire perturbant d’observer tout un pan de mes relations s’étioler, car en fait elle ne subsistait que par la pratique assidue de la montagne.

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J’aime bien ce que tu as écrit, mais ce que je ne comprends pas bien :

Pour « protéger » la montagne, les montagnards, l’alpinisme et les alpinistes, bien avant les sites communautaires spécialisés, j’interdirai plutôt :

  • les médias de type Montagnes Mag, Grimper et compagnie qui s’adressent plus encore à une horde de purs consommateurs, et qui retirent donc un revenu de cette consommation,
  • ces mêmes médias qui focalisent la foule sur un spot ou une pratique sans ouverture générale d’esprit à chaque nouvel article sur LE machin à la mode contribuant encore à favoriser une approche zapping par activités de la montagne,
  • les sites communautaires non spécialisés qui en plus de ne glorifier que l’approche sportive, ne sont que temples de la consommation d’objets accélérateurs du temps, montres connectées et autres,
  • les stations de ski et toutes les remontées bien sûr qui, par chaque vallon nouvellement occupé réduisent l’espace montagnard et le transforme plus qu’aucune autre activité en espace de loisir techno,
  • les stations de ski encore qui accroissent la pression foncière, empêchant les locaux d’habiter sur place et drainant toute une population incapable de déneiger sans fraise à neige motorisée,
  • l’habitat dispersé et les maisons neuves, qui plus qu’aucun autre contribue à la destruction de l’espace montagnard avec ses prés et son agriculture, en plus d’augmenter l’impact environnemental par un transport des fluides et d’énergie plus lointain, par un traitement des eaux usées et des déchets plus complexe et incertain, par une emprise de l’urbanisation plus importante,
  • l’équipement des voies d’escalade, des via ferrata qui mettent à la portée de tous des espaces où l’on devrait considérer que c’est à l’homme de progresser pour y évoluer, et pas à l’amelioration de l’équipement de palier son manque d’autonomie,
  • les topos dont les revenus contribuent en partie à au maintien de l’équipement, mais dont la promotion et le déclenchement d’achat se font sur la promesse de toujours plus de voies, toujours mieux équipées, accroissant encore l’aspect de l’enfant capricieux avec trop de jouets autour de lui et qui ne sait plus choisir lequel,
  • les topos et l’amélioration de l’équipement encore dont le discours est toujours celui du carnet de croix, de la collection, du toujours plus de voies cochées, de plus en plus vite, vites consommées, vites chiées, vites oubliées, telles des menus MacDo …
  • tous les sites internet qui font la promesse d’une connexion en deux clics sans favoriser l’aprentissage, un retour 2.0 en un clic sans favoriser le partage, une consommation 3.0 qui attise notre esprit de consommation en nous proposant par analyse de nos précédents clics ce que nous n’avons pas choisi en conscience,
  • tous les titres d’articles, de posts sur les forums, qui n’ont qu’une vocation à ramener le chaland par la promesse d’une belle polémique … mais dont le support et l’audience est cet objet de polémique.

Quand on aura interdit tout ça, alors on coupera aussi les serveurs C2C et Skitour, et seuls les montagnards qui vivent dans la montagne et de la montagne nouvellement autorisée sauront ce qui est le mieux pour elle et pour eux … Ce jour-là sera plutôt pas mal …

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Faut-il-brûler-les-refuges.pdf (hypotheses.org)

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