J’apporte ma petite pierre à la discussion. Je préfère prévenir, je suis un peu long….
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, je rappelle que la composition de l’air ne change absolument pas avec l’altitude, à 8000 mètres on a toujours 21% d’oxygène et 79% d’azote.
La pression diminue avec l’altitude. Au niveau de la mer on a une pression de 1 atm = 1,013 bar. La pression partielle d’oxygène est donc de 0,21 bar (à peu près). Là on vit très bien.
A l’Everest on a une pression totale de 0,31 bar, c’est à dire 3 fois moins qu’au niveau de la mer. La pression partielle d’oxygène est donc de 0,0651 bar, soit 65 mbar.
Si on voulait avoir la même pression partielle d’oxygène à l’Everest qu’au niveau de la mer, histoire de gravir ce sommet sans effort, il faudrait respirer un air enrichi artificiellement à 65% d’oxygène. Sur les grands sommets himalayens (Everest, Kanchenjunga, Lhotse, Makalu et pas les autres !!) il est donc intéressant d’ajouter de l’ox à l’air ambiant que l’on respire, sans changer la pression.
En pratique, enrichir à 65% demanderait trop d’oxygène pur en bouteille. Comme on inspire en moyenne 8 L d’air par minute au niveau de la mer, soit environ 25 L/min là haut, il faudrait rajouter 31 L/min d’oxygène pur détendu à la pression de là haut. C’est énorme !
On se contente donc d’ajouter un peu d’oxygène pur (3L/min il me semble) pour descendre artificiellement de 1000 mètres. Du coup faire l’Everest avec Oxygène revient à gravir un sommet de 7800 mètres.
Petite remarque, si des Sherpas sont là pour porter les bouteilles (et le reste), gravir l’Everest semble donc plus facile que de faire les autres 8000 sans ox !!! (Je dis semble, car ayant fait un 8000 sans ox mais pas l’Everest je ne peux pas en témoigner). Ceux qui me comprendront iront faire des 8000 moins fréquentés et sans oxygène au lieu d’entasser d’autres bouteilles au col sud de l’Everest….
Voilà pour les pressions. Maintenant passons à ce qui nous intéresse, la vie !
On peut lire qu’il faut un minimum de 18% d’oxygène dans l’air pour pouvoir vivre. Cela sous entend au niveau de la mer, pour un individu non acclimaté, à 1 atm. Cela fait donc une pression partielle minimale de 0,18 bar = 180 mbar. Or je rappelle que la pression partielle d’oxygène au sommet de l’Everest est seulement de 65 mbar, donc trop peu pour vivre…. Si vous plantez une personne non acclimatée tout d’un coup là haut, elle meurt d’asphyxie, pas la peine d’essayer !!!
Heureusement l’acclimatation permet de repousser les limites de tolérance du corps humain. Sans acclimatation, le mini de pression partielle pour vivre est de 180 mbar, or Messner et autres vainqueurs de l’Everest sans ox ont permis de constater que l’on peut « vivre » à 65 mbar d’ox. Conclusion l’acclimatation permet de supporter une perte allant jusqu’à 120 mbar de pression partielle d’ox. Magnifique !!!
J’en reviens à la perte de pression barométrique lors de grosses dépressions. Si on perd 13 mbar de pression totale et si on suppose qu’il en est de même au sommet (j’en doute car ce n’et pas linéaire), on se retrouve à une pression partielle d’oxygène au sommet de 61 mbar au lieu de 65 mbar, soit une perte de 4 mbar d’oxygène. A comparer avec la perte de 120 mbar que le corps peut encaisser.
J’en arrive à ma conclusion… (si vous n’avez pas zappé ma réponse car trop longue, bravo !). Une grosse baisse de pression barométrique lors d’une tempête diminue la pression partielle d’ox, c’est sûr.
Par contre, cette perte de pression est si faible (en comparaison avec le reste) que je suis assez peu convaincu qu’une tempête puisse aggraver les effets de l’hypoxie rien que par la baisse de pression supplémentaire qu’elle provoque. Soit on est sur un « petit » 8000 et on en est pas encore aux limites extrêmes de l’asphyxie (on peut pousser le bouchon un peu plus loin), soit on est sur un des 4 « gros » 8000 et dans ce cas on tourne le bouton du détendeur d’un poil pour rajouter un mini d’ox en plus .
Le vrai débat sur les victimes en très haute altitude, c’est que la connerie ne pardonne pas là haut. Au Mont Blanc il y a les secours, la bas il n’y a rien. J’ai vu assez de morts en Himalaya pour dire que ce n’est pas la baisse de pression due à une tempête qui tue, c’est la vanité et la bêtise.